Il vient d'un remarquable texte : Le Vijnana Bhairava Tantra (traduction de Lilian Silburn Directrice de recherches au CNRS)
Commentaire.Vijnana Bhairava Tantra a écrit :20-21- Si celui qui pénètre dans l’état de l’énergie réalise qu’il ne s’en distingue point, son énergie divinisée (saivî) assume l’essence de Siva et on la nomme alors ‘ouverture’. De même que, grâce à la lumière d’une lampe ou aux rayons du soleil, on prend connaissance des diverses portions de l’espace, de même, O Bien-aimée c’est grâce à son énergie que l’on peut connaître Siva.
22-24 - la déesse dit:
O Dieu des dieux Toi qui portes l’emblème du trident et as pour ornement la guirlande de crânes, (dis-moi) par quels moyens on peut apercevoir l’état qui a forme de plénitude propre àBhairava, qui échappe au temps et à l’espace et défie toute description. En quel sens dit-on que la suprême Déesse est l’ouverture qui lui (donne accès) ? Instruis-moi O Bhairava, afin que ma connaissance devienne parfaite.
Bhairava répond:
Il faut exercer une poussée ascensionnelle sur la suprême (Energie) formée de deux points (visarga, que sont) le souffle expiré, en haut, et le souffle inspiré, en bas. la situation de plénitude (provient) de ce qu’ils sont portés (ou maintenus) sur leur double lieu d’origine
Tout comme le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, le souffle expiré (prâna) se lève dans le coeur et se couche dans le dvâdasânta extérieur, le souffle inspiré (apâna ou jîva) poursuit le cours inverse. Lorsqu’il s’agit du fonctionnement ordinaire du souffle, le dvâdasânta se situe extérieurement à douze largeurs de doigts au delà de l’extrémité du nez, point précis ou le souffle expiré disparaît. Mais chez le grand yogin, lors du fonctionnement de son énergie vitale que désigne le terme uccâra, surrection, le souffle au lieu de se frayer un chemin vers le dehors, emprunte la voie médiane (susumnâ) pour s’élever du coeur jusqu ‘au dvâdasânta intérieur lequel se confond à ce moment avec le bramarandhra situé au sommet du cerveau. L’énergie assume alors son aspect infiniment subtil de kundalini figurée ici par le visarga qui s’exprime en devanâgarî par deux points ( : ) et, phonétiquement, par une légère aspiration du souffle. Ce visarga ne se comprend bien que par rapport au bindu à l’origine il n’existe qu’un seul point, le bindu, qui symbolise l’unique .Siva; mais aucun mouvement ne pouvant se produire dans l’unité indivise, le bindu doit se scinder en deux pôles entre lesquels s’effectuera le mouvement spécfique propre au visarga.
Les courants vitaux centripètes et centrifuges (prâna et apâna) fonctionnent constamment et toujours de concert. Un sloka précise que sous forme de HA et de SA ils engendrent en fusionnant en un point (bindu M) la formule HAMSA, l’état du milieu ou vacuité dans laquelle s’unissent puis disparaissent les énergie inspirées et expirées.
Les souffles prennent naissance en deux points.’ le lotus du coeur et le dvâdasânta et c’est là qu’ils se reposent lorsque la respiration est suspendue. Maintenus dans leur espace respectif ils s’intériorisent (‘antharmukha,) et acquièrent une certaine plénitude. On nomme visrânti, repos du souffle, l’intervalle (madhya) durant lequel le souffle ni n ‘entre ni ne sort. Ainsi la plénitude à laquelle notre verset fait allusion est celle du visarga partout présent et toujours chargé d’énergie vitale accumulée du fait que chacun des points qui le constituent se trouve alternativement rempli d’énergie. Mais plus encore, elle est faite de la félicité qui accompagne le fonctionnement automatique et spontané des souffles introvertis et bien équilibrés en samâna.
Cette pratique peut appartenir à l’une ou à l’autre des trois voies selon l’interprétation du terme visarga ; si l’on identifie les deux pôles à la subjectivité (ahantô) et à l’objectivité (idant4), il s’agira de la voie de Siva. Ou ‘on en fasse les énergies de connaissance et d’activité, le yogin suivra la voie de l’énergie. Par contre, à qui s avance doucement sur la voie de l’individu, ces pôles ne représenteront que les souffles inspirés et expirés. Mais quelle que soit l’interprétation donnée, le yogin réside dans la plénitude indifférenciée, à la jonction de ces deux pôles, dans l’état nu de l’énergie, état plénier de Bhairava.
Commentaire:Vijnana Bhairava Tantra a écrit :25 - Si l’on s’exerce sans interruption sur le couple des espaces vides interne et externe des souffles (inspiré et expiré), ainsi O Bhairavî la merveilleuse Forme de Bhairavî (et) de Bhairava se révélera.
Aussi longtemps que le souffle fonctionne à la manière ordinaire en un jeu ininterrompu entre vacuité et plénitude et que deux espaces continuent à subsister face à face, Siva et sakti se manifesteront séparément. Mais si l’on se concentre sur ces deux espaces vides figurant Siva et son énergie, au moment ou les souffles expiré et inspiré s’équilibrent spontanément l’énergie vitale sous forme d’udâna s’élèvera dans la voie médiane en allant de l’espace du coeur jusqu ‘au dvâdasânta interne. Ces deux âkâsa disparaissent alors et l’énergie bhairavî rejoint le bhaïrava au centre le plus élevé. Ce processus sert ainsi à révéler le vide intime (madhya) grâce auquel ou jouira de l’essence de Bhairava et de Bhairavî si parfaitement unis qu’ils ne font plus qu’un. L’énergie sert d’intermédiaire à l’acquisition de Bhairava.
comnmentaireVijnana Bhairava Tantra a écrit :26- L’énergie sous forme de souffle ne peut ni entrer ni sortir lorsqu’elle s’épanouit au centre en tant que libre de dualité (vikalpa). Par son entremise (on recouvre) l’essence absolue.
Au cours de cette pratique qui relève de la voie de l’énergie puisqu’elle met en oeuvre la puissance du souffle (prânasakti), le vogin maintient celle-ci immobile au lieu même de sa production en suspendant la respiration, le souffle n’allant plus du coeur au dvâdasânta et inversement. Alors, à la jonction des souffles prâna et apâna, c’est à dire en madhva, le centre, le souffle bien équilibré prend naissance. C’est en lui (samnâna) que la plénitude se révèle. Autrement dit: “le principe de vie (prânana,) abandonne les conduits de droite et de gauche et s’élève tout droit à l’intérieur de la voie du milieu (susumnânâdi) tandis que le feu udâna fait fondre la dualité des vikalpa et manifeste l’unité. Le yogin réside alors dans le quatrième (état). A la disparition de la dualité ce principe vital revêt l’aspect de vvâna, vie cosmique infinie correspondant à turvâtita, l'illumination permanente et sans phases “.
Ainsi grâce à l’énergie du souffle intériorisée et sublimée, on accède à Bhairava ou Paramasiva, l’absolu.
Vijnana Bhairava Tantra a écrit :27-Qu’on pratique la rétention du souffle lorsqu’on expire ou encore lorsqu’on inspire. A la fin de cet (exercice) on nommera cette (énergie du souffle retenu) ‘apaisée’ et grâce à (cette) énergie se révèle (l’essence) apaisée.