Voici une réflexion plutôt à contre courant qui j'espère va ammener des réactions.
La vérité
Personne n’aime être le porteur de mauvaises nouvelles. Pas seulement parce que c’est déplaisant ; cela peut être dangereux. Dans le temps, les rois avaient l’habitude de tuer sur place les messagers amenant des informations de défaites.
Malgré cela, la plupart d’entre nous reconnaissent que la vérité, si désagréable soit-elle, est préférable au mensonge, si acceptable soit-il.
Ceci est dû à l’expérience, car les faits qui nous affectent ont une certaine obstination qui fait que même l’illusion la plus irrésistible doit éventuellement leurs laisser la place. Les faits sont toujours gagnants – simplement parce que
ce sont les faits ! -
Vous avez déjà compris que nous avons quelque chose de déplaisant à expliquer, pourtant, continuez à lire, s'il vous plaît.
Le bonheur
Le mensonge (ou l’illusion) que ce texte philosophique veut détruire est peut-être le plus profondément enraciné et répandu, de toutes les convictions humaines.
C’est l’idée de pouvoir atteindre le bonheur à travers le plaisir des sens, spécialement celui représentant le prototype de tous contentements, le sexe et l’amour sexuel.
Aucun effort n’a été poursuivi avec autant de bonne volonté sans produire, pour autant, ce record de déconvenue.
Le plus merveilleux, c’est que l'histoire de cet échec universel n’a en aucune mesure diminué l’espoir d’une victoire imminente.
Avec la désintégration des religions traditionnelles et l’établissement officiel des philosophies séculières, cette illusion a incontestablement pris la force d’une obsession.
Si nous ne sommes rien d’autre que des animaux sophistiqués, si notre existence en tant que sujets conscients et individuels est quelque chose créée par le hasard entre deux infinis de néant, alors il serait absurde de ne pas profiter du temps alloué pour expérimenter le plus possible de félicité sensuelle.
Puisque c’est tout ce que l’on a, mieux vaut s’y adonner pleinement.
Le fantasme sexuel
De telles idées ont grandement contribué, par la libération de la sexualité, au mouvement récent vers un éveil sensuel complet. Ayant admis que notre seul accès au bonheur soit le corps, il faut repousser les obstacles à notre contentement, ces entraves intérieures, la répression des désirs, la mauvaise conscience, la peur et l’horreur du corps, inculquées par des religions et des morales dénigrant la vie même.
Maintenant on cultive une vie libérale et expansive, libre de toute répression. Chacun aspire à boire ardemment au puits du pur plaisir, non contaminé par la honte ni le remord, sauvé et inspiré par l’acceptation et la célébration joyeuse du corps.
Il ne faut pas longtemps à une personne alerte expérimentant une telle conduite, pour reconnaître que cette vision de sexe joyeux et non restreint est un fantasme irréalisable. Pourtant, ce rêve semble encore exercer une fascination irrésistible !
Il est à supposer que les gens mettent leur désappointement sur le dos de leur incapacité à se libérer totalement de certaines répressions, de honte et culpabilité résiduelles et d’un manque de foi et d’abandon au corps lui-même.
En fait, aucun d’entre nous ne peut sincèrement se fier et s’en remettre au corps, car nous savons, au-delà du bluff et de la bravade, que notre corps est fragile, faible et mourrant, et que le plus grand plaisir qu’il donne est désespérément bref. On se retrouve donc dépendant de muscles et veines complexes que la nature peut démanteler à tout moment, de milliers de façons plus ou moins horribles. Notre force et notre beauté s’amenuisent de jours en jours. Notre corps se désintègre devant nos yeux, devenant lui-même la source majeure de nos souffrances et ensuite, nous mourrons.
En conséquence, on ne peut être qu’horrifié par ce corps. ( tant et si bien que le mental doit réprimer ces sentiments par autodéfense). Cette horreur n’est pas une haine artificielle ou une peur imposée par quelque négativisme religieux. C’est simplement une réaction sensible à une perception correcte.
Nous sommes dotés d’une conscience développée qui nous rend l’incarcération dans un corps difficile à supporter. Nous avons la capacité d’imaginer, de voir l’abstrait, de généraliser, gamme bien au-delà des limites du temps et de l’endroit ou nous nous trouvons. Notre mental recherche toujours les premiers principes derrière toutes choses, ce qui est permanent, qui résiste au temps. Pourtant, nous voilà nous démenant dans un corps mourrant. Notre esprit veut atteindre l’infini ; nos dents pourrissent !
Cette conscience qui nous donne de telles aspirations à l’immortalité nous force aussi à être singulièrement conscient de notre impuissance devant la nature. Notre fragilité devant le poids écrasant de l’univers et la menace constante de la mort.
Même un enfant fait la relation entre son bobo au doigt et l’animal écrasé qu’il voit sur la route.
En même temps, nous sommes possédés par un désir inlassable pour la jouissance, étant convaincu que ce bonheur est notre droit. Cela rentre en conflit avec la réalité de notre situation. Pour cela le mental réprime avec force notre perception de la réalité et l’horreur de notre condition.
Chacun pourra verbalement admettre qu’il va mourir un jour, mais cela sonne creux. C’est comme si on parlait de quelqu’un d’autre. Il refuse d’y croire au fond du cœur. C’est comme cela qu’il vit heureux, du moins pour un temps.
Il faut reconnaître que la plupart des cultures humaines nous encouragent à poursuivre notre vitale erreur, habile artifice pour nous garder inconscient. Nous érigeons et rivalisons pour des buts artificiels ou symboliques afin de nous prouver notre force, notre pouvoir, notre endurance et notre invulnérabilité. Nous avons de nombreuses façons de nous congratuler. Mais bien sûr, la nature usine sans relâche, faisant fi de nos tendres et délicats sentiments, de nos bannières et drapeaux, de nos conquêtes et victoires. Pendant que nous nous tenons résolument occupés et distraits, absorbés dans des projets illusoires, la mort vient, à notre grande surprise.
Nous avons oblitéré la mort de notre mental pour être heureux, mais ça ne marche pas vraiment. Au contraire, puisque dans ce monde vie et mort sont étroitement liées, ne plus penser à la mort, c’est ne plus penser à la vie.
On ne peut pas devenir sélectivement inconscient d’un seul.
Ceci explique la perte de cette vision originale du monde vu par l’enfant, une perte dont les poètes se lamentent sans cesse.
D’une façon ou d’une autre, nous avons perdu la grâce, et nous expérimentons donc la vie, l’esprit mort et la conscience restreinte, avec une capacité à ressentir diminuée. L’état d’adulte nous initie pleinement dans le système d’illusion établi, dans une vie d’efforts intenses pour des pis-aller dont le vrai but est de nous empêcher de penser. Une telle vie est nécessairement grise, sans saveur, avec un constant arrière goût de désespoir contre lequel la plupart des cultures offrent une sorte d’intoxiquant anesthésique, comme la télévision, l'alcool, la drogue, la pub...
Pendant ce temps, les splendeurs et merveilles du monde de notre enfance brillent autour de nous, mais nous y avons tourné le dos avec peur, car nous avons appris que c’est un endroit de mort.
Cette découverte commence suffisamment tôt, mais notre retraite dans l’illusion organisée prend du temps. Cependant, il y a une chose plus particulière qui nous y enchaîne, c’est la vie sexuelle, la défaite ultime.
Cette assertion bien sûr, va à l’encontre de l’idée de la libération sexuelle, qui nous informe que par l’abandon au sexe, nous y gagnons une nouvelle innocence et entrons dans un monde radiant, plein d’expériences joyeuses et intenses. Mais une telle position ignore que ce corps, véhicule du plaisir sexuel, est aussi le véhicule de la douleur, de la maladie, de la sénescence et de la mort. L’initiation à la vie sexuelle, cette expérience d’assujettissement écrasant au corps pour du plaisir, est précisément le procédé qui contribue le plus à diminuer notre pouvoir de vivre. Ce n’est pas très difficile à voir. Notre premier acte sexuel précipite une tenace identification au corps, forgeant une attache rapide a ce dernier. Par suite, nous devenons forcé de rechercher le bonheur à travers les sens. En même temps, nous réveillons une crainte profonde et constante :
Nous avons conclu un pacte avec la mortalité. Puisque le sexe tue l’esprit, il stimule les sens. Il devient le centre de tous les plaisirs matériels. Néanmoins le plaisir des sens dépend entièrement des circonstances favorables, donc plus une personne désirera ces plaisirs, plus son anxiété sera grande.
Un tel être a besoin d’argent. Le sexe nous contraint à peiner sans cesse. Sécuriser un partenaire attirant est au mieux une activité pénible, lourde de danger pour notre amour propre. Plus l’on devient vieux, plus la tâche est pénible, et dépend presque entièrement de l’habilité à maintenir son prestige social, de l’étalage de son opulence et de sa générosité. Il n’y a plus de fin à l’angoisse et la peur.
Certains essaient de s’extirper du marché du sexe et, prenant conseil des chansons populaires, recherchent ‘l’âme sœur’, que nous aimons et qui nous aime. Cette trouvaille est assez rare et ne diminue pas vraiment nos souffrances. Au contraire, rien n’est plus angoissant quand on perd l’objet de son amour ou l’amour de celui –ci. L’amour n’est pas un refuge. Nous avons découvert que plus les gens demande du mariage la seule satisfaction sexuelle, plus la relation devient courte.
Notre inhabilité à maintenir une relation est au cœur de notre situation difficile. Notre bonheur et notre réussite dépendent de notre habilité à perpétuer nos relations, et notre plus gros problème pour y arriver s’appelle la mort !
Les petites pertes préfigurent les grosses. Nous voulons accroître la puissance de notre être afin de vaincre la mort.
Comme le sexe est un acte de création, nous nous tournons vers lui pour communier avec la vie elle-même pour prouver notre puissance vitale. Cette puissance est incarnée dans la progéniture. Notre famille devient le noyau d’une fortification composée de propriétés immobilières, d’argent, de connections sociales, de privilèges et de pouvoir. Nous nourrissons notre énergie vitale en luttant contre nos ennemis et en les détruisant. De cette manière nous prospérons et nous développons glorieusement.
Toutefois, ces activités ont un caractère désespérant.
Nous essayons de nous tromper nous même. Car au fond de notre cœur, nous savons parfaitement que rien ne peut nous protéger, que tous nos puissants amis, notre famille et relations sont des soldats faillibles, tous condamnés fatalement.
REVOLTE CONTRE LA MORT
Nous avons dressé une image honnête de notre condition humaine et peut-être pensez-vous à ce stade que nous sommes définitivement obtus.
Admettez au moins que l’on doit se contenter de moins de plaisir qu’escompté ( comme Freud le dit : le " principe de réalité " remplace le " principe de plaisir " ). Admettons aussi que le sexe n’a jamais été ce que l’on attendait de lui. Mais quand même, il y a une allégresse, alors pourquoi, avec toutes les souffrances auxquelles nous devons faire face, ne pourrions nous pas, au moins, accepter ce plaisir?
Le sexe est une pulsion biologique, fondamental à la vie même. Nous ne pouvons nous en passer et bien que ce ne soit pas sans difficultés, pires sont les problèmes de suppression et de frustration. Que faire alors ? C’est simplement pervers d’insister sur les défauts et toutes ces mauvaises nouvelles ne riment à rien!
Pourtant il y a une raison. Considérez la possibilité que notre révolte contre la sentence de mort imposé par le corps et la conscience intuitive que nous sommes fait pour plus que la destruction pure et simple, puisse avoir une justification en d’obscurs faits vaguement redoutés. Notre conscience humaine développée, qui nous empêche de se sentir confortable dans ce corps animal, indique où est le symptôme, peut-être ,d’un trait fondamental de la vie.
Expliqué autrement, considérons la possibilité que notre implication dans les relations sexuelles (et toute entreprise de vie sensuelle qui en découle), constitue une sorte d’intoxication ou engourdissement de notre sensibilité, qui obstrue la conscience normale de notre vrai nature, n’ayant en fait rien à voir avec la mort. Si c’est le cas, il y a une perspective de réaliser, par la recherche de cette identité éternelle, un bonheur inhérent et inaliénable, absolument indépendant de la situation du corps. Cependant, nous pouvons l’atteindre à la condition d’enlever la torpeur de notre conscience, en détournant son énergie du dessein de satisfaction matérielle, centré sur la vie sexuelle.
Le projet de découvrir le soi éternel que nous présentons ne doit pas être confondu avec le programme de répression propagé au nom de la religion.
La démarche vers la réalisation de soi n‘a rien à voir avec une vie lugubre de frustration et de privation afin d’atteindre un paradis futur plein de délices. Non plus qu’il propose la recherche du bonheur dans la neutralité, l’absence de peine, par atrophie des affections. Au contraire, nous proposons que notre désir d’avoir une existence sans fin de félicité ininterrompue et toujours grandissante soit légitime et qu’il y a une manière pratique de le satisfaire immédiatement, une voie si naturelle, excellente et attirante que toutes autres activités en perdent leur attrait.

