Etude sur le Samkhya Karika

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Denis
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Etude sur le Samkhya Karika

Message par Denis » 03 juil. 2022, 16:46

Bonjour,

Il y a quelques jours j'ai réalisé une présentation du Samkhya Karika à des amis Géobiologues, texte que j'affectionne particulièrement depuis des années et je vous livre ici ma synthèse...
N'hésitez pas à commenter !!

Sâṃkhya Kârikâ
Texte fondamental de la vision Indienne



Le Samkhya est un des textes principaux de la vision indienne.
Sâṃkhya = Dénombrement des éléments qui nous composent
Kârikâ = Verset ou paragraphe qui instille la certitude.
• Le Sâṃkhya Kârikâ est une étude qui analyse ce qu’un homme peut expérimenter de son existence sans aucune connaissance particulière, ni philosophie, ni croyance, avec comme moyens de découverte la Perception, l’inférence et le tTémoignage valide.

Le Samkhya est :
• Rattaché aux Vedas (la Bible Indienne)
• Fait partie de la Smrti (smriti réflexions sur le Veda) par rapport à la Shruti, ce qui a été entendu et vu par les anciens maîtres, les Rishis.
• Vision dualiste : Esprit (Purusha) / Nature (Prakrti)
• Écrit par Kapila 550 av. JC.
• L’une des 6 écoles de la philosophie Indienne (Darshana) qui va de pair avec le Yoga (Patanjali)

Par son étude il se place hors des textes rattachés à une vision spirituelle.
En effet, tout en haut du Samkhya on ne trouve pas un Dieu, mais simplement l’Esprit et la Manifestation qui règnent tous deux au même stade…
Purusha (L’esprit) n’est pas producteur de la Manifestation et Prakrti (Prakriti), la Manifestation n’est pas produite par Purusha ni productrice de Purusha…
Mais attention, cette dualité est voulue pour mener à bien l’étude que se propose de réaliser le Samkhya, qui est de dénombrer les éléments qui nous composent et cela dans une expérience directe par un homme qui n’aurait aucune religion, aucune croyance, aucune philosophie…
Les 3 moyens utilisés dans cette analyse
- La perception directe
- L’inférence (logique implacable : Pas de fumée sans feu, si je vois une fumée c’est qu’il y a un feu)
- Le témoignage valide qui va permettre une perception directe
Avec ces 3 moyens de découverte de la réalité le Samkhya va étudier toute la manifestation aussi bien manifestée que non manifestée (en latence) mais aussi étudier le « Connaisseur des phénomènes », l’Esprit.

Toutes les visions « spirituelles » du monde se positionnent en fonction de cette dualité Esprit/Manifestation (Nature)
tableau.jpg
tableau.jpg (39.35 Kio) Vu 5138 fois
La plus part des textes traditionnels Indiens donnent des « recettes précises » pour expérimenter des aspects de la Conscience.
Le Samkhya lui s’occupe de définir les éléments qui vont constituer la « soupe » et de trouver les liens entre eux, tout en laissant un peu de côté « les recettes ».
En cela il devient un texte de référence pour toutes les visions Indiennes. Bouddhisme, Shivaïsme, Jainisme,… utilise le Samkhya et le réagence à leur manière tout en acceptant les 25 éléments. Par exemple le Shivaïsme rajoute 11 éléments pour arriver à 36 éléments et si cela vous intéresse je vous parlerais de ces 11 éléments suivant qui sont vraiment fantastiquement précis et conditionnent les 25 éléments de base du Samkhya.

Le Samkhya nous permet donc de comprendre « ce que nous sommes » et « comment nous fonctionnons » dans une démarche très scientifique, expérimentable par nous même ! Car c'est ce qui est fondamental dans l'étude d'un texte, c'est de comprendre comment nous pouvons le mettre en pratique dans notre pratique.
Le Samkhya nous invite à vraiment percevoir les éléments en nous, en relation avec le monde extérieur. Il nous invite notamment à maitriser les Tanmatra qui vont nous permettre d'entrer dans la subtilité de la manifestation et percevoir et comprendre plus profondément ce qu'il s'y passe. Il nous donne aussi la possibilité de travailler sur notre mental pour le maitriser, puis de rencontrer et expérimenter notre Ahamkara (ego) pour aller chercher la douce saveur de Buddhi puis de rencontrer l'infini de Purusha. En continuant cette remonté et en glissant dans la vision du Shivaïsme nous pourons passer de Purusha à Atman et d'Atman à Brahman, soit de notre âme personnelle à l'âme universelle...

Le Samkhya met en place 25 éléments (tattva) qui nous composent
(voir tableau en fin de document)
1/ Purusha (L’Esprit) qui apporte la présence et la lumière. Il est non né, ni produit ni producteur.
Purusha = Le maitre de la maison
Dans le Samkhya les Purusha sont multiples, il faut rajouter les 11 éléments du Shivaïsme pour arriver à un seul Purusha qui dans ce cas devient Shiva (Dieu) et les Purusha seront vu alors comme des particules de Dieu.
Cette notion « d’étages », de plans, de plus en plus subtils comme par exemple dans la manifestation jusqu’à arriver à l’énergie pure, indivise, libre, dans l’instant présent et autonome mais sans conscience et pour son « opposé » l’esprit de plus en plus lumineux et immobile est l’une des visions les plus incroyables de la cosmogonie Indienne…

Le Purusha est non lié, il apporte la présence, et non né, donc hors du temps et de la manifestation, éternel !
Si on monte à l’étage au-dessus du Samkhya, dans la vision Shivaïte, on entre dans Shiva (Dieu), où la Présence est omniprésente, non née, éternelle, elle EST et donc n’est pas soumise au temps ni à l’espace ni au changement. Elle Est comme le soleil qui brille que seul des nuages peuvent masquer plus ou moins, les nuages dans notre expérience étant notre mental (manas).
La présence était donc là avant le bigbang, avant toute manifestation…
La présence omniprésente dans la manifestation permet à toute existence (humaines, animales, insectes, végétales,…) de vivre et d’être conscient.
La présence est la source de la Conscience. La présence se révèle dans un corps en animant ses organes devient, elle devient conscience car la conscience est toujours appliquée et relative à quelque chose. Par exemple, je suis conscient qu’il fait chaud, que j’ai faim, « j’ai conscience de »

2/ Prakrti (la cause substantielle de la manifestation) sous laquelle la manifestation va s’étager en 23 autres éléments. Elle est non née et ne produit pas Purusha dans la vision du Samkhya.
• Crée les chaînes d'attachements mais en même temps est source de libération.
• Dans le Samkhya la séparation entre Esprit et nature est totale et voulue pour comprendre les interactions.

Esprit (Purusha) et Manifestation (Prakrti) sont au même niveau, ce sont les 2 faces de la même pièce.
On pourrait voir l’esprit comme l’axe d’une roue. L’axe d’une roue n’a que très peu de caractéristiques, il doit être présent, robuste, inaltérable et stable !
La roue elle qui tourne autour peut prendre toutes les formes, elle peut être à rayons, bâtons, pleine, grosse, petite, avec un pneu ou pas, rouge ou verte, elle peut tourner plus ou moins rapidement, elle est instable, présente elle disparait, se résorbe, pour réapparaitre tout en étant au service de Purusha, car tout est au service de tout !
Cet archétype « de roue »se retrouve dans la manifestation dans l’infiniment petit dans la forme des atomes, ou dans l’infiniment grand dans le système solaire et dans les galaxies, il est fractale.

C’est sous Prakrti que toute la manifestation va s’étager en mondes de plus en plus denses pour arriver à créer la terre, élément le plus dense qui est une compression de l’énergie (lumière) du départ (Prakrti). Prakriti qu’on nomme aussi « cause substantielle de toute la manifestation », à l’image de la terre glaise qui peut créer des jarres, des pots, des assiettes, des tasses, des plats faits en terre glaise…

Sous Prakriti nous allons donc trouver toute la manifestation non consciente et en premier Buddhi…

B2/ Buddhi
• Il existe une Buddhi commune et une personnelle.
• Les 3 gunas sont encore équilibrés en elle. (voir plus loin l’explication des 3 gunas)
• Masse énergétique en mouvement qui va organiser le macrocosmos et le microcosmos, toute l’existence selon la loi de l’ordre du monde (dharma).
• Reflète la lumière de Purusha.
• Essence sattvique de luminosité et de pureté.
• Mémoire, intelligence et arrêt du mental.
• Valide l’expérience remontée par le mental.

Buddhi est l’intelligence supérieure, celle qui incorpore tous les outils (nombre d’or, nombre PI, archétypes, mathématiques, mécaniques…)
C’est elle qui contient tous les plans des projets de la manifestation…

Il existe une Buddhi collective (Humanité, Chrétiens, Juifs, Musulmans, équipe de foot, club, village) qui apporte une sorte d’esprit (sans conscience) et qui fait dire à des gens « lui il a l’esprit du groupe », il est donc bien connecté à la Buddhi collective de …

Il existe une Buddhi individuelle !
(Partie pour mes amis Géobiologues)
Oui, car assurément le foie ou le cœur d’Alain n’a rien à voir avec le foie ou le cœur de Denis et si je demande une réorganisation néguentropique du foie d’Alain mieux vaut que ce soit son foie qui réapparaisse que celui de Denis…
Alors pour moi le « champ du point zéro » se situe dans notre Buddhi personnelle…
Il est la « graine » en latence qui va coordonner, organiser notre corps, notre existence…
Il se place avant l’ego (Ahamkara)…


Notre Buddhi personnelle est la « graine » en latence qui va coordonner, organiser notre corps, notre existence…
Elle se place avant l’ego (Ahamkara)…

B3/ Ahamkara

Le sens de l’ego, la science du sanskrit nous permet de comprendre ce terme très précisément :
Aham => I am => Je suis !
Kara => La forme

Voici donc que la chose qui dit en chacun de nous « je suis », donc d’une manière totalement commune à nous tous vient de prendre une forme, ce corps, cette existence humaine.
« Je suis » à pris forme…
• La Présence s’individualise dans la forme elle devient le moi sujet de l’expérience et de limitations dans le monde affectif.
• Préside à l’apparition du monde intérieur et extérieur.

Nous rencontrons Ahamkara quand avant le moment de sombrer dans le sommeil paradoxal, nous restons dans un « lieu » sans forme, sans souffrance, sans souvenir de vies passées, mais éclairé par une pure présence. Lieu qui peut aussi être vécu au moment du réveil avant que le monde extérieur réapparaisse et avec lui la sensation de notre enveloppe charnelle et tout ce qui va avec (histoire, passé, attentes, désirs, souffrances, …)
Lieu qui disparait d’un coup si une goutte d’eau vient recréer l’espace et le temps, contenant de toute l’expérience affective de l’existence…

C’est donc lui « le sens de l’ego », Ahamkara qui devient le maître du monde intérieur et extérieur.
Pour gérer le monde intérieur le mental (Manas) va devenir le maitre des sens et des moyens d’action dans le corps

B4/ Manas le mental
• Organe interne
• Gère nos 5 sens et 5 moyens d’actions.
• Coordonne les activités physiques, psychiques et subconscientes. (3 états de conscience).
• Il nous attache ou nous libère…
• Fonction d’analyse.
• Coordonne l’expérience.

Il est l’ordinateur central !
Celui qui reçoit toutes les informations des sens et coordonne les moyens d’actions.
Il dispose de l’imagination, de la mémoire vive qui est capable de recréer en temps réel une image en 3D, colorisée et même des choses que l’œil ne voit que très mal en cherchant dans toutes les données déjà vues et connues de notre existence.
Il est monotâche, quand l’esprit est multitâche et multifonctionnel…
Il est aussi le gardien des 3 états de conscience naturels que nous connaissons
État de veille
État de sommeil paradoxal
État de sommeil profond
Seul le mystique connait un quatrième état du nom de Turya quand sa conscience individuelle a fusionnée avec la conscience universelle
Appelé à tort « Esprit » par les occidentaux, il n’a pas d’existence réelle, car existe par la croisée des chemins entre les outils du corps (Sens et Moyens d’actions) et l’ego (Ahamkara) et surtout n’est pas Conscient par lui-même, comme un ordinateur…
Pour autant c’est lui qui permet la « prise de conscience » d’une expérience…
Il fait remonter les informations des sens, mais aussi sa réflexion et ses imaginations à Buddhi, qui elle valide l’expérience et apporte la notion d’éthique (au sens pur du terme, libéré de toute morale humaine et donc en accord avec la pureté céleste).
Cette remontée des informations de Manas vers Buddhi est une sorte d’interrogation qui cherche la validation de la chose perçue, par exemple : « est-ce que ce que je vois est un clavier ?.
Buddhi va dire oui ou non en fonction de toutes ses données qu’elle a en elle et cette validation va arriver à l’ego (Ahamkara) qui va dire « j’aime ou je n’aime pas ! ».
Ahamkara va alors dire « je prends » ou « je rejette »…

Quand nous rencontrons des gens qui ont « un sale esprit », le Samkhya nous invite à voir par l’agencement de ses éléments qu’une question erronée du mental (Manas) vers Buddhi va obtenir une réponse erronée de la même manière que si nous ne savons pas bien poser des questions à Google nous obtiendrons des réponses bien étranges…

Manas, le mental est le maitre des sens, des moyens d’actions car tout est lié dans des triades très précises et elles aussi étagées…

Ainsi nous avons dans la gorge le chakra Vishuddha (espace pur = Ether) qui est le siège de la parole comme moyen d’action, de l’ouïe comme sens en relation avec la faculté d’entendre (Tanmatras) et le son (objet extérieur)
Le cœur avec le chakra Anahata (le son non frappé = Air) qui est le siège de la reproduction comme moyen d’action (lien entre amour et sexe !), du sens du toucher en relation avec la faculté de percevoir le tangible et les objets extérieur. On dit « il m’a touché » en mettant la main sur le cœur…
Le ventre avec le chakra Manipura (le joyau de la cité= Feu) qui est le siège de l’élimination, déféquer et uriner comme moyen d’action (digestion, absorbation, assimilation, excrétions rejets en fin), du sens de la vue en relation avec le fait de voir (Tanmatras) les couleurs et les formes (avoir les yeux plus gros que le ventre)…
Le bassin (sacrum = sacré => secret) avec le chakra Svadhisthana (lieu de la douceur = Eau) qui est le siège de la préhension comme moyen d’action, du sens du goût en relation avec la saveur et l’eau (sans eau pas de gout !)
Enfin dans le périnée avec le chakra Muladhara (Mul => la base ou la racine, Adhara => le support = La terre) qui est le siège de la marche comme moyen d’action, du sens de l’odorat en relation avec l’odeur et la terre.

Dans cet étagement nous pouvons remarquer par exemple que :
L’air n’a pas de gout, pas d’odeur et on ne le voit pas, mais qu’on peut le toucher et qu’on l’entend (le vent). => Le vent n’existe pas dans le monde du feu, de l’eau et de la terre.
Une chose qui a un gout a une odeur, on la voit, on la touche, on l’entend (elle vibre particulièrement).

La terre entre dans l’eau, l’eau dans le feu, le feu dans l’air, l’air dans l’éther, c’est le sens de disparition de la matière, mais aussi de quand on s’endort…
Pour se réveiller et que tout se remette en place, nous avons un réveil qui va réveiller le premier sens le plus subtil qui est l’ouïe. Le son manifeste l’espace et le temps, il est le verbe du début de toutes les genèses. On compte les secondes qui séparent le flash d’un éclair et le son de l’orage pour savoir que 3 secondes égales 1 km…
Une fois l’espace et le son manifesté, la Présence permet au mental de prendre conscience de l’environnement extérieur mais aussi intérieur et nous voilà dans l’illusion d’un être qui se sent isolé dans la manifestation et qui par son regard se retrouve au centre de ce monde qu’il tente désespérément de conformer à ses désirs alors que la Présence qui l’anime est omniprésente et que dans une grande détente, il pourrait accéder à tout en même temps.


Pour finir parlons des Gunas…
Les gunas sont 3 et sont les qualités des énergies !
Sattva : Force orbitante, équilibrée, qui révèle la conscience, par exemple l'état liquide l'eau est sattvique, elle permet à la lumière de l’esprit de se révéler…
Tamas : Force centripète, apathique, opaque, lourd, par exemple l'état de glace de l'eau.
Rajas : force centrifuge, mouvement, évolution, souffrance, par exemple l'état de la vapeur pour l'eau
Difficile de trouver des mots en français pour parler des gunas, les gunas sont vraiment puissants et permettent à Prakrti (la manifestation) de créer tout ce qui existe, les 3 gunas sont dans toutes choses créées !
Ils sont toujours présents dans tout avec des proportions différentes…

Les Gunas évoluent toujours de Tamas (l'aspect inertiel) qui mute vers Rajas (l'activité) qui mute vers Sattva, l'équilibre pour revenir à Tamas.

Ainsi à la fin de chaque action pleinement réalisée nous pourrions approcher de cet état sattvique, lumineux et plein, mais le commun des mortels laisse cet état vite disparaitre pour retomber dans l'inertie et l'apathie de tamas.
On peut tracer alors un diagramme simple représentant l'homme ordinaire dans ses activités qui passe de Tamas vers Rajas et de Rajas vers tamas sans avoir éprouvé Sattva

Tamas => Rajas => Sattva => Tamas
Tamas, l'inertie ou la torpeur est fortement présente dans la vie de l'homme ordinaire. Même une suractivité ne lui permet pas de connaitre l'équilibre et la paix profonde de l'état sattvique.
Après un effort plus ou moins important, Il sombre rapidement dans un sommeil qu'il trouve réparateur et cette boucle le laisse dans l'ignorance et l'attachement à ses actions...

Pour le Yogi habitué à saisir ces instants de paix réelle et y plonger tout en les maintenant, sa vie va peu à peu s'orienter vers la lumière consciente et équilibrée de Sattva, trouvant ainsi dans chaque action (rajas) une source sublime de stupéfaction. Il est alors possible de dire qu'il fait "feu de tout bois" pour trouver le silence et la lumière (démarche du tantrisme).

Sattva
Sattva étant vécu de plus en plus souvent par le Yogi, il en résultera une plus grande capacité à se concentrer, à percevoir, à comprendre,..., tout en possédant une énergie très forte et sans cesse renouvelée.
Le pratiquant aura donc moins besoin de dormir et connaitra de moins en moins d'états de torpeur. Le corps, étant le réceptacle de cette qualité, s'en trouvera "glorifié" pour devenir un pur corps d'énergie, temple sublime de l'expérience de l'esprit.

Celui qui connait alors cette paix et cet équilibre de Sattva aura naturellement une capacité d'ouverture d'esprit lui permettant de percevoir et comprendre ce qui est subtil.

Conclusion :
Assurément il y a aurait encore tout plein de choses à voir dans ce texte et si cela vous passionne je reste à votre disposition pour en parler avec vous avec un grand plaisir.

• Voir : https://www.yoga-darshan.com/36-tattvas.php
Le texte du Sâṃkhya Kârikâ est là :
Une étude sur le forum du Sâṃkhya Kârikâ et des 11 éléments en plus du tantrisme est là :

Sources :
• SAMKHYA KARIKA de Swami Shraddhananda Giri (Edition Trigrame)
• La voie du Yoga de Jean Papin
Fichiers joints
tableau 25 tattva.png
tableau 25 tattva.png (333.13 Kio) Vu 5138 fois
Victoria29
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Victoria29 » 07 juil. 2022, 09:17

Bonjour,

Un grand merci pour ce travail remarquable. C'est très passionnant à lire et c'est aussi très instructif avec tous ces détails.
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Denis
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Denis » 10 juil. 2022, 18:15

Merci Victoria !
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smilo
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par smilo » 11 juil. 2022, 15:50

Merci Denis :coeur:
" Solitude, silence, pauvreté. " Henri Le Saux.
Tseundru
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 21 nov. 2024, 16:24

Merci pour ton texte très détaillé sur le Sāṃkhya Kârikâ et les liens que tu établis avec d’autres traditions, y compris le bouddhisme. Ton analyse est riche, et je la respecte profondément. Cependant, je pense que ton interprétation du bouddhisme, notamment dans le tableau comparatif, mérite une clarification. En tant que pratiquant bouddhiste, je trouve que certaines distinctions ont été simplifiées, notamment concernant notre vision de l’esprit, de l’énergie et de l’interdépendance.

Je me permets donc de répondre en exposant le point de vue bouddhiste, en m’appuyant notamment sur les enseignements de Nāgārjuna dans les Stances du milieu par excellence, qui critiquent précisément certains aspects fondamentaux du Sāṃkhya.

1. L’approche bouddhiste : pas de « Dieu », mais pas de vide absolu non plus
Dans ton tableau comparatif, le bouddhisme est associé à « Rien (0) », comme s’il ne reconnaissait qu’un vide absolu. Cette interprétation est une simplification qui ne reflète pas notre conception de la vacuité (śūnyatā). La vacuité bouddhiste n’est pas un néant ou une absence d’existence. Elle désigne l’interdépendance et l’absence de nature propre (svabhāva) des phénomènes. Tout existe, mais rien n’existe de manière autonome ou intrinsèque.

Ainsi, là où le Sāṃkhya propose une dualité irréductible entre Purusha (l’esprit) et Prakriti (la nature), le bouddhisme voit ces distinctions comme des constructions conceptuelles conditionnées. Nāgārjuna critique cette idée dans les Stances du milieu (Chapitre 15, verset 8) :

"Si les choses avaient une nature propre,
Elles ne pourraient jamais changer.
Privées de nature propre,
Elles ne peuvent exister de façon autonome."

En d’autres termes, la séparation stricte entre Purusha et Prakriti repose, du point de vue bouddhiste, sur une essentialisation erronée.

2. Une critique de la causalité dans le Sāṃkhya
Le Sāṃkhya postule que tout effet préexiste dans sa cause (satkāryavāda). Par exemple, un pot préexisterait de manière latente dans l’argile. Cette vision de la causalité est rejetée par le bouddhisme, qui voit toute cause et tout effet comme vides de nature propre. Nāgārjuna, dans les Stances du milieu par excellence, réfute cette idée (Chapitre 1, verset 1) :

"Ni d’elle-même, ni d’autrui,
Ni de l’ensemble des deux,
Ni sans cause,
Les choses ne surgissent en aucune façon."

Pour le bouddhisme, il n’y a pas de création ou de destruction absolues. Tout émerge dans une interdépendance infinie, sans début ni fin. Cette critique s’applique directement à la vision dualiste du Sāṃkhya, où Purusha et Prakriti sont présentés comme des principes fixes et séparés.

3. Le dualisme Purusha-Prakriti et l’absence de soi dans le bouddhisme
Le Sāṃkhya repose sur une distinction radicale entre l’esprit (Purusha), immuable et éternel, et la matière (Prakriti), qui est la source de toute manifestation. Cette séparation est au cœur de sa philosophie. La libération (kaivalya) consiste à dissocier complètement Purusha de Prakriti.

En bouddhisme, cette dualité est perçue comme une illusion. Nāgārjuna réfute toute distinction entre l’observateur et l’observé, entre l’esprit et la matière. Le bouddhisme enseigne que l’idée d’un soi éternel, qu’il s’agisse de Purusha ou d’une autre entité, est un attachement conceptuel qui empêche de réaliser la véritable nature de la réalité.

Ainsi, alors que le Sāṃkhya cherche à isoler Purusha pour atteindre la libération, le bouddhisme voit cette séparation comme une construction mentale. La libération bouddhiste consiste à réaliser la vacuité de toutes les distinctions, y compris celle entre soi et le monde.

4. Une vision différente de la pratique
Tu mentionnes que le Sāṃkhya est une analyse systématique des éléments constitutifs de l’existence (tattvas), alors que le yoga s’intéresse davantage aux « recettes » pour expérimenter la réalité. Le bouddhisme, quant à lui, est à la fois une méthode et une critique. Il déconstruit les catégories pour révéler leur vacuité, tout en proposant des pratiques pour transcender les illusions conceptuelles.

Les critiques de Nāgārjuna ne visent pas seulement le Sāṃkhya, mais aussi toutes les philosophies qui s’appuient sur des distinctions rigides ou des vérités ultimes. En ce sens, la philosophie bouddhiste s’oppose fondamentalement à toute tentative de catégorisation fixe.

5. Sur la simplicité des critiques envers le bouddhisme
Enfin, je voudrais revenir sur ton tableau comparatif, où tu associes le bouddhisme à une absence de structure divine ou à un vide total. Cette vision est en partie vraie : il n’y a pas de Dieu créateur ou de principe absolu dans le bouddhisme. Cependant, cela ne signifie pas que le bouddhisme rejette la spiritualité. Au contraire, il propose une compréhension beaucoup plus subtile de la réalité, basée sur l’interdépendance et la vacuité.

Le bouddhisme ne rejette pas l’expérience spirituelle, mais il la dépouille des notions substantielles comme Purusha ou Brahman. Cette approche ne la rend pas moins profonde, mais simplement différente.


En conclusion
Denis, nos approches sont différentes, et c’est une richesse. Là où le Sāṃkhya propose une vision dualiste et substantielle, le bouddhisme déconstruit ces notions pour révéler la vacuité et l’interdépendance. Cette divergence reflète deux manières de comprendre la réalité, mais elles ne s’excluent pas nécessairement. Mon but n’est pas de rejeter le Sāṃkhya, mais d’éclairer pourquoi, en tant que bouddhiste, je ne partage pas ses fondements philosophiques.

J’espère que ces éclaircissements enrichiront notre échange et permettront de mieux comprendre pourquoi nous ne voyons pas toujours les choses sous le même angle. 🙏
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
Tseundru
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 21 nov. 2024, 16:41

Merci encore pour ton partage approfondi et passionné sur le Sāṃkhya Kârikâ. Ton expertise et ton engagement dans l’étude de ces textes sont impressionnants, et j’ai beaucoup appris en lisant ta synthèse. Je me permets d’ajouter quelques nuances, selon ma compréhension actuelle de ce texte, tout en reconnaissant que je suis loin d’avoir ton niveau d’expertise dans ce domaine. Mes réflexions sont donc modestes et peuvent bien sûr contenir des approximations.

1. La relation entre Purusha et Prakrti : une dualité fonctionnelle
Tu décris très justement la dualité entre Purusha (l’Esprit) et Prakrti (la Nature), qui est au cœur de la philosophie Sāṃkhya. De mon point de vue, cette dualité est surtout pédagogique, visant à expliquer l’interaction entre l’Esprit et la Manifestation.

Cependant, il me semble que Prakrti est souvent mal comprise comme une substance statique. Selon ce que j’ai lu, elle est intrinsèquement dynamique grâce aux gunas (Sattva, Rajas, Tamas), qui définissent son mouvement constant. Prakrti ne serait donc pas un simple substrat, mais un processus vivant et évolutif.

2. Les tattvas : des processus interconnectés
Ton tableau des 25 tattvas est clair et très pédagogique. Selon ma compréhension, ces éléments ne sont pas uniquement des "catégories fixes". Ils fonctionnent également comme des processus relationnels et dynamiques.

Par exemple :

Buddhi (l’intelligence supérieure) est essentielle pour la discrimination (Viveka), qui est une clé de la libération. Ce n’est pas seulement un principe de validation ; elle joue un rôle actif dans le cheminement spirituel.
Ahamkara (l’ego) est souvent vu comme un obstacle, mais sans lui, l’expérience humaine et la possibilité même de transcender l’individualité n’existeraient pas.
3. La Buddhi collective : une idée moderne ?
L’idée que tu évoques d’une "Buddhi collective" est fascinante, mais je n’ai pas trouvé de référence explicite à ce concept dans les textes classiques du Sāṃkhya. À ma connaissance, Buddhi est généralement décrite comme un principe individuel et introspectif, orienté vers la libération.

Cela dit, ta suggestion d’une Buddhi collective peut être une extrapolation contemporaine très pertinente. Peut-être serait-il utile de préciser que cette idée est davantage une interprétation personnelle qu’une notion issue directement du Sāṃkhya.

4. Relation entre Sāṃkhya et shivaïsme : une distinction clé
Tu établis des parallèles intéressants entre le Sāṃkhya et le shivaïsme, notamment avec l’ajout des 11 tattvas supplémentaires. Cependant, selon ma compréhension, il y a une distinction fondamentale entre ces deux traditions :

Dans le Sāṃkhya, Purusha est multiple et n’est pas une âme universelle ou un Dieu. Chaque individu possède son propre Purusha, et ces Purusha ne fusionnent pas. Cette distinction est essentielle, car elle différencie le Sāṃkhya des traditions théistes comme le shivaïsme ou l’Advaita Vedanta, où Purusha peut être assimilé à Shiva ou à Brahman.

Quand tu évoques un passage de Purusha à Atman ou à Brahman, cela me semble davantage refléter une perspective shivaïte ou védantique que celle du Sāṃkhya.

5. Les gunas : le moteur de l’évolution
Ta description des gunas (Sattva, Rajas, Tamas) est très claire. Selon ma compréhension, ces trois qualités ne sont pas simplement des états ; elles sont les forces fondamentales qui créent, transforment et stabilisent toute la Manifestation.

Il me semble aussi important de souligner que Sattva, bien qu’harmonieux, n’est pas le but final. Il doit être transcendé pour que Purusha se détache complètement de Prakrti.

6. Les moyens de connaissance : un point central
Tu mentionnes les trois moyens de connaissance du Sāṃkhya :

Perception directe (Pratyaksha),
Inférence (Anumana),
Témoignage valide (Sabda).
À mon humble avis, ces moyens ne sont pas uniquement théoriques. Ils sont des piliers pratiques pour valider l’expérience spirituelle et guider le pratiquant vers la libération. Peut-être serait-il intéressant d’insister davantage sur leur rôle dans le vécu et la pratique.

En conclusion
Ton analyse est extrêmement riche et m’a beaucoup inspiré. J’ai simplement voulu ajouter quelques nuances, selon ma compréhension actuelle :

Prakrti comme processus dynamique grâce aux gunas,
Les tattvas comme des outils relationnels et dynamiques,
La distinction fondamentale entre Sāṃkhya et traditions théistes comme le shivaïsme.
Ces réflexions n’ont pas pour but de critiquer, mais de compléter ton travail avec mon point de vue modeste. Je suis loin d’être un expert comme toi, et je partage ces idées en toute humilité, ouvert à tes corrections et précisions.

Merci encore pour cet échange passionnant.

Bien à toi,
Tseundru
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
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Denis
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Denis » 21 nov. 2024, 22:47

Merci pour ces remarques et questions !

J'avoue ne pas avoir pu rencontrer un Bouddhiste avec qui échanger clairement sur tout ça...
1. L’approche bouddhiste : pas de « Dieu », mais pas de vide absolu non plus
Dans ton tableau comparatif, le bouddhisme est associé à « Rien (0) », comme s’il ne reconnaissait qu’un vide absolu. Cette interprétation est une simplification qui ne reflète pas notre conception de la vacuité (śūnyatā). La vacuité bouddhiste n’est pas un néant ou une absence d’existence. Elle désigne l’interdépendance et l’absence de nature propre (svabhāva) des phénomènes. Tout existe, mais rien n’existe de manière autonome ou intrinsèque.
Ok, pour autant on entend parler de śūnyaśūnyatā, le vide du vide...
Le vide c'est déjà pas mal, mais le vide du vide ??? :lol:

En d’autres termes, la séparation stricte entre Purusha et Prakriti repose, du point de vue bouddhiste, sur une essentialisation erronée.
Cela est bien plus complexe...
Le Samkhya est une étude !
Dès le départ, le Samkhya oppose Purusa et Prakrti pour en faire une étude précise.
Il se trouve que le Samkhya est un texte tantrique et qu'il a des origines dans le Shivaïsme...
De fait, le Shivaïsme va rajouter 11 éléments pour accéder à 36 éléments et surtout une vision moniste et plus dualiste...
Bien sûr, il existe des êtres qui restent dans la philosophie du Samkhya, comme Sri Anirvan (je te conseille ses livres)
Mais le Samkhya se veut surtout une étude...

2. Une critique de la causalité dans le Sāṃkhya
Le Sāṃkhya postule que tout effet préexiste dans sa cause (satkāryavāda). Par exemple, un pot préexisterait de manière latente dans l’argile. Cette vision de la causalité est rejetée par le bouddhisme, qui voit toute cause et tout effet comme vides de nature propre. Nāgārjuna, dans les Stances du milieu par excellence, réfute cette idée (Chapitre 1, verset 1) :
Étrange quand même quand on lit les plus belles définitions du Karma et du Dharma dans la vision Tibétaine ??

Les critiques de Nāgārjuna ne visent pas seulement le Sāṃkhya, mais aussi toutes les philosophies qui s’appuient sur des distinctions rigides ou des vérités ultimes. En ce sens, la philosophie bouddhiste s’oppose fondamentalement à toute tentative de catégorisation fixe.
C'est aussi un bon dogme... :D
Après, il y a les expériences, pour moi la rencontre de l'Esprit, unique et éternel, est une réalité profonde, une saveur incroyable et là, je ne peux pas dire qui a raison ou tord...
Je crois que le Bouddhisme s'arrête à un stade où le Shivaïsme va plus haut encore, ce n'est pas moi qui le dit, mais quelques grands maîtres comme Abhinavagupta ou Ksemeraja...
Guerre de clocher ou réalité je n'en sais rien, mais pour moi, la réalité éternelle me semble une évidence et surtout quand je regarde la vie de Bouddha, je comprends pourquoi il n'a pas aimé la vision de l'Atman... :wink:

Cependant, il me semble que Prakrti est souvent mal comprise comme une substance statique. Selon ce que j’ai lu, elle est intrinsèquement dynamique grâce aux gunas (Sattva, Rajas, Tamas), qui définissent son mouvement constant. Prakrti ne serait donc pas un simple substrat, mais un processus vivant et évolutif.
Prakrti est stable, les gunas sont en équilibre dedans.

2. Les tattvas : des processus interconnectés
Ton tableau des 25 tattvas est clair et très pédagogique. Selon ma compréhension, ces éléments ne sont pas uniquement des "catégories fixes". Ils fonctionnent également comme des processus relationnels et dynamiques.
Oui, absolument et c'est bien toute l'étude du Samkhya qui montre cela...

3. La Buddhi collective : une idée moderne ?
Non, Buddhi a deux noms : Buddhi et Mahat...
Mahat est la Buddhi collective quand Buddhi est personnelle, cela n'est pas de moi, mais se trouve dans le Samkhya...
Ceci dit, mais ce serait très long à expliquer, Buddhi n'est jamais personnelle...

4. Relation entre Sāṃkhya et shivaïsme : une distinction clé
Tu établis des parallèles intéressants entre le Sāṃkhya et le shivaïsme, notamment avec l’ajout des 11 tattvas supplémentaires. Cependant, selon ma compréhension, il y a une distinction fondamentale entre ces deux traditions :


Dans le Sāṃkhya, Purusha est multiple et n’est pas une âme universelle ou un Dieu. Chaque individu possède son propre Purusha, et ces Purusha ne fusionnent pas. Cette distinction est essentielle, car elle différencie le Sāṃkhya des traditions théistes comme le shivaïsme ou l’Advaita Vedanta, où Purusha peut être assimilé à Shiva ou à Brahman.
Non, ce n'est pas moi qui rajoute les 11 éléments, c'est la tradition Shivaïte... :)
Oui, il y a un Purusha pour chaque être, et non, ils ne fusionnent pas entre eux dans le Samkhya...
Mais le Samkhya est très maladroit avec cette idée du Purusha, certaines strophes montrent la limite de l'étude. Surtout quand on sait que l'idée de Purusha est arrivée bien tardivement dans le Samkhya....
Ceci dit, rien n'empêche Shiva de s'atomiser en gouttelettes et devenir Purusha, qui de fait devient Atman, sauf que Atman appartient au monde Brahmanique et que Atman est Shiva dans le Shivaisme...

Quand tu évoques un passage de Purusha à Atman ou à Brahman, cela me semble davantage refléter une perspective shivaïte ou védantique que celle du Sāṃkhya.
Oui !
Le Samkhya ne parle pas de ce passage, et c'est bien les shivaïtes qui le font...

5. Les gunas : le moteur de l’évolution
Ta description des gunas (Sattva, Rajas, Tamas) est très claire. Selon ma compréhension, ces trois qualités ne sont pas simplement des états ; elles sont les forces fondamentales qui créent, transforment et stabilisent toute la Manifestation.
Jamais dit que les gunas sont des états, ce sont les qualités des énergies...
Au stade au-dessus, ils deviennent le triangle des énergies, Iccha, Jnana, Kriya...
Iccha la volonté est tamas
Jnana la connaissance est sattva
Kriya l'action est Rajas

De fait, Sattva est la qualité la plus pure, qui permet de monter jusqu'à la connaissance du Divin...

Perception directe (Pratyaksha),
Inférence (Anumana),
Témoignage valide (Sabda).
À mon humble avis, ces moyens ne sont pas uniquement théoriques. Ils sont des piliers pratiques pour valider l’expérience spirituelle et guider le pratiquant vers la libération. Peut-être serait-il intéressant d’insister davantage sur leur rôle dans le vécu et la pratique.
Jamais dit qu'ils étaient théoriques ???

En conclusion, le Samkhya est un texte incroyable pour moi !
Il précise les liens entre tous les éléments qui nous composent.
Il permet de comprendre des mots comme "Esprit", "Mental", "Ego" qui sont souvent très mal compris...
Plus je l'étudie et plus, je le trouve cohérent, et surtout extraordinaire à mettre en pratique...
Je pense que tout chercheur sincère dans le Yoga devrait passer beaucoup de temps à étudier ce texte et à le mettre en pratique.
Quand on étudie les textes du tantrisme, une solide base du Samkhya permettra une meilleure compréhension de ces textes, car on retrouve beaucoup de références à ce texte dedans.
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 21 nov. 2024, 23:05

Merci beaucoup pour ta réponse détaillée et pour le temps que tu as pris à clarifier certains points ! J’apprécie énormément la richesse de ta vision et ton ouverture à la discussion. Tes explications m’aident à mieux comprendre les subtilités du Sāṃkhya, notamment ses liens avec le Shivaïsme et ses perspectives tantriques.

Je prends bonne note de ta recommandation sur les écrits de Sri Anirvan, que je vais m’empresser d’explorer. Quant à ton invitation à approfondir la réflexion, elle est très inspirante, et je compte bien relire ton texte avec encore plus d’attention.

Merci encore pour ce bel échange, et au plaisir de continuer à discuter de ces sujets passionnants qui nous rapprochent de l’essence de la pratique.
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 21 nov. 2024, 23:19

Merci encore pour ta réponse détaillée et pour la richesse de l’échange. Je vois combien tu t’investis dans l’étude du Sāṃkhya et du Shivaïsme, et c’est une véritable source d’inspiration. Je souhaite poursuivre cette conversation en éclairant certains points, notamment la notion de "vide du vide", ainsi que les distinctions et convergences entre le Shivaïsme et le Bouddhisme.

1. Le "vide du vide" (śūnyaśūnyatā) dans le Bouddhisme
Tu as mentionné cette notion avec une pointe d'humour, ce qui montre bien qu’elle intrigue. Permets-moi d’expliquer ce concept tel qu’il est présenté dans le Bouddhisme Madhyamaka de Nāgārjuna.

Le vide (śūnyatā) : En bouddhisme, śūnyatā ne signifie pas une absence d'existence ou un néant. C'est l'interdépendance et l'absence de nature propre (svabhāva). Cela veut dire que rien n'existe de manière autonome ou indépendante : tout dépend de causes, de conditions et d'une infinité de relations.

Le vide du vide (śūnyaśūnyatā) : Cette notion approfondit l'idée de śūnyatā. Même le concept de vacuité est vide de nature propre. Cela signifie que la vacuité elle-même ne doit pas être perçue comme une "chose" ou une "vérité ultime" à saisir. C’est un outil pour déconstruire les attachements conceptuels. Nāgārjuna avertit que prendre la vacuité comme une essence fixe revient à tomber dans un nouveau piège mental.

Ainsi, le "vide du vide" souligne que même les enseignements bouddhistes sont des moyens habiles (upāya), et non des vérités absolues. Cela invite à dépasser toute forme de saisie, y compris celle de la vacuité.

2. Shivaïsme et Bouddhisme : Monisme et Vacuité
Tu avances que le Shivaïsme va "plus loin" que le Bouddhisme. C’est une affirmation intéressante, et je voudrais explorer ce que cela pourrait signifier.

La perspective du Shivaïsme : Le Shivaïsme, notamment non-dualiste (par exemple dans le Trika), voit l’univers comme une manifestation de Shiva ou de la conscience suprême (Cit). La réalité est moniste : tout est une émanation et une expression de la conscience divine. La pratique vise à réaliser que l’individu (ātman) est une part inséparable du tout (Brahman/Shiva).

La perspective du Bouddhisme : Le Bouddhisme Madhyamaka rejette toute idée d’une essence ultime (comme Shiva ou Brahman). Tout est vide de nature propre, y compris les concepts de "divin" ou de "vérité ultime". La libération (nirvāṇa) consiste à réaliser cette vacuité et à abandonner toute saisie, y compris celle d’un soi ou d’une conscience universelle.

Points de convergence :
Les deux traditions cherchent à transcender la dualité et l’illusion de la séparation.
Dans les deux cas, la pratique vise à s’éveiller à une réalité plus profonde et à dépasser l’ego.
Points de divergence :
Le Shivaïsme propose un monisme affirmatif : tout est une manifestation de la conscience divine.
Le Bouddhisme adopte une approche apophatique : il déconstruit toute idée d’essence ou de substrat ultime.
Dire que le Shivaïsme va "plus loin" revient peut-être à préférer une vision qui affirme un fondement ultime (Shiva) à une vision qui déconstruit tout fondement (le Bouddhisme). Mais cela dépend surtout des inclinations philosophiques et spirituelles de chacun·e.

3. Causalité : Karma, Dharma et Vacuité
Tu mentionnes que la vision bouddhiste de la causalité semble contredire des concepts tels que le karma et le dharma dans les traditions tibétaines. Voici une clarification :

En Bouddhisme, le karma n’est pas un "effet préexistant dans sa cause" (comme dans le satkāryavāda du Sāṃkhya). Le karma est une interdépendance dynamique : les actions et leurs résultats coémergent en fonction de causes et de conditions, mais rien n’existe de manière fixe ou pré-déterminée.

La notion de vacuité (śūnyatā) ne nie pas le karma ; elle montre simplement que les phénomènes karmiques n’ont pas d’existence intrinsèque. Ils fonctionnent selon des lois conditionnées, mais sans essence fixe.

Ainsi, le karma bouddhiste repose sur l’interdépendance, et non sur une existence latente dans une cause. Cela nuance le débat.

4. Purusha et l’émergence tardive dans le Sāṃkhya
Tu mentionnes que l’idée de Purusha est arrivée tardivement dans le Sāṃkhya. C’est fascinant, car cela reflète l’évolution des pensées indiennes. Le Purusha du Sāṃkhya semble en effet une abstraction qui répondait à des besoins spécifiques à l’époque : expliquer la conscience et la libération.

Dans le Bouddhisme, cette abstraction est déconstruite. L’idée d’un Purusha éternel est vue comme une forme subtile d’attachement à un "soi". La critique bouddhiste n’est pas une négation de l’expérience spirituelle, mais un appel à ne pas réifier ces expériences en concepts figés.

5. Mahat et Buddhi collective
Merci pour cette clarification sur Mahat comme Buddhi collective. Cela enrichit mon propre regard. La Buddhi en tant qu’intelligence universelle (Mahat) est une idée fascinante, et je vois comment elle se connecte aux grandes visions cosmiques du Shivaïsme.

6. Les Gunas et les Triades dans le Shivaïsme
Tu relèves que les Gunas deviennent dans le Shivaïsme des forces plus subtiles :

Iccha (volonté) : Tamas
Jnana (connaissance) : Sattva
Kriya (action) : Rajas
Cela reflète bien la capacité du Shivaïsme à intégrer et transcender les catégories du Sāṃkhya. Les gunas ne sont plus seulement des qualités de la matière, mais deviennent des principes dynamiques au cœur de la pratique spirituelle.

Dans le Bouddhisme, ces principes seraient vus comme des outils ou des constructions utiles, mais non comme des réalités fixes. Là encore, deux visions complémentaires émergent : le Shivaïsme affine et intègre, tandis que le Bouddhisme déconstruit.

Conclusion
Le Shivaïsme et le Bouddhisme sont des approches extraordinaires de la réalité, chacune avec ses forces et ses limites. Plutôt que de dire que l’une va plus loin que l’autre, je dirais qu’elles illuminent des aspects différents de la quête spirituelle :

Le Shivaïsme nous invite à embrasser une vision intégrative et affirmée de la conscience universelle.
Le Bouddhisme nous guide dans une voie de lâcher-prise radical, où toute notion d’essence ou de fondement est transcendée.
Ces approches peuvent se compléter pour celui ou celle qui cherche à équilibrer affirmation et déconstruction dans sa pratique spirituelle.

Merci encore pour cet échange stimulant, et au plaisir de continuer cette exploration avec toi !

Avec gratitude et ouverture,
Tseundru
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Denis » 22 nov. 2024, 22:39

Merci pour cette discussion !

J'adore ce texte et je l'étudie depuis des années et c'est une joie de dialoguer avec quelqu'un qui cherche sincèrement, que nos échanges soient constructifs ! :)
Ce que je sais sur ce texte, comme d'ailleurs pour tous les textes, c'est qu'on en apprend tous les jours et qu'il nous faut nous remettre en question constamment.
C'est ma démarche depuis des années et les questions et discussions avec d'autres apportent toujours de belles prises de conscience et de nouvelles compréhensions, merci à toi !

Le vide (śūnyatā) : En bouddhisme, śūnyatā ne signifie pas une absence d'existence ou un néant.
C'est l'interdépendance et l'absence de nature propre (svabhāva). Cela veut dire que rien n'existe de manière autonome ou indépendante : tout dépend de causes, de conditions et d'une infinité de relations.
Quand je dis que le Shivaïsme va plus loin que le Bouddhisme, ce n'est pas de moi cette idée...
Mais en lisant ce que tu écris là j'entrevois cette possibilité...
Cette vision que tu exprimes très clairement est exactement ce que dit le Shivaïsme... Oui tout dépend toujours de causes et d'une infinité de relations, cela est vrai !
L'interdépendance est une évidence, mais elle ne supprime pas le fait qu'il puisse y a voir quelque chose de fixe, de plus grand, de plus subtil...
La perspective du Bouddhisme : Le Bouddhisme Madhyamaka rejette toute idée d’une essence ultime (comme Shiva ou Brahman). Tout est vide de nature propre, y compris les concepts de "divin" ou de "vérité ultime". La libération (nirvāṇa) consiste à réaliser cette vacuité et à abandonner toute saisie, y compris celle d’un soi ou d’une conscience universelle.
Là aussi tout est cohérent dans ce que propose le Bouddhisme...
Abandonner toute saisie, tout aspect personnel est bien le chemin spirituel du Shivaïsme, penser que tout va disparaitre et que tout est là finalement par un truchement de conditions interdépendantes est une vision claire pour trouver la paix dans son existence...
Mais finalement le Bouddhisme ne cherche pas à avoir une vision cosmogonique, qui donc explique clairement la création, mais permettre a des hommes de sortir de la souffrance.
Je vois là dans le Bouddhisme un système précis, efficace, mais avec volontairement une portée restreinte.
J'ai toujours fait une chose qui me semble importante pour comprendre une chose, je regarde le cadre avant tout...
Par exemple pour comprendre l'exagération de la pratique de Iyengar dans ses postures, en sachant que le Yoga lui a sauvé sa vie, je comprends pourquoi il est devenu extrême dans la posture...
Bouddha a eu une jeunesse particulière, où son père lui a caché la réalité du Divin, de la vie et de la mort...
Je pense qu'avec une éducation de ce type, beaucoup aurait une certaine haine contre toute vision Divine...
Alors Bouddha arrive à la réalisation spirituelle avec une caractéristique, qu'il dit lui même, il se disait un "sachant" et non un mystique...
Je vois dans cela, le fait que Bouddha ayant atteint la réalisation ne voulait pas parler de Dieu, et je crois savoir que chaque fois qu'on lui parlé de cela il éludait la question...

Qu'en penses-tu ?
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 22 nov. 2024, 22:57

Merci pour ta réponse, toujours aussi riche et passionnante ! C’est un vrai plaisir d’échanger sur ces sujets qui touchent à la fois la profondeur de la pratique et aux subtilités philosophiques.

Je suis tout à fait d’accord avec toi sur l’importance de remettre en question nos certitudes et d’être ouvert à de nouvelles perspectives. C’est aussi ce qui rend ces discussions si enrichissantes. Je vais donc essayer d’apporter quelques réflexions, notamment sur cette idée d’un "fixe" dans un monde impermanent, et sur l’approche bouddhiste vis-à-vis de ces questions.

1. Le Bouddha et l’évitement des questions métaphysiques
Tu soulignes que le Bouddha éludait souvent les questions sur Dieu ou une essence ultime. En effet, il évitait ces débats, non pas parce qu’il les considérait comme inintéressants en soi, mais parce qu’il les jugeait inutiles pour atteindre la libération. Dans le Cula-Malunkyovada Sutta, par exemple, il compare ces questions à un homme blessé par une flèche empoisonnée qui, au lieu de chercher un remède, voudrait savoir qui a tiré la flèche, pourquoi, et avec quel bois elle a été fabriquée. Pour le Bouddha, ce genre de spéculations nous éloigne de l’essentiel : la cessation de la souffrance.

Il n’a donc pas nié ou affirmé l’existence de quelque chose de fixe ou d’éternel, mais il a montré que ces notions sont des fabrications mentales qui peuvent renforcer la saisie et donc maintenir l’ignorance.

2. Impermanence vs. Fixité : un point de tension
Tu mentionnes que le Shivaïsme considère que tout est interdépendant, mais qu’il y aurait aussi une réalité fixe et plus grande en arrière-plan, comme Shiva ou la Conscience pure. Pour le Bouddhisme, cette idée d’un substrat fixe ou immuable est problématique, car elle introduit une essence qui échappe à l’impermanence et à l’interdépendance.

En effet, si tout est interdépendant, comment pourrait-il y avoir quelque chose qui soit autonome et fixe ? Cela reviendrait à dire qu’il existe une exception à la règle universelle de l’impermanence, ce qui semble incohérent. Nagarjuna critique précisément ce genre d’idées en expliquant que même les notions de "substrat", "fixité" ou "essence ultime" sont elles-mêmes vides de nature propre.

3. La vision bouddhiste de la vacuité
Tu mets en lumière l’interdépendance, et c’est là une pierre angulaire du Bouddhisme. Pour le Madhyamaka, tout est interdépendant et vide de nature propre (svabhava). Cela inclut même l’idée de vacuité (śūnyatā), ce qui mène à la notion de "vide du vide" (śūnya-śūnyatā). Cela peut paraître paradoxal, mais c’est une manière de dire que même les concepts que nous utilisons pour décrire la réalité ultime doivent être abandonnés. Ce "vide du vide" empêche de reposer sur une quelconque essence, qu’elle soit fixe ou immatérielle.

En ce sens, chercher une vérité ultime fixe, qu’elle soit appelée Shiva, Brahman ou autre, serait pour le Bouddhisme une forme de saisie qui perpétue l’illusion.

4. Les perspectives complémentaires
Cela dit, je vois bien que le Shivaïsme et le Bouddhisme ne sont pas totalement incompatibles, mais qu’ils décrivent peut-être des perspectives différentes :

Le Bouddhisme met l’accent sur l’impermanence et l’interdépendance, en montrant que tout, même nos concepts les plus subtils, est vide de nature propre.
Le Shivaïsme explore l’idée que l’impermanence elle-même pourrait émaner d’un principe sous-jacent, une Conscience ou un Absolu.
Cependant, cette idée d’un substrat fixe pose problème si l’on adopte une perspective bouddhiste stricte, car elle introduit une dichotomie : impermanence d’un côté, fixité de l’autre. Cette séparation n’existe pas dans la vision bouddhiste, où tout est intrinsèquement vide, y compris les concepts d’impermanence et de permanence.

5. Le cadre et la finalité
Tu as tout à fait raison de souligner que chaque tradition opère dans un cadre spécifique. Le Bouddhisme, en particulier, se concentre sur la cessation de la souffrance et la réalisation de la vacuité, plutôt que sur une explication cosmogonique ou métaphysique. Le Shivaïsme, en revanche, semble chercher à intégrer cette compréhension dans une vision plus large de l’univers, ce qui peut donner une impression de profondeur cosmique.

Ces différences ne rendent pas l’une supérieure à l’autre, mais elles reflètent des objectifs et des méthodologies différents.

En conclusion
Je pense que ce qui nous sépare ici n’est pas tant une question de vérité absolue, mais de perspective. Là où le Bouddhisme voit l’attachement à une idée de fixité comme une entrave, le Shivaïsme peut y voir une ouverture vers une dimension plus vaste. Ces deux approches, bien qu’incompatibles à certains égards, offrent chacune une voie unique pour explorer la réalité.

Merci encore pour cet échange, Denis. J’apprécie beaucoup ton ouverture et ta capacité à discuter de ces sujets avec tant de passion et de profondeur. Au plaisir de te lire !
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 23 nov. 2024, 12:25

Permets-moi d’ajouter une perspective Mahayana sur les points que tu soulèves, notamment sur l’idée que le Bouddha pourrait avoir eu une certaine « aversion » ou « rejet » de la notion de divin. Du point de vue du Mahayana, cela ne semble pas plausible, et voici pourquoi.

1. Les Trois Tours de Roue du Dharma : Une Évolution des Enseignements

L’enseignement du Bouddha ne se limite pas au cadre initial des Quatre Nobles Vérités et des principes exposés lors de ce que l’on appelle le premier tour de roue du Dharma. Les traditions Mahayana et Vajrayana enrichissent cette compréhension en ajoutant deux tours supplémentaires qui développent des perspectives plus larges et profondes.

Premier Tour de Roue : Le Dharma Fondamental

Le premier tour inclut des enseignements tels que les Quatre Nobles Vérités, le Noble Sentier Octuple, et la compréhension de l’impermanence, de la souffrance et de l’absence de soi.
Ces enseignements visent à libérer les êtres de la souffrance en leur offrant des moyens simples et clairs.

Deuxième Tour de Roue : La Vacuité

Dans ce second cycle, le concept de śūnyatā (vacuité) est central. Tout phénomène, y compris le soi, est vide de nature propre, car il dépend de causes et de conditions.
C’est ici que l’on voit une critique des notions d’absolu figé ou d’un Dieu créateur, mais cela ne doit pas être interprété comme une haine ou un rejet. Ces notions sont dépassées pour révéler une réalité plus vaste.

Troisième Tour de Roue : La Nature de Bouddha

Le Mahayana développe la notion de tathāgatagarbha, la nature de Bouddha présente en tous les êtres. Ce tour montre que tout être vivant possède le potentiel d’éveil et que la réalité ultime est une union de vacuité et de luminosité.
Ce troisième tour introduit aussi les trois kaya (corps) du Bouddha, qui nous permettent de comprendre la nature multidimensionnelle du Bouddha.
2. Les Trois Kaya : Une Vision Cosmique du Bouddha
Le Mahayana enseigne que le Bouddha ne se limite pas à sa manifestation historique en tant que Siddhartha Gautama. Il est décrit à travers les trois kaya, ou trois « corps » :

1. Dharmakaya : Le Corps de Vérité

Le Dharmakaya est la nature ultime et immatérielle du Bouddha. Il représente la réalité absolue, au-delà de toute forme ou distinction. C’est l’aspect transcendant, intemporel et universel de l’éveil.
En ce sens, le Bouddha ne rejette pas le divin, mais transcende toute notion limitée du divin en montrant une réalité au-delà des catégories humaines.

2. Sambhogakaya : Le Corps de Félicité

Ce corps est accessible dans les dimensions subtiles. Il est décrit comme une manifestation lumineuse et parfaite, permettant aux êtres hautement avancés de recevoir les enseignements du Bouddha dans un plan spirituel.

3. Nirmanakaya : Le Corps d’Émanation

Le Nirmanakaya est le corps par lequel le Bouddha apparaît dans le monde phénoménal. Siddhartha Gautama est une manifestation de ce Nirmanakaya, une projection intentionnelle pour enseigner et guider les êtres humains.
Ainsi, le Bouddha historique n’est pas la totalité du Bouddha. Il est une manifestation pédagogique, adaptée à la compréhension des êtres de cette époque.

3. Le Bouddha et la Notion de Dieu

Une Perspective Transcendante

Si le Bouddha éludait les questions sur l’existence de Dieu, ce n’était pas par haine, mais parce qu’il voyait ces questions comme non-contributives à la libération. Elles ne mènent pas à la cessation de la souffrance.
Il est important de noter que le Bouddha ne nie pas la présence de divinités ou de royaumes célestes (comme celui de Mahābrahmā). Ces divinités sont respectées, mais elles sont aussi vues comme conditionnées et non ultimes.

L’Approche Mahayana

Le Bouddha Mahayana ne rejette pas les notions divines, mais les transcende. Par exemple, la notion de Dharmakaya peut être vue comme une réalité ultime bien plus vaste que celle d’un Dieu personnel ou d’un créateur unique.
Les divinités, les royaumes célestes et les forces cosmiques sont intégrés dans une vision globale où tout phénomène est interdépendant et impermanent.

4. Une Mission Préparée Bien Avant la Naissance

Dans le Mahayana, il est enseigné que le Bouddha était déjà éveillé avant sa naissance en tant que Siddhartha Gautama. Cela correspond à la notion de Bodhisattva, un être pleinement éveillé qui choisit de renaître par compassion pour guider les autres vers la libération.

Un Acte de Compassion

La vie du Bouddha historique est vue comme un acte intentionnel, une descente dans le Nirmanakaya pour adapter son message aux besoins spécifiques des êtres humains de cette époque.
En cela, le Bouddha n’est pas limité par les conditions de sa naissance ou les croyances qui l’entourent. Il utilise chaque circonstance pour guider les êtres.

La Perspective Élargie

Contrairement à l’idée qu’il aurait développé une aversion pour le divin en raison de son éducation, le Mahayana suggère que son parcours terrestre faisait partie d’un plan cosmique plus vaste.
Son silence sur Dieu n’est donc pas une omission, mais une stratégie pédagogique pour détourner l’attention des concepts abstraits et diriger les êtres vers l’expérience directe.

Conclusion : Une Vision Complète

En étudiant les trois tours de roue du Dharma et les trois kaya du Bouddha, on comprend que le Bouddha n’a jamais rejeté le divin, mais a montré une voie au-delà de toute limitation conceptuelle. Sa vie historique n’était qu’un reflet d’un éveil bien plus grand et transcendant.

Le silence du Bouddha sur Dieu n’était pas un rejet, mais une invitation à dépasser les concepts dualistes pour expérimenter la vérité ultime.
Le Mahayana et le Vajrayana intègrent des cosmologies et des divinités dans une vision interconnectée, où tout est vu comme impermanent, interdépendant et vide de nature propre.
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 23 nov. 2024, 12:34

La Cosmologie Bouddhiste : Une Vision Profonde des Univers

Pour continuer sur le sujet, j’aimerais te présenter une perspective plus complète de la cosmologie bouddhiste, telle qu’elle est développée dans les traditions Mahayana et Vajrayana. Comme tu le sais, le Bouddha a offert des enseignements adaptés à la diversité des êtres et des contextes, ce qui a permis à sa vision de s’étendre bien au-delà du cadre initial des Quatre Nobles Vérités.

Dans ce cadre élargi, on trouve une description cosmologique détaillée qui explique non seulement l’origine des univers, mais aussi leur fonctionnement et leur dissolution, tout en intégrant les concepts d’interdépendance et de karma.

1. Une Cosmologie Basée sur l’Interdépendance et le Karma

La cosmologie bouddhiste ne repose pas sur l’idée d’un créateur absolu, mais sur la dynamique du karma collectif et des éléments. Cette vision est profondément enracinée dans le concept de pratītyasamutpāda (l’origine interdépendante), selon lequel tous les phénomènes surgissent en dépendance de causes et de conditions.

Le Karma comme Point de Départ

Tout commence par les vibrations karmiques des êtres. Les actions passées génèrent des énergies qui se manifestent dans des cycles de naissance, de mort et de renaissance.
Ces vibrations karmiques donnent naissance aux éléments subtils. Dans l’ordre, ces éléments émergent comme suit :

Le vent (élément éthéré, mouvement initial).
Le feu (résultat de la friction et de l’énergie du vent).
L’eau (condensation et fluidité provenant du feu).
La terre (solidification des particules issues des interactions précédentes).

Ces quatre éléments, en combinaison avec l’espace, forment la base de tout univers.

2. La Formation d’un Univers

Dans les textes bouddhistes comme le Visuddhimagga ou les enseignements tantriques, la formation d’un univers suit une séquence précise. Voici une description plus détaillée :

Étape 1 : La Dissolution Précédente

Avant l’émergence d’un nouvel univers, le précédent a atteint sa phase de dissolution. Les mondes matériels retournent à un état de latence énergétique, mais les karmas non résolus des êtres restent présents comme un potentiel.

Étape 2: Les Vibrations Karmiques

Ces karmas non résolus vibrent dans le plan subtil, provoquant l’émergence des éléments dans un nouvel ordre. Ce processus est entièrement conditionné par les actions passées des êtres.

Étape 3 : L’Émergence de Brahmā

Une fois que les éléments sont en place, les premières formes de vie émergent. Parmi elles, un être karmiquement élevé apparaît dans un état de solitude dans un univers encore jeune. Cet être est souvent identifié à Mahābrahmā, qui, par ignorance, croit être le créateur du monde.
Le Bouddhisme considère cette croyance comme une illusion, car même Brahmā est soumis aux lois du karma et de l’impermanence.

3. Les Trois Mondes (Trailokya)

Dans la cosmologie bouddhiste, les êtres et les phénomènes sont répartis dans trois mondes ou plans d’existence, chacun correspondant à différents niveaux de conscience et de karma.

1. Le Monde du Désir (Kāmadhātu)

Ce monde est caractérisé par les désirs sensoriels. C’est là où se trouvent les humains, les animaux, les royaumes des enfers et les royaumes des divinités liées au plaisir.
Les êtres de ce monde sont fortement influencés par le karma négatif ou neutre et restent attachés aux plaisirs sensoriels.

2. Le Monde de la Forme (Rūpadhātu)

Ce monde est accessible à ceux qui atteignent des états de méditation avancés (les jhanas).
Il est composé de 17 niveaux correspondant à des degrés croissants de pureté et de subtilité. Les êtres ici ne ressentent pas les désirs sensoriels, mais ils n’ont pas encore transcendé la forme.

3. Le Monde du Sans-Forme (Arūpadhātu)

Ce monde est réservé aux méditants ayant atteint les niveaux les plus élevés de concentration. Il est composé de quatre niveaux correspondant à des états de conscience pure :

L’infinité de l’espace.
L’infinité de la conscience.
L’absence de perception.
L’état de ni-perception-ni-non-perception.

4. La Dissolution d’un Univers

Comme tout phénomène conditionné, un univers ne dure pas éternellement. La dissolution suit un processus inverse à celui de la création :

Les éléments se résorbent : la terre retourne à l’eau, l’eau au feu, le feu au vent, et le vent à l’espace.
Les êtres renés dans ces plans migrent vers d’autres univers encore actifs, selon leur karma.
Le cycle recommence, perpétuant le saṃsāra.

5. Une Vision Intégrée avec les Kaya

Cette cosmologie est intrinsèquement liée aux enseignements sur les trois kaya du Bouddha. Le Nirmanakaya du Bouddha se manifeste dans ces mondes pour enseigner et guider les êtres, tandis que le Sambhogakaya et le Dharmakaya opèrent à des niveaux plus subtils, au-delà des cycles de création et de destruction.

6. Une Perspective Unique

Ce modèle cosmologique montre que le Bouddhisme n’ignore pas les questions cosmogoniques. Au contraire, il offre une vision subtile et interdépendante de la création et de la dissolution des mondes. Ce qui distingue cette vision des autres traditions, comme le Samkhya ou le Shivaïsme, c’est l’absence de concept d’un créateur unique. Tout est vu comme le fruit du karma collectif et des interactions entre les éléments.

Conclusion

Denis, cette cosmologie bouddhiste, tout en étant vaste, reste en cohérence avec les principes fondamentaux du Dharma : l’impermanence, la vacuité et l’interdépendance. Elle montre que le Bouddhisme, tout en transcendant les idées d’un Dieu personnel ou créateur, explore profondément la dynamique cosmique et la nature de l’existence.

Qu’en penses-tu ? 😊
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 23 nov. 2024, 12:41

Les Maîtres du Bouddha et Son Dépassement des Traditions

Dans la continuité de notre échange sur le Bouddha et la richesse de ses enseignements, j’aimerais aborder un aspect fascinant : la manière dont le Bouddha historique (manifestation de son Nirmanakaya) a interagi avec les traditions spirituelles de son époque. Cela illustre non seulement son cheminement personnel, mais aussi la singularité de son enseignement.

1. Le Contexte Spirituel de l’Inde à l’Époque du Bouddha

À l’époque où Siddhartha Gautama a entrepris sa quête, l’Inde regorgeait de traditions philosophiques et spirituelles. Parmi elles, les enseignements des Upanishads se développaient, donnant naissance à des courants basés sur l’Advaita, le Samkhya et le Yoga. Ces courants proposaient des pratiques sophistiquées pour atteindre l’unité avec l’Absolu, ou Moksha.

Le futur Bouddha a, dans un premier temps, cherché des réponses dans ces traditions. Il a étudié auprès de grands maîtres reconnus et a suivi leurs pratiques rigoureusement, jusqu’à en maîtriser tous les aspects.

2. Les Maîtres du Bouddha

Alara Kalama : L’État d’Infinité de l’Espace

Alara Kalama enseignait une voie méditative basée sur les états d’absorption avancés (les jhanas), menant à l’état de perception de l’infinité de l’espace.
Siddhartha, grâce à sa discipline et sa concentration, a atteint cet état en peu de temps. Cependant, il a constaté que cela ne mettait pas fin à la souffrance (dukkha) et ne conduisait pas à une libération définitive.

Uddaka Ramaputta : L’État de Ni-Perception-Ni-Non-Perception

Après avoir quitté Alara Kalama, Siddhartha a étudié auprès d’Uddaka Ramaputta, qui enseignait l’accès au niveau ultime des états sans forme : l’état de ni-perception-ni-non-perception.
Siddhartha atteignit rapidement cet état, mais il réalisa que, bien qu’il soit subtil et paisible, il ne résolvait pas non plus les problèmes fondamentaux de l’existence conditionnée.

3. La Pratique de l’Austérité
Insatisfait par ces enseignements, Siddhartha s’est tourné vers un groupe de renonçants pratiquant des austérités extrêmes pour transcender le corps et les désirs. Pendant six ans, il s’est imposé des privations sévères, poussant son corps à la limite de la survie. Cependant, il a fini par comprendre que ces pratiques n’étaient pas la voie vers la libération. Cette prise de conscience marqua le début de sa réflexion sur la voie médiane.

4. Dépassement des Traditions : L’Éveil Sous l’Arbre de la Bodhi

Après avoir exploré et épuisé les chemins spirituels traditionnels de son époque, Siddhartha choisit une approche différente. Assis sous l’arbre de la Bodhi, il s’engagea dans une méditation profonde pour comprendre directement les causes de la souffrance et leur cessation.

Les Trois Veilles de la Nuit : L’Accès au Nirvana

Première veille : Le Bouddha comprit ses vies antérieures et le cycle de ses renaissances.
Deuxième veille : Il saisit la loi du karma et l’interdépendance des renaissances pour tous les êtres.
Troisième veille : Il réalisa les Quatre Nobles Vérités et comprit que toutes les formations conditionnées sont impermanentes et souffrantes, menant à la libération ultime.

C’est ainsi qu’il atteignit l’Anuttara Samyak Sambodhi (l’éveil insurpassable).

5. Le Dépassement des Buts Conventionnels

Ce qui distingue le Bouddha de ses maîtres et contemporains, c’est qu’il ne s’est pas contenté d’atteindre les buts qu’ils définissaient comme ultimes :

Les états méditatifs sans forme sont dépassés, car ils ne sont pas une libération définitive, mais des états temporaires.
Les austérités extrêmes sont rejetées, car elles ne mènent qu’à l’épuisement sans toucher la racine de la souffrance.
Il a compris que les pratiques dualistes basées sur l’identification au soi ou sur l’illusion d’un créateur éternel ne permettaient pas de transcender le cycle du saṃsāra.

Le Bouddha a introduit une voie unique : celle qui dépasse l’attachement à tout état conditionné, y compris les états les plus subtils. Il a également montré que la libération ne réside pas dans une identification à une entité ultime (comme Purusha ou Brahman), mais dans la réalisation de la vacuité et de l’interdépendance.

6. Une Manifestation du Nirmanakaya

D’un point de vue Mahayana, cet épisode de la vie du Bouddha s’inscrit dans une perspective beaucoup plus vaste. Siddhartha Gautama n’était pas un simple chercheur spirituel, mais la manifestation de son Nirmanakaya, c’est-à-dire l’un des corps du Bouddha, créé intentionnellement pour guider les êtres dans le samsara.

Le Dharmakaya (corps de la vérité) est la nature ultime du Bouddha, omniprésente et au-delà des formes.
Le Sambhogakaya (corps de félicité) est accessible aux êtres éveillés à travers des visions et des enseignements subtils.
Le Nirmanakaya (corps d’émanation) se manifeste dans le monde phénoménal sous une forme compréhensible par les êtres ordinaires.

Ainsi, l’histoire du Bouddha historique illustre non seulement son cheminement spirituel, mais également une pédagogie divine pour inspirer les êtres à emprunter la voie de la libération.

7. Conclusion

Cette vision élargie permet de comprendre pourquoi le Bouddha a suivi les enseignements de son époque, non pour s’y conformer, mais pour les transcender. Son éveil marque non seulement une rupture avec les approches traditionnelles, mais aussi une affirmation révolutionnaire de la libération possible pour tous les êtres.

Qu’en penses-tu, Denis ? Cette perspective cosmique et multidimensionnelle du Bouddha enrichit-elle ta réflexion sur la richesse de ses enseignements ? 😊
Tant que dure l’espace, tant que demeurent les êtres, puissé-je moi aussi demeurer pour dissiper les souffrances du monde.
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Barbe rousse » 09 déc. 2024, 18:58

Tu ne parles pas du vide.
Quel rôle joue-t-il dans la vision du bouddha?
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Denis » 09 déc. 2024, 20:11

Pfuuu, quel proselitisme Tseundru !!
Ton texte laisserait supposer que Bouddha a connu tous les chemins spirituels de l'Inde, c'est vraiment d'une très très grande prétention ! :marteau: :cry:

Il ne me semble pas que le Bouddha fut initié à la Shri Vidya, ou encore à la NathSampradaya.
Il n'a donc rien transcendé du tout !
Il a certainement rencontré quelques maîtres et a fui le Brahmanisme, le Shivaïsme puisque son père était dedans, il n'a donc rien connu de tout ça...
Cela n'enlève rien à la réalisation de Bouddha, mais cela ne fait pas non plus de lui le plus grand des maîtres, ce serait d'une prétention sans sens...

Je trouve d'ailleurs le livre "Siddharta" de Hermann Hesse très clair sur ça...
Un homme qui se réalise, ne peut rien pour les autres, sa réalisation est unique et ne touche que lui. Suivre aveuglément une tradition, quelle qu'elle soit, est, pour moi, un enfermement, qui n'apporte rien.

Personnellement, je pense que le Bouddha a compris comment sortir des souffrances, mais je ne vois pas là l'aboutissement final d'un chemin spirituel là-dedans...
Il a également montré que la libération ne réside pas dans une identification à une entité ultime (comme Purusha ou Brahman), mais dans la réalisation de la vacuité et de l’interdépendance.
Que c'est amusant !!!
N'ayant pas connu la réalisation dans Shiva ou Brahman, comment pourrait-il avoir cette prétention ?§
Bof, bof...
Siddhartha Gautama n’était pas un simple chercheur spirituel, mais la manifestation de son Nirmanakaya, c’est-à-dire l’un des corps du Bouddha, créé intentionnellement pour guider les êtres dans le samsara.
Bha, oui, le Christ aussi, Shiva aussi, et tous les autres maîtres disent la même chose...
Ainsi, l’histoire du Bouddha historique illustre non seulement son cheminement spirituel, mais également une pédagogie divine pour inspirer les êtres à emprunter la voie de la libération.
Hau, nan, certainement pas une pédagogie divine, vu que le monsieur ne croit pas en Dieu... :D
Qu’en penses-tu, Denis ? Cette perspective cosmique et multidimensionnelle du Bouddha enrichit-elle ta réflexion sur la richesse de ses enseignements ?
Pour moi, au-dessus de Bouddha il y a Dieu, il peut dire ce qu'il veut et atteindre ce qu'il veut, ou ce qu'il peut, pour moi, il a raté la cible...
Que te dire de plus, que jamais, je ne deviendrai Bouddhiste, car dans cette voie, il manque Dieu et cela rend pour moi cette voie incomplète, donc non finale...
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 12 déc. 2024, 15:12

Cher Denis,

Merci pour ta réponse pleine de sincérité et d’enthousiasme ! Je comprends bien tes réticences face à ce que tu perçois comme une limite dans l’approche du Bouddha. Pourtant, pour moi, son parcours spirituel et son enseignement transcendent toutes les traditions. Permets-moi de développer cette idée.

Le Bouddha et la transcendance des chemins spirituels

Tu dis que le Bouddha n’a pas connu certaines traditions comme la Shri Vidya ou le Nath Sampradaya, et qu’il ne peut donc pas avoir tout transcendé. À mon sens, cette critique passe à côté de ce que représente le Bouddha. Sa démarche ne dépendait pas d’un catalogue exhaustif de pratiques spirituelles, mais d’une compréhension directe de la nature de l’existence.

Sous l’arbre de la Bodhi, le Bouddha a réalisé quelque chose qui va au-delà des doctrines spécifiques. Il a compris les lois fondamentales qui sous-tendent toutes les expériences : l’impermanence, l’interdépendance, et l’absence de nature propre. Ce sont des vérités universelles, qui dépassent les cadres limités des écoles et traditions.

Une transcendance universelle

Là où le Bouddha transcende vraiment tout, c’est dans sa capacité à dépasser les concepts mêmes qui définissent les chemins spirituels. Il ne s’est pas arrêté à une cosmologie, à une théologie, ou à une pratique particulière. Il a transcendé les notions mêmes de divin, de soi, et même de vérité ultime.

Dans ce sens, dire que le Bouddha "a raté la cible" parce qu’il n’a pas intégré Dieu dans son enseignement revient, selon moi, à projeter nos attentes sur lui. Le Bouddha n’a pas rejeté Dieu ; il a transcendé l’idée de Dieu comme entité fixe ou séparée. Cela ne signifie pas qu’il a manqué quelque chose, mais qu’il a volontairement choisi une voie différente, qui va au-delà de l’attachement aux concepts divins.

La voie du Bouddha : une pédagogie universelle

Tu mentionnes que Siddhartha Gautama aurait fui certaines traditions comme le Shivaïsme ou le Brahmanisme. Plutôt que de fuir, il me semble qu’il a simplement compris leurs limites et les a intégrées dans une vision plus large.

Le Dharma qu’il a enseigné est universel : il ne se limite pas à un groupe ou à une culture, mais s’adresse à tous les êtres sensibles.
Il a transcendé les cadres traditionnels pour offrir une méthode qui va au cœur de l’expérience humaine : la cessation de la souffrance. Cette approche est universelle et intemporelle.

Une question de perspective

Pour toi, Denis, l’absence de Dieu dans l’enseignement du Bouddha est une limite. Pour moi, c’est une force. En ne s’attachant pas à une notion spécifique de divin, le Bouddha a rendu son enseignement accessible à tous·tes, quelles que soient leurs croyances ou leurs inclinations.

Là où le Shivaïsme propose une union avec Shiva comme finalité, le Bouddha montre que même cette notion peut être transcendée. Cela ne signifie pas que l’une est meilleure que l’autre, mais qu’elles reflètent des perspectives différentes. Là où le Shivaïsme explore l’affirmation, le Bouddhisme explore la déconstruction.

En conclusion

Pour moi, dire que le Bouddha a "tout transcendé" signifie qu’il a dépassé les cadres mêmes qui limitent notre compréhension. Il a montré une voie au-delà de toutes les catégories, y compris celles de divin ou de transcendance.

Denis, je respecte profondément ta vision et ton attachement à une spiritualité où Dieu occupe une place centrale. Mais peut-être que le Bouddha nous invite justement à voir au-delà, sans rejeter ni affirmer, mais simplement en expérimentant directement la réalité.

Merci pour cette discussion inspirante et pour la richesse de tes réflexions. 🙏

Avec respect et gratitude,
Tseundru
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Tseundru
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Tseundru » 12 déc. 2024, 15:16

Barbe rousse a écrit :
09 déc. 2024, 18:58
Tu ne parles pas du vide.
Quel rôle joue-t-il dans la vision du bouddha?
Cher Barbe Rousse,

Merci pour ta question sur le rôle du vide dans la vision du Bouddha. C’est un point fondamental du Bouddhisme, et je vais essayer de l’expliquer clairement.

Le vide (śūnyatā) : pas un néant, mais une interdépendance

Dans la philosophie bouddhiste, le vide (śūnyatā) ne signifie pas "rien" ou "néant". C’est souvent mal compris, mais le Bouddha ne parle pas d’un vide absolu où tout cesserait d’exister. Au contraire, le vide désigne l’interdépendance de toutes choses : rien n’existe de manière indépendante ou autonome.

Par exemple, une fleur n’existe que grâce à la lumière du soleil, à l’eau, à la terre et aux soins qu’elle reçoit. Elle n’a pas de nature propre en dehors de ces causes et conditions. C’est cela, le vide : tout existe, mais rien n’a d’existence séparée ou permanente.

Le vide comme libération

Pour le Bouddha, réaliser le vide est une clé pour se libérer de la souffrance. Pourquoi ? Parce que nous avons tendance à nous attacher à des choses (objets, relations, idées, soi-même) en les voyant comme fixes et permanentes. Cette saisie crée du stress et de la souffrance.

Quand on comprend que tout est interdépendant et impermanent, on peut lâcher prise. Cette compréhension du vide ouvre la voie à une liberté intérieure : on cesse de s’accrocher à ce qui est illusoire.

Le vide du vide : éviter les pièges conceptuels

Dans les enseignements plus avancés du Bouddhisme, notamment dans le Madhyamaka de Nāgārjuna, il est dit que même le concept de vide est vide de nature propre. Cela signifie qu’il ne faut pas transformer le vide en une "vérité ultime" ou une sorte de dogme. Le vide est un outil pour dépasser nos attachements conceptuels, pas une fin en soi.

Ainsi, le "vide du vide" (śūnyaśūnyatā) est une manière de dire : ne vous attachez pas non plus à l’idée de vide.

L’expérience du vide dans la pratique

Dans la pratique méditative, le vide n’est pas juste une idée à comprendre, mais une réalité à expérimenter. Par exemple :

En méditation, on peut observer que nos pensées surgissent, restent un moment, puis disparaissent. Elles n’ont pas de substance solide. C’est une première expérience du vide.
Avec une pratique plus approfondie, on réalise que même ce qui nous semble le plus "réel" (notre corps, notre identité, le monde extérieur) est aussi impermanent et interdépendant.
Cette expérience directe du vide est ce qui mène à la libération (nirvāṇa).

Le vide dans la vie quotidienne

Le Bouddha nous invite à voir le vide non seulement dans la méditation, mais aussi dans nos actions quotidiennes. Par exemple :

En comprenant que nos colères et nos désirs sont basés sur des attachements à des choses impermanentes, on peut mieux gérer nos émotions.
En voyant que tout est interdépendant, on cultive la compassion, car on réalise que notre bien-être est lié à celui des autres.

En résumé : Le vide, pour le Bouddha, est une manière de comprendre que tout est interdépendant, impermanent, et sans nature propre. Ce n’est pas un néant, mais une vérité profonde qui nous libère de l’attachement et de la souffrance. Et en pratiquant cette vision, on peut vivre avec plus de liberté, de sagesse, et de compassion.

Avec respect,
Tseundru
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Re: Etude sur le Samkhya Karika

Message par Denis » 12 déc. 2024, 16:30

Sous l’arbre de la Bodhi, le Bouddha a réalisé quelque chose qui va au-delà des doctrines spécifiques. Il a compris les lois fondamentales qui sous-tendent toutes les expériences : l’impermanence, l’interdépendance, et l’absence de nature propre. Ce sont des vérités universelles, qui dépassent les cadres limités des écoles et traditions.
J'espère que tu te rends compte du coté grotesque de ta réponse et surtout de la contradiction qui sont dans tes mots...

Si Bouddha a rencontré "des vérités universelles", comme tu écris, c'est que ces vérités universelles sont accessibles à tous ceux qui ont atteint la réalisation spirituelle...

Alors soit tu fais du prosélytisme de base en disant et pensant que seul Bouddha a rencontré l'absolu, soit tu descends un peu dans l'humilité et tu te rends compte que Bouddha a atteint une chose que beaucoup connaissent et là, on va pouvoir encore parler ensemble...
Tu dis que le Bouddha n’a pas connu certaines traditions comme la Shri Vidya ou le Nath Sampradaya, et qu’il ne peut donc pas avoir tout transcendé. À mon sens, cette critique passe à côté de ce que représente le Bouddha. Sa démarche ne dépendait pas d’un catalogue exhaustif de pratiques spirituelles, mais d’une compréhension directe de la nature de l’existence.
:marteau: :beurk:
Sincèrement, tu crois à ce que tu as écrit là ????
La Nath Sampradaya serait qu'un catalogue de pratiques spirituelles ? :lol:
Que faisons-nous alors du Christianisme, des Musulmans, des Juifs et de tous ceux qui ont apportés tant à l'humanité ?

Tu vois, quand on peut te dire la même chose, que finalement le bouddhisme ne serait qu'un catalogue de démarches spirituelles et qu'en plus, il manque Dieu dedans, c'est que ton argument ne tient pas...

Bref, j'arrête là !

Je te souhaite de trouver la réalisation avec la voie que tu veux et peut-être une fois réalisé, tu entreverras, qu'il existe beaucoup de chemins magnifiques pour aller au sommet de la montagne et qu'à la fin, ils se valent tous, mais qu'en haut, la chose que tu rencontres tu ne peux pas faire autrement que de l'appeler Dieu !
Ce n'est pas une affirmation ! :lol:
Ce n'est pas un dogme et encore moins une croyance, c'est une rencontre !
C'est justement la rencontre de la réalité absolue, pas juste celle de tenter de mettre fin qu'aux souffrances...
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