Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

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Denis
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Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 08 avr. 2025, 14:10

Voici les Sutra sur le Seigneur :

23 Ou bien de l’abandon total au Seigneur suprême.
24. Le Seigneur est le Soi transcendant. Les afflictions, les actions avec leurs conséquences et les traces subconscientes laissées par elles ne l’atteignent pas.
25. En lui le germe de toute connaissance devient infini.
26. Même pour les anciens et les Dieux originels, il reste le Maître, car il n’est pas lié par le temps.

23 : ishvara pranidhana va
24 : klesha karma vipaka ashayaih aparamristah purusha vishesha ishvara
25 : tatra niratishayam sarvajna bijam
26 : purvesham api guruh kalena anavachchhedat

23 : L'abandon au Seigneur Suprême...
Patanjali nous dit que nous pouvons accéder au Samadhi le plus profond par l'abandon au Suprême...
Pour autant Ishvara n'est pas l'absolu, il est considéré comme un Purusha spécial dans le Samkhya, qui comme nous le savons le Samkhya n'est pas monothéiste...
Pour comprendre qui est Ishvara je m'en remets au texte de la Mahartamanjari de Mahesvarânanda, en sachant que ce texte est vraiment l'un de mes préférés et que Mahesvarânanda est Gorakhnath lui-même, le fondateur de la NathSampradaya…
Dans la descente de la lumière vers la matière, le Divin se divise en deux parties…
Shiva et Shakti.
Shiva apporte la lumière et la Présence, présence qui deviendra Conscience dans les corps qu’elle anime.
Shakti va se cristalliser de plus en plus pour finalement créer les Mahabhutas, les 5 éléments les plus denses qui sont la terre, l’eau, le feu, l’air et l’éther.
Ishvara, est donc un Purusa particulier, le Purusha veut dire « L’homme dans la citadelle », c’est-à-dire que Purusa est une âme, une particule divine qui anime un corps.
Donc Ishvara est un Purusa spécial, une âme spéciale et non Dieu lui même, si ce n’est que toutes les âmes ont la nature de Dieu, mais quelque chose en plus (vibration propre) qui confère à l’âme une individualité.
La Mahartamanjari nous dit cela :
15 Double est l’énergie connaissance et activité. Sous l’éclairage de la connaissance Il devient le Dieu Sadasiva et, sous le burin de l’activité, il devient un deuxième nommé Ishvara.
Donc plus le Divin va vers la manifestation et plus il entre dans l’activité (Kriya).
Le coté Sattvique, donc Divin reste dans SadaSiva…
Bien sur le « Il » de la strophe est Shiva, que nous pouvons lire dans la 12eme strophe et qui explique bien cette descente de la lumière vers la manifestation.
12 Dans cette contraction de Paramasiva et de la terre, (contraction) qui a pour essence transcendante la Lumière consciente, ce qui les différencie l’un de l’autre, voilà l’éveil de la prise de Conscience du Cœur.

Ishvara, va devenir le Seigneur du Monde, celui qui ordonne la création.
Nous voyons donc qu’Ishvara est Shiva…
On peut imaginer que si Patanjali avait mis Shiva à la place de Ishvara, son texte n’aurait jamais eu la portée que nous connaissons, il aurait été mis avec tous les textes assez similaires dédié à Shiva et oublié.
Force aussi est de constater que Patanjali ne retient que 5 Niyama et 5 Yama sur les 20 que proposent la tradition et, nous le verrons plus loin dans notre étude, les 10 yamas et niyamas qu’il met de côté sont ceux qui ont une démarche religieuse…

24. Le Seigneur est le Soi transcendant. Les afflictions, les actions avec leurs conséquences et les traces subconscientes laissées par elles ne l’atteignent pas.

Assurément Atman, l’âme est Nirguna, donc constitué des gunas, rien en elle ne peut se modifier…
Ce n’est pas Atman qui se lie, c’est Shakti (Prakrti) qui se lie et se libère elle-même…
De fait rien atteint la qualité pure du Divin…

25. En lui le germe de toute connaissance devient infini.
C’est une phrase que j’adore et qui donne un élan vers le vide absolu…
Tout germe de connaissance devient infini, je crois que là nous avons la plus belle des définitions de la ferveur, mais aussi de l’amour. Quelle que seront nos pensées lumineuses, spirituelles, si elles s’associent à la pureté de l’esprit par la ferveur ses pensées vont prendre un essor vers l’infini, donc elles vont être transcendées.

26. Même pour les anciens et les Dieux originels, il reste le Maître, car il n’est pas lié par le temps.
Là nous retrouvons le sutra 19 dans l’idée, c’est-à-dire que les Dieux, les anciens n’ont pas accès à la réalisation totale et sont encore soumis au temps et à l’espace. Lui, Shiva, est hors de tout cela et l’être qui atteint la réalisation spirituelle absolue, perd toute trace d’individuation et se fond dans Lui, transcendant de fait, toutes les catégories célestes…

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Denis
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 12 avr. 2025, 15:05

Petit partage d'un schéma des 36 éléments Tattvas qui se trouve sur mon site et redonne la place aux éléments qui nous composent...
Fichiers joints
tattvas.png
tattvas.png (203.77 Kio) Vu 1218 fois
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Mithuna » 14 avr. 2025, 11:54

Si la figure d'Ishvara apparait dans de nombreuses traditions spirituelles en prenant une signification différente en fonction de leur contexte elle marque à ce moment du déroulement des Ys une inflexion spécifique d'une grande cohérence qui apparaît dans l'enchaînement même des sutras 23 et suivants. En effet là où tout exposé théologique traditionnel décrira d'abord Ishvara en l'inscrivant soit dans un ensemble d'attributs divins soit dans une dynamique cosmogonique, phylogénétique ou ontogénétique, il apparait en premier au sein d'une relation "Ishvara Pranidanad" avant d'exposer sa définition dans les sutras suivants. Un tel ordre n'a rien du hasard: en effet cette formule condensée parlant d'une relation appelle un sujet implicite. Si nous restons dans la logique des YS ce sujet ne peut être que le Yogi, c’est-à-dire dans ce premier chapitre celui qui pratique le Yoga tel qu'il est défini en YS 1.2 "Inhibition des modifications du mental". Par conséquent Ishvara Pranidanad n'a de sens - dans la cohérence des Ys – qu'en relation avec Yoga Chitta Vritti Nirodha, faute de quoi Ishvara de moteur spirituel Pranidanad risque de régresser au rang de contenu de conscience, avec le risque de réintroduire une forme de Surmoi quelle que soit par ailleurs sa beauté et sa force inspiratrice. Le sutra 24 précisera ainsi sans ambiguïté " Le Seigneur est le Soi transcendant" donc exempt de toute représentation, "Les afflictions, les actions avec leurs conséquences et les traces subconscientes laissées par elles ne l’atteignent pas", afflictions, actions et leurs conséquences et leur traces subconscientes n'étant autres que les trains de conscience aliénants (YS 1.4).
C'est donc ici après avoir usé de notre discrimination pour éviter toute identification avec les formes de conscience (YS 1.2), ayant perçu "l'intuition directe du Soi" (YS 1.16) puis dans des expériences plus profondes la Présence, (YS 1.17/18) que nous rencontrons le Maitre Intérieur, Hypostase du Maitre Éternel hors des catégories de l'espace et du temps qui "Même pour les anciens et les Dieux originels, reste le Maître, car il n’est pas lié par le temps" (Sutra 26).
Ce sutra 26 soulignant l'intemporalité du Maître Éternel résonne comme un écho au premier Sutra "Voici l'enseignement traditionnel du Yoga" expliquant comment les YS écrits il y a plus de 2000 ans dans la Civilisation Indienne résonnent avec la même intensité spirituelle, le même Maître Éternel qui a inspiré la rédaction des Ys "attendant" le sutra 23 pour apparaître..
Une des étymologies d'Ishvara signifie Seigneur, Puissant et capable, c'est donc une "Puissance", cette Puissance du "Maître Éternel" qui alimentera les braises ardentes du Sutra précédent dans le passage de la Puissance à l'acte conduisant à la pleine Réalisation du "Maitre Intérieur", son "Fils Spirituel" pourvu que nous nous "abandonnions" à la dynamique de la Voie qui même à cette Réalisation : "ishvara pranidhana"
Si dans les Sutras précédents, 14 et 20 enthousiasme et foi sont présentées, couplées à d'autres qualités comme des conditions nécessaires mais non suffisantes, juxtaposées à ces qualités par la conjonction "et", ici nous trouvons la conjonction "ou", ce qui exprime la possibilité d'une autre voie et le Terme "pranidhâna" est seul, ce qui indique que dans cette voie, l'"abandon"" est la seule condition nécessaire.
Il existe ainsi une forte continuité avec le sutra précédent 22: l’apparition du Maître Intérieur et sa mise en œuvre en "abandon" apparait comme un formidable "accélérateur" spirituel, une sorte de "Levier dont la "Puissance" permet de "soulever le monde" pourvu que nous lui fassions confiance. Cependant si les aspects préalables sur lesquels se portait notre dévotion étaient encore des "formes de conscience", représentations d'un idéal , du Divin , et si le Maître Intérieur n'est plus une forme de conscience (Soi transcendant) sa rencontre ne les abolit pas, mais il s'en affranchit en étendant à une multitude d'occasions de notre quotidien des "ponts" franchissant le grand fleuve qui sépare toutes les formes de conscience du Soi transcendant (Sutra 24), la Vacuité des Phénomènes et le Grand Silence du Soi de la multitude des bruits de la manifestation.
Par ailleurs les termes enthousiasme et foi des Yogas 14 et 21 sont intransitifs, sans objet, ce qui signifie que leur objet est moins important que l'élan émotionnel profond et durable qu'ils initient en nous. Dans ce Sutra 23 par contre il y a transitivité vers "Ishvara" et le sujet "abandon total" est largement plus inclusif que les précédents.
Maître Éternel et Maître intérieur sont de même nature, tous deux ne cessent de nous dire que le but spirituel que nous poursuivons de "peut-être" (en Puissance) doit devenir "être" dans l'évidence de chaque rencontre avec cette Présence, rencontre qui révèle notre Nature profonde, hors de toutes les catégories de l'espace et du temps (YS 1.26), engendrant une certitude au-delà des vicissitudes de notre destin (YS 1.24). De façon mystérieuse il rend diaphane, parfois même impalpable l'écart entre notre présent et notre futur, ce qui en "germe" deviendra Plénitude Infinie (YS 1.25) : par Sa Vie en nous, c'est déjà nous-même qui apparaissons. On pourrait dire ainsi que le Maître Intérieur est Celui que nous allons devenir, notre futur qui nous tend la main en s'actualisant dans le sentier qui est devant nous.
Le Maître Intérieur s'exprimera de plusieurs façons. Qu'il s'agisse de lecture de textes inspirés, d'une rencontre intense, d'un contact intérieur ou du cheminement d'une vie auprès d'un Maître incarné, respectueux comme un souffle ténu ou impératif comme un ouragan, "Chemin de Damas" ou "Brise imperceptible" nous serons toujours surpris de la pertinence de ce qu'il révèle et de sa parfaite harmonie avec notre Maître Intérieur.
Ceux d'entre nous qui ont rencontré ou suivi un Maître Incarné savent que tout Maître Spirituel authentique quelle que soit l'intensité et la qualité de sa Présence et de son enseignement n'aura de cesse de s'effacer en soulignant que "le Maître conduit au Maître Intérieur", un tel effacement ne supposant aucune forme de faiblesse. Là où un instructeur apprend une technique spirituelle, le Maître éveille en nous la voix et le regard du Maître Intérieur. S'il enseigne une technique particulière, elle s'inscrit toujours dans un contexte plus global, déconstruction des formes aliénantes pour révéler la véritable forme du Maître Intérieur, en nous laissant toujours libres de nos choix.
Déjà rencontré au début des YS en YS 1.3 comme "le Drastr installé dans sa propre forme", mais encore lointain, immobile, frêle réflexion de "l'homme dans la Citadelle" évoqué par Denis, empêché par les distorsions des formes et des trains de conscience (YS 1.4), dès lors que nous ne sommes plus dans l'état de Yoga, ressenti fortement comme Présence au cours de nos expériences spirituelles comme "Intuition du directe du Soi" (YS 1.16), et des enstases (YS 1.16-18) , il devient ici, non un Dieu distant ou moralisateur, non une statue figée, ni idole, ni idéal ni même idée mais la Réalité, la Réalité englobante qui nous fonde et nous motive, une Présence dynamique, à la fois le but, le moyen et la Voie du Sentier spirituel énoncé par les YS.
"Lorsque le disciple est prêt, le Maître apparait". Alors que nous nous nous sommes "préparés" en appliquant "l'arrêt des modifications du mental" (YS 1.2), en apprenant à reconnaitre les "formes de conscience" issues de nos différents plans de conscience (YS 1.4/1.15), laissant apparaitre "l'ombre du Soi" dans l'intuition directe du Soi (Ys 1.16) puis les Rencontres (YS 1.17/21) "quelque chose" s'est éveillé en nous" qui a répondu à notre ardeur (YS 21.22). C'est comme si jusqu'alors nous étions seuls à "démolir" le mur de notre prison, l'avènement du Maître Intérieur qui avec ses propres armes entreprend de démolir de son côté le mur des formes de conscience coagulées qui nous séparent, écho encore lointain mais réel de nos efforts humains.
Et ce qui nous unit, qui fait que nos efforts se conjuguent, c'est Pranidhânâ va, "abandon au Seigneur". De la même façon qu'il y a un avant et un après de toute enstase, de toute expérience spirituelle qui nous touche profondément, il y un avant et un après de la rencontre avec le Maître Intérieur et aussi de l'engagement – Pranidhânâ – qu'elle implique. Chaque expérience spirituelle profonde annonce la venue du Maître intérieur, elle exprime sa "Toute Puissance" (Ishvara) face à notre humilité en évitant toute confusion avec les formes de conscience qui nous constituent. Rencontre avec un texte, une situation, un être elle nous bouleverse, chamboule nos certitudes avant de dévoiler la Voie qu'il nous appartient de parcourir, car dès l'apparition du Maître Intérieur apparait aussi la Voie. Mais ce terme "d'abandon" n'a rien d'une forme de fatalisme plus ou moins béat, s'il suggère une soumission, non une superstition, il implique également une participation active.
Comme nous l'avons vu "Ishvara Pranidhânât" l'abandon au Soi ne peut être séparée de "Yoga Chitta Vritti Nirodha" : "L'arrêt des modifications du Mental". "Les pensées du Soi ne sont pas mes pensées" tout comme "le temps du Soi n'est pas mon temps". De la même manière que nous avions vu que les enstases qui sont déjà les rencontres du Maître Intérieur ne supprimaient pas les contenus mémoriels (YS 1.18) et que tout relâchement dans la discrimination des trains de pensée qui nous aliènent pouvait nous engager sur une "voie "incomplète" (YS 1.19) "l'abandon à Ishvara" suppose la mise en œuvre "durable, répétée et enthousiaste" (YS 1.14) de cette discrimination, le cas échéant des formes de conscience peuvent "opacifier" ou "usurper" "l'abandon" dont il est question.
L'abandon dont il est question supposera donc en premier "l'obéissance" au Maître Intérieur. Mais que signifie vraiment une telle obéissance ? Obéir dérive du terme latin oboedire, qui signifie écouter, "prêter l'oreille". Une telle "obéissance" n'a rien à voir à la conformité à des lois extérieures, produits de la dictée d'un Dieu tout aussi extérieur définissant Bien et Mal et régissant une conduite imposée, ni même l'inféodation plus subtile à une sorte de Surmoi, forme de conscience puissante et fortement aliénante. Concernant tout ce que nous sommes "l'abandon à Ishvara" suppose non une acceptation "du bout des lèvres" se traduisant par des actes codifiés mais une reconnaissance profonde du bien-fondé de l'impulsion spirituelle qui nous parvient. A ce moment nous pouvons considérer que le disciple que nous sommes à l'écoute du Maître intérieur va fouler la Voie qu'Il trace devant lui. Elle suppose de savoir reconnaitre et discriminer nos opinions de celles émanant du Soi en reconnaissant l'intuition directe Du Soi (Ys 1.6 et 1.16). Il s'agira donc d'une "écoute active". Une telle obéissance n'est pas sujétion douloureuse et passive mais participation aimante à la co construction de ce que nous sommes véritablement, notre temple intérieur, la forme parfaite du Drastr entrevue lors de chaque "rencontre".
Je ne sais combien de fois un mot de mon Maître spirituel a "ouvert une brèche" dans une préoccupation latente, combien de fois la Voix du Maitre Intérieur faisant irruption au milieu d'un train de pensées a découvert un autre Sens, combien de fois encore dans une situation particulière, un choix important j'ai ressenti l'acceptation de "là où voulait me mener mon Soi" comme un pari, défiant ma rassurante logique personnelle, pouvant être subtile, déconcertante mais profondément cohérente dans la gestation du Maître Intérieur au sein de mon quotidien. Combien de fois alors que j'avais "le nez dans le guidon" (YS 1.4) une "apparition" entre deux pensées du Maître Intérieur a indiqué une autre voie. Injonction à la fois hors de mon espace et de mon temps (Transcendance du Sutra 24) mais pleinement efficiente dans cette réalité. Dés lors qu'une telle "Apparition" se produit j'évite toute association d'idées : "Chitta Vritti Nirodha" puis "je me retire pour l'accueillir" : Ishvarah Pranidanha". Ce n'est qu'après que je laisse se recomposer mon univers intérieur dans la prise en compte de ce me "dit" le Maître Intérieur. Je parle bien de prise en compte non de sujétion aveugle car je demeure toujours libre. Dans cet "abandon" j'ai toujours le choix "d'interpréter sans trahir" ce que révèle "l'intuition directe du Soi" mais toujours si les braises de mon engagement sont vives, je sais que je dois en tenir compte. Que cela me plaise ou non il peut alors devenir évident que devrai tout ou tard affronter ce que je refuse et j'ai appris que même si là où ce choix me menait défiait ma logique personnelle, cette destination était source "d'enthousiasme" jamais démentie.
Le temps du Soi n'est pas mon temps. Ce temps perçu dans l'intuition directe du Soi (YS 16) ainsi que dans les enstases (YS 1.17/18) a son propre rythme, ses propres saisons, sa florescence et son hiver, temps de fulgurance, tonnerre du Printemps succédant au long silence de l'hiver spirituel. Si nous ne sommes pas "à l'écoute" de notre Maître Intérieur, embarqués dans la danse effrénée de nos trains de pensée, que de confusion, que d'énergie perdue, que de bonnes intentions vaines!
Lorsque le sutra 24 précise "Le Seigneur est le Soi transcendant. Les afflictions, les actions avec leurs conséquences et les traces subconscientes laissées par elles ne l’atteignent pas" n'est pas une simple constatation Il signifie la prise de conscience de la nécessité de "Sacraliser" ce Diamant en évitant toute relégation dans une nouvelle forme de conscience, un train de pensée supplémentaire, quelque beau et admirable qu'il soit. Nous ne lui "demandons" rien et ce faisant, refusant de "dégrader" la perception du Maître Intérieur en le mêlant à nos problèmes personnels, nous prenons conscience qu'il n'est en aucune façon une forme subtile de senseur, ni même une entité froide et indifférente, mais un "Ami Silencieux". Et c'est alors que d'une façon ou d'une autre, même si ma conscience actuelle ne le perçoit pas (et justement parce que je ne cherche pas à le faire rentrer dans les moules de mes formes de conscience), je sais qu'il y aura un changement, ce qui s'est toujours vérifié dans mon cas.
Dans la continuité de cette "vigilance transformatrice" et de façon peut être plus subtile encore, le Sutra 25 nous explique comment le Maître Intérieur nous ouvre les portes d'une autre "connaissance (25. En lui le germe de toute connaissance devient infini.). Si le Sutra 6 abordait déjà "la connaissance juste" résultant de l'inféodation aux formes de conscience aliénantes (YS 1.2), la connaissance dont il est question ici nous concerne plus profondément et de façon très pratique car elle possède la clef de notre futur en inscrivant notre destin personnel dans le secret de notre devenir spirituel si nous choisissons d'écouter le maitre intérieur (YS 1.23).
Nous considérons en général toute connaissance comme un acquis, une forme de conscience. Dans "l'intuition directe du Soi" (YS 1.16) et "l'enstase sans support" (YS 1.18) nous avons compris comment à ce type de connaissance répondait déjà une émanation du Maître Intérieur bien différente. Si le Maître Intérieur posséde en lui le germe de toute connaissance, c'est dans le silence qu'il enseigne, silence de la gestation, silence des origines . Si nous nous émergeons dans ce silence vient la connaissance et alors nous "renaissons avec elle" (une des étymologies possibles de connaitre), car la connaissance dont il s'agit est globale. La route sur laquelle nous cheminons ne nous permet pas de vor l'intégralité du chemin, car notre vue est aliénée par les trains de conscience (YS 1.4). Le Maître Intérieur quant à lui est "Transcendant" (YS 1.24); il surplombe ces aliénations (Ys 1.2) et les souffrances qu'elles peuvent engendrer tout autant spatiales que temporelles (YS 1.26). Hors de toute temporalité il connait l'Origine, ce qui nous a engendré hors de la plénitude de l'Etre, mais aussi la fin, la finalité spirituelle de notre destin, la réintégration consciente dans le Soi et la pleine réalisation du Soi en nous. Plongé dans l'intemporalité, il perçoit notre temps humain comme le temps de cette genèse. Chaque rencontre avec lui, depuis l'imperceptible "arrêt des modifications du mental", "l'intuition directe du Soi" jusqu'à la "méditation sans germe" infuse en nous un fragment de cette vision englobante. La notion de germe répond à la notion de puissance en suggérant quelque chose qui se développera pleinement dans le silence intérieur résorbant tout germe indésirable comme il se produit dans la "méditation sans germe" du sutra 18, tout condensat de conscience pouvant devenir obstacle.
Alors ce germe peut s'implanter durablement en devenant chair et sang, la connaissance "en puissance" devenant genèse continue, la transcendance révélant le chemin que le maître intérieur dévoile pour nous.
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 15 avr. 2025, 00:03

Dans la vision indienne, le moi n'existe pas.

Ahamkara, l'ego, le moi, est l'Esprit qui a pris une forme, et dans cette forme, il n'y a que Lui qui existe, expérimente.
Ahamkara => Aham = I am, "Je suis"
Kara => La forme
Ahamkara est le "Je suis" qui a pris une forme, la Présence qui s'est incarnée.

L'ego apporte l'illusion de quelque chose qui pourrait évoluer, se transformer, qui serait séparé de la totalité, mais il n'est que la croisée des chemins, des organes des sens (Jnanedryas) et des moyens d'actions (karmendryas) avec un mental qui gouverne tout cela, mais qui n'existe pas séparément de ce corps.
Patanjali nous propose la disparition du mental (Yoga Chitta Vritti Nirodha), pour laisser l'absolu reprendre toute la place.
Cela est très clair dans ce Sutra 16 :
"16. Le degré ultime, c’est l’intuition directe du Soi par le rejet des fonctions inhérentes de la manifestation."
Où les fonctions inhérentes de la manifestation sont le corps et cette existence.
Patanjali nous dit aussi qu'il existe d'autres chemins possibles, qui arrivent à la même réalité :
20. Les autres hommes l’obtiennent par la foi, la détermination, l’activité de la mémoire, l’unification et le discernement de la réalité.
Ils obtiennent la fin du mental par la foi qui est de se perdre en Lui, comme pour la détermination, où le fait de psalmodier des mantras (lire : Le chemin d'un pèlerin Russe) et bien sûr l'unification qui est, ce que cherche le Yoga comme le discernement de la réalité qui nous fait percevoir qu'il n'y a que Lui dans la réalité, que nous n'existons pas.
Le discernement de la réalité se nomme Tarka.

L'idée d'abandon au divin est réellement de mourir à notre ego, à notre personnage, pour laisser l'absolu régner dans ce corps.

De fait, un être réalisé se nomme "un deux fois né" en Inde, il y a donc une mort à passer, c'est celle de "nous" ou de ce "je" qui pense se diviniser, mais qu'il ne pourra jamais se diviniser car "Nous" ou "je" n'existe simplement pas, il n'y a que Lui sans second et donc aucune place à "Je" ou "Nous".

L'idée est la même dans la vision Chrétienne ou le Christ dit à Nicodène :
Jean 3:5 a écrit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
6 Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit.…"
J'aime beaucoup ce que dit Stephen Jourdain à propos de notre conscience habituelle :
Curé, plombier, député, esprit aigu, vivant, âme cartonneuse, esprit cultivé, homme en friche, homme de rigueur, tricheur, tous dormants, tous évanouis au même degré, tous persuadés de veiller et privés de conscience de la même façon exactement.
Car ce sommeil métaphysique est sans graduation, sans nuances, est un unique niveau auquel on appartient tout à fait ou pas du tout.
Comment leur faire comprendre qu'ils dorment ?
Ils admettraient volontiers que le degré de conscience qu'ils ont d'eux-mêmes n'est pas ultime, que cette saisie de soi pourrait, quantitativement, être améliorée.
Comme on rendrait plus clair, plus intense un jour qui serait déjà levé. Mais comment leur faire croire.
Comment simplement leur faire poser l'hypothèse que précisément, ici, le jour n'est pas encore levé.
Que la question se pose réellement de savoir si la lueur qu'ils connaissent participe du fait diurne.
Comment leur faire savoir qu'en cette vigilance extrême qu'est la conscience de soi habituelle, ils dorment !
Qu'en son essence le phénomène, appelé état de veille, dort."
Nisargadatte dit la même chose quand il dit qu'avec la grâce de son maître, en 3 ans, il a atteint un état duquel on ne peut rien retrancher, ni rien ajouter, et qu'il a laissé sa nature humaine (son corps, son existence) prendre soin d'elle-même pour aller à sa fin.

Dieu prend toutes les formes, anime toutes les existences et joue dans son jeu cosmique à devenir tous les êtres...
Mithuna
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Mithuna » 17 avr. 2025, 08:48

Patanjali ne propose pas "la disparition du mental" mais "l'inhibition des modifications du mental". Est-ce la même chose?
Dans l'état de yoga, le mental ne disparait pas, simplement nous cessons d'être aliénés par ses modifications incessantes, modifications qui reviennent dés lors que nous ne sommes pas dans l'état de Yoga, comme le montre le Sutra 4 : il était donc toujours présent mais "inhibé". Ces modifications génèrent des courants de pensée puissants qui plongent dans "le sommeil métaphysique" évoqué par Jourdain.
"L'intuition directe du Soi" ne provoque aucunement la disparition du mental : si le "rejet des trois fonctions inhérentes de la manifestation" (YS 1.16), provoque une éclipse momentanée de l'identification à ces modifications, le mental reviendra ensuite . L'enstase sans semence elle-même qui suit cette intuition n'abolit pas le mental car il demeure des "contenus mémoriels" (YS 1.18), assises de l'activité mentale, elle "rassemble" (étymologie de Samadhi) ce qui était auparavant dispersé, fragmenté par les modifications du mental.
Lorsque Nisargadatte s'exprime, son mental est là, il n'a pas disparu, il en a besoin pour verbaliser, formaliser ce qu'il vit. Par contre en expliquant de façon saisissante qu'il a " laissé sa nature humaine (son corps, son existence) prendre soin d'elle-même pour aller à sa fin.", il exprime qu'il n''est plus inféodé aux modifications du mental, il a définitivement "Discriminé le Spectateur du Spectacle". L'Absolu ne prend pas "la place du Mental" : il est d'une autre nature.
Là où Jourdain affirme que nous sommes tous "privés de conscience", plongés dans un "sommeil métaphysique" et pose la question "Comment leur faire comprendre qu'ils dorment ?" les YS répondent clairement dans ce premier chapitre en ouvrant une voie pour sortir de cette torpeur (Ys 1.2 1.3).
"Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : “Seigneur, Seigneur”, qui entreront dans le Royaume des cieux, mais seulement ceux qui font la volonté de mon Père qui est dans les cieux." Matthieu 7:21. Sauter comme un cabri en criant "Seigneur, Seigneur" n'est pas l'abandon au divin, cet abandon au divin implique tout ce que nous sommes, y compris le mental qui doit se retirer dans "l'obéissance" qui est avant tout "écoute active" de "l'intuition directe du Soi" (YS 1.16)
"Il faut qu'il croisse et que je diminue" (Jean 3.30). Il y a bien ici une genèse progressive, ponctuée de "morts", d'"abandons" d'un "je", d'un sujet qui accepte consciemment de se retirer pour laisser s'opérer en lui la volonté du Maître Éternel, une "obéissance" qui laissera place au "Germe de toute connaissance" (YS 1.25).
"perinde ac cadaver in omnibus ubi peccatum non cerneretur" : "comme un cadavre, en tout où une erreur n’est pas discernable" dira Ignace de Loyola. Il n'y a pas une mort, mais une succession de morts. Si l'obéissance privilégiée ici comme une mort est d'abord obéissance à un supérieur, c'est bien parce qu'un tel supérieur a une légitimité spirituelle, conduisant au Christ.
Chaque Rencontre avec la Présence est une mort, renoncement qui peut être douloureux avec ce que je suis ou crois être, rencontre pouvant impliquer des choix drastiques, car "on ne met pas le vin nouveau dans les vieilles outres" (Mathieu 9.17).
Pas plus que l'intuition directe du Soi ou le Samadhi, "l'entrée dans le courant" premier stade de l'éveil Bouddhiste, le baptême d'eau et même le baptême de l'Esprit ne sont une fin mais un début, la re-naissance dont ils parlent le début d'une "vie nouvelle" fruit de la rencontre avec le Christ, le Maitre Éternel.
Si Jean 3:5 écrit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d'eau et d'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. 6 Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit.…"
Paul écrira dans la continuité (Ephésiens 4)
"11 Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs,
12 pour le perfectionnement des saints en vue de l'oeuvre du ministère et de l'édification du corps de Christ,
13 jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ,jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus à l'unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ
".
Il s'adresse alors à des chrétiens ayant déjà reçu le baptême et l'onction du Saint Esprit donc déjà "nés de l'eau et de l'Esprit" et investis des dons du Saint Esprit (4.11) mais qui doivent encore parvenir à "l'état d'homme fait, à la mesure de la stature parfaite de Christ" (4.13) ce qui signifie encore à de nombreuses reprises une "mort à soi-même".
Nous voyons ainsi que là où Stephen Jourdain parle d'une rupture absolue, avec une prise de conscience "immédiate" à l'aube d'un "état" absolument discontinu avec l'instant précédent "un ultime niveau auquel on appartient ou pas du tout", là où le texte précieux de Nisargadatte évoque un tel état, les Ys comme le Christianisme envisagent deux voies de "mort à soi même" comme un processus continu, fruit d'une discipline et d'un engagement sans faille, ponctué par des Samadhis successifs (YS) ou l'épanchement de l'Esprit Saint jusqu'à "la mesure de la stature parfaite de Christ " (Christianisme).
Il devient clair que l'obtention de l'état d'homme fait dans le Christ (christianisme) comme le Samadhi final (Dharma Mega Samadhi) menant à Kaivalya , la libération représentent bel et bien un "basculement", des états sans commune mesure avec les étapes qui les ont précédés, alors que l'humain s'offre entièrement à la plénitude du Divin
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Denis
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 19 avr. 2025, 01:16

Oui tant que le corps existe, le mental est là, rien ne peut le faire se volatiliser physiquement, il permet de gouverner les sens et les moyens d'actions, il me semble avoir été assez clair sur cela.
Je ne vois pas non plus où j'ai dit qu'il fallait crier "Seigneur, seigneur ..." :?
L'abandon à Dieu n'a rien à voir avec un singe en train de faire l'andouille, il me semblait là aussi proposer une vision assez claire de cela...
Mais le mental n'est pas Shiva !
Il n'est que "la croisée des chemins" entre les organes des sens et d'action et Ahamkara, l'ego.
Il n'a pas de réalité hors du corps, même si une partie subsiste dans le corps du défunt (cf. le Samkhya Karika) qui n'est pas encore réalisé.
Quand j'écris "Patanjali nous propose la disparition du mental" ce n'est pas l'organe physique qui se volatilise, mais ses fonctions !
Cela se place dans une vision de transformation profonde de l'être qui atteint la réalisation, on doit replacer cela dans la vie profane ou divine...
Pour des personnes n'ayant jamais fait de méditation ou de Yoga, le mental devient leur esprit, il y a d'ailleurs souvent, à tort, le nom d'esprit.
Beaucoup ne fonctionnent que dans le mental et même vivent beaucoup d'expériences que dans le mental.
Il est assez simple de s'en rendre compte quand on parle avec une personne, si la personne décrit des expériences dans lesquelles il y a encore trois parties (le sujet et la perception de quelque chose), par exemple des gens disent, j'ai vu la lumière, cela est mental (j'ai = sujet, vu = sens, lumière = objet). On devient la lumière quand le mental disparait.
Le mental est un lieu vide dans son essence, qui prend les formes que lui proposent soit les sens, soit l'ego, c'est lui qui rend compte de l'expérience.
Quand Nisargadatta parle d'un état duquel on ne peut rien ajouter ou rien retirer, il parle d'un état qui n'a plus rien à voir avec le mental et qui est totalement hors de l'emprise du mental et de ses fonctions.
Bien sûr qu'on peut parler au personnage Nisargadatta, à son corps, et que le mental dans le corps répond, bien qu'il dise qu'il ne répond pas et que la réponse arrive d'elle-même.
Mais ce qu'il faut essayer d'entrevoir, c'est qu'un être ayant atteint la réalisation n'est plus dans son corps, Nisargadatta le dit très clairement.
Il dit que quand il parle à une personne, il est aussi bien lui, ou la personne avec qui il parle, ou les deux en même temps, ou encore ni l'un ni l'autre...
Il dit, aussi, qu'il n'appartient plus à l'univers et que la seule différence qu'il y ait entre lui et nous, c'est que lui à la certitude d'être omniprésent et pas nous. Il dit aussi que l'univers est inclus en lui.
Le réalisé est dans la pure Présence, de fait présente partout et en tout, et le mental n'est que dans le corps, nulle par ailleurs.
Alors oui, pour celui qui vit une expansion de conscience, l'expérience existe hors du mental et si on reste dans cet état, on vivra hors du mental.
Mais oui, le mental sera là encore pour gérer des choses dans le corps ou pour permettre au corps de parler, de "vivre" et c'est pour cela que Nisargadatta dit qu'il a laissé sa nature humaine prendre soin d'elle-même. Dans cette phrase, on comprend qu'il n'est plus cette nature humaine faite de moyens de perception, de moyens d'actions, de mental, d'ego et de Buddhi. Son Esprit à tout repris et l'agglomérat (sens, actions, mental, ego, buddhi) devra aller à sa fin de son existence sans Nisargadatta aux commandes.
Un deux fois né, est un être qui a transcendé sa condition humaine, pour devenir Divin.
Cette mort est montrée par la mort du Christ sur la croix et par sa résurrection, il est devenu deux fois né lui aussi.
Car ne nous trompons pas, l'initiation est une véritable mort, la montée de kundalini que cela occasionne, détruit les chakras et le corps après cette expérience n'a plus rien à voir avec un corps humain normal.
Patanjali dans le 3ᵉ livre nous livre des expériences qui permettent d'entrevoir le travail qu'accompli le Yoga dans la pratique de Samyama, la convergence. Par exemple, quand on pratique la posture du poisson, on devient poisson et on peut vraiment vivre le mental d'un poisson ainsi que sa réalité d'existence. Il est aussi possible de vivre cela avec toutes les postures qui ont comme support des animaux, cela est la partie des archétypes qu'on rencontre un jour dans la pratique et qui nous font entrevoir que nous ne sommes pas ce corps, pas ce mental, pas ces idées, pas le personnage, pas un Yogi...
À force de vivre des transformations sur tous les plans, la forme humaine disparait. Thème central de Castaneda "perdre sa forme humaine", même si bien sûr, on ne la perdra qu'à notre mort !
Mais tout en nous sera transcendé, jusqu'au moment où notre mental sera totalement vide, comme disparu, et laissera la Présence passer en lui sans y opposer la moindre résistance, ou la moindre forme...
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par amandine » 19 mai 2025, 22:30

23- De la dévotion spéciale à Isvara* aussi la concentration devient imminente. (traduction de Swami Hariharananda Aranya )

Ce sutra 23 explique que Isvara s’incline vers le yogi/la yogini qui lui voue une dévotion spéciale qu’on appelle Isvara-pranidhana.
Dans lle mot bhakti on a cette idée d’un partage étroit entre le dieu prié et son dévot. On a ici cette même idée d’un partage, d’une réciprocité. Isvara accorde la grâce au yogin/à la yogini, dans la voie de libération. Ce sutra explique que le yogin/ la yogini qui a cette dévotion spéciale et donc ressent l’existence en son coeur, en son être de Dieu, et s’abandonne à lui, Il n’agit alors plus pour son propre compte, pour le bien être de sa personne, ni pour des plaisirs du monde, mais offre tous les fruits de ses actes à Dieu. Et Dieu touché par sa dévotion lui donne la grâce et le soutient dans sa réalisation spirituelle, vers Moksha.



24- Isvara est un Purusa particulier qui n'est pas affecté par l'affliction, l'acte, le résultat de l'action ou les impressions latentes qui en découlent.
Swami Hariharananda commente ainsi ce sutra:
"Le Purusa spécial qui, en raison de sa libération éternelle, n'est même pas affecté par le contact de la jouissance ou de la souffrance, est appelé Isvara. De nombreux Purusas ont atteint l'état de libération, en rompant la triple servitude. Isvara n'a pas connu de telles servitudes dans le passé et n'en connaîtra pas non plus à l'avenir. Les personnes libérées sont connues pour avoir eu un état antérieur de servitude, mais ce n'est pas le cas d'Isvara. Les Prakrtilinas ont la possibilité d'être asservis dans le futur, mais dans le cas d'Isvara, cette possibilité n'existe pas. Isvara est toujours libre et toujours suprême. La question se pose donc de savoir si cette suprématie perpétuelle de l'Isvara, en raison de l'excellence de son Soi , est quelque chose dont on a la preuve, ou s'il s'agit de quelque chose sans aucune preuve ? La réponse est : « Les écritures en sont la preuve ». Quelle est la preuve de l'authenticité des écritures ? Leur authenticité est basée sur la sagesse suprême. Les Sastras et leur sublime sagesse qui sont présents dans l'esprit d'Isvara et sa prééminence sont éternellement liés les uns aux autres. Pour ces raisons, Isvara est toujours Isvara, c'est-à-dire omniscient et toujours libéré.
Sa prééminence n'est jamais égalée ni dépassée. Le commentateur l'explique en disant que l'excellence d'Isvara est la plus haute excellence, insurpassable par personne d'autre et sans égal. C'est pourquoi la personne dont l'éminence a atteint la limite est Isvara. Il n'y a pas de prééminence égale à la sienne, car s'il y avait deux personnes avec une éminence égale mais des désirs contradictoires - l'une souhaitant qu'une chose soit nouvelle et l'autre souhaitant que la même chose soit ancienne au même moment - alors l'accomplissement des directives de l'une nuirait à l'égalité de pouvoir de l'autre ou si les deux sont également puissantes, leurs directives seraient inopérantes. C'est pourquoi le Purusa dont l'excellence n'a pas d'égal ou n'est jamais dépassée est Isvara et Il est ce Purusa spécial."
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Denis
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 25 mai 2025, 13:59

Merci Amandine pour ce texte !
Il pose une question...
On dit que Dieu est unique et sans second. Alors comment Ishvara aurait la possibilité d'être totalement libre et "Isvara est la plus haute excellence, insurpassable par personne d'autre et sans égal." ?
Je pense qu'on doit entrer dans la subtilité de tout ça...
Si, comme le dit le texte, les êtres réalisés deviennent des Ishvara, des Purusha spéciaux, c'est qu'ils sont encore séparés de l'union totale avec le Divin.
Alors, oui, on peut comprendre qu'un individu qui se réalise (partiellement) accède à un état absolu pour un individu. Qu'un individu ne ^pourra pas aller plus haut sans mourir à soi-même totalement.
Mais le réalisé absolu n'est plus un individu et il n'existe plus en tant qu'individu.
C'est ce que dit Ramana Maharshi : "Hors de ces pensées, l'esprit n'existe pas." et Nisargadatta nous propose de nous fondre en Lui.
On doit aussi entre voir qu'il n'existe pas de culte à Ishvara en Inde et cela peut nous faire comprendre que Ishvara est une étape sur le chemin de la réalisation spirituelle.
Je pense sincèrement que Patanjali a mis Ishvara dans son texte à la place de Shiva pour ne pas voir son texte classé parmi tous les autres textes à la gloire de Shiva...
Je remarque aussi qu'il a exclu soigneusement les Yama et Niyama qui parlent de dévotion et de religiosité et cela aussi n'est pas anodin dans sa volonté de signer son texte...


J'ai le regret de vous annoncer que Mithuna ne viendra plus ici nous donner son point de vue sur le texte de Patanjali.
Je tiens à le remercier pour le temps qu'il a donné à ce forum et je regrette sa décision.
Il apportait un point de vue précis par rapport à sa compréhension et mise en pratique de ce texte.
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Yo-guy » 31 mai 2025, 19:22

Bonjour à toutes et à tous,
Tout d’abord, quelques mots personnels. J’ai un peu de mal à raccrocher les wagons de cette étude non pas par désintérêt, bien au contraire.
Et puis, j’apprends ici que Mithuna ne souhaite plus intervenir. J’en suis sincèrement attristé mais je respecte bien sûr sa décision, je suis certain qu’elle est fondée. Je souhaite te remercier, Mithuna, entre autres, pour la profondeur de tes contributions et de ton vécu, la qualité de ta plume, l’amabilité de tes propos vis-à-vis de moi qui reste un piètre contributeur… Tu m’as donné le goût à ces fameux Yoga Sutra ! Tu m’as montré qu’ils étaient vivants et non pas, comme je le croyais alors, un sympathique objet folklorique dont la présence était obligatoire dans tout studio de yoga sans se soucier aucunement de l’écart entre les pratiques de ces studios et ce qui est livré dans ce texte… Ce constat m’empêchait de rentrer dans ce texte… Merci…
Voici donc évoqué ici Ishvara.
Après avoir détaillé une manière d’atteindre le Soi, Patanjali concède qu’il existe une autre voie qui consiste à s’abandonner au Seigneur Suprême (Ishvara).
Je suis troublé car pour moi, ce n’était pas l’un ou l’autre mais l’un et l’autre. L’un (notre « travail ») ne peut que nous amener aux limites du mental et l’autre (par la grâce divine à laquelle l’on s’abandonne) pouvait nous permettre de dépasser cette limitation et à accéder à l’inconcevable. Mithuna semble d’ailleurs lier les deux (ce qui serait ET) mais en distinguant le Seigneur comme objet de conscience et le Seigneur qui serait au-delà d’un objet de conscience (ce qui permet de comprendre ce OU).
Denis évoque la ferveur mais cette fameuse ferveur a été convoquée juste avant (YS 22). Faut-il distinguer une ferveur « dans ce travail » et qui serait celle présente jusque là et une ferveur pour le « Seigneur » qui serait désigné dans YS 23 ? Là, Mithuna semble valider cette hypothèse par l’intransitivité des termes utilisés dans YS 14 et 21 alors qu’il ne l’est plus dans YS 23 qui désigne cette fois-ci Ishvara.
En tout cas, ce Sutra marque un point de bascule, magnifiquement thématisé par Mithuna et qui rend cohérent ce mouvement ou plutôt cette inhibition des mouvements du mental pour laisser apparaître le Maître Intérieur/Extérieur auquel nous nous abandonnons afin de suivre notre voie.
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 02 juin 2025, 11:27

Oui, pour moi, c'est le côté ambiguë de Patanjali...
Toute l'Inde dit que le Yoga est faire le lien entre notre âme individuelle et l'âme Universelle, Dieu.
Tous les maîtres ne disent que cela, de Nisargadatta, en passant pas MaAnanda Moyi, ou Ramana Maharshi, Yogananda et même ce maitre que j'aime beaucoup :

Patanjali pose l'abandon au Seigneur comme une option avec son introduction "Ou bien de l’abandon total au Seigneur suprême."
Comme je l'ai déjà dit, il a aussi supprimé les Yamas et Niyamas qui donnent l'axe religieux dans les pratiques et nous verrons cela plus loin quand on en sera aux Yama et Niyama.
Il nous parle de Ishvara à la place de Shiva...
A bien y regarder il n'existe aucun temps, aucune vision spirituelle dédiée à Ishvara en Inde...
Beaucoup de textes expliquent que Ishvara est l'inclinaison de Shiva vers la création du monde, Ishvara devient alors le "Seigneur du monde" ou une sorte de Dieu personnel.

Nous devons nous questionner sur cet aspect qui me semble très important, voire fondamental dans notre quête personnelle...

Personnellement, j'offre ma vie au Divin, à Dieu !
Pour moi, Dieu n'a pas de forme, pas de nom, il peut s'appeler Dieu, Shiva, Brahman, mais il ne s'appelle pas Ishvara, ni le monde ou l'univers...
Dans cette idée d'offrir sa vie à Dieu, il y a une détermination spéciale, celle de vivre chaque instant comme une offrande, un don de Soi.
Je n'ai pas besoin d'un Dieu personnel, qui risque de m'éloigner de la dévotion, de l'abandon, de l'offrande et de la ferveur à quelque chose justement qui n'est pas personnel, mais absolu.
L'Inde nous parle de mourir à nous même et cette mort est la véritable initiation par laquelle un Yogi doit passer pour atteindre la réalisation spirituelle.
C'est l'unique but du Yoga, qui pour la vision profonde de cette pratique passe par l'éveil de Kundalini (la vraie) celle qui casse tous les chakras et rend l'homme comme un libéré vivant (JivaMukhta), où tout aspect "personnel" est supprimé pour que la Présence Divine règne en maître.
C'est ce que nous ressentons au contact d'êtres réellement réalisés. Cette Présence qui transcende totalement la personne et qui fait que nous ne sommes plus en contact avec une personne, mais l'absolu.
En occident, beaucoup ont de la réticence à accepter le Divin, voire le mot Dieu... Prétextant que Dieu appartient à une religion, ou s'y rattache, et rejetant la religion avec la vision Divine et l'Esprit...
Nous devons faire un travail de décrotter le mot Dieu en nous, car c'est lui que nous devons rencontrer avant de quitter cette existence !
J'utilise le mot "devoir" parce que c'est bien cela, un Devoir !
Alors attention à ces idées de "maitre intérieur"...
Dans certain cas, cela peut devenir une sorte d'attachement encore à une forme, à un aspect personnel et nous éloigner de la possibilité d'accepter de s'abandonner entièrement au divin. Je dis bien "dans certains cas", car le maître intérieur, peut aussi être la parole du Divin qui résonne en nous.
Ce sera donc à nous de faire ce travail de sincérité vis-à-vis de notre quête.
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par amandine » 04 juin 2025, 22:41

Bonjour à vous,
Dans la traduction de Swami Aranya Hariharananda, il n'y a pas de "ou bien", mais le mot "également."

"De la dévotion spéciale à Isvara* également (la concentration devient imminente)." 23.

Quand il commente ses sutras, en parlant de Isvara, il parle de Dieu. Je trouve magnifique ce qu'il écrit:
"Dieu est le plus sublime et possède une excellence insurpassable. En raison de son illumination discriminante éternelle, il possède les attributs éternels de l'omniscience et de l'omniprésence. Nous ne pouvons que conjecturer l'existence de Dieu, mais nous savons d'après les Sastras qu'au début, quelqu'un a proposé la connaissance spirituelle. Des Rsis comme Kapila ont été les premiers enseignants de la religion du salut. Ces Rsis, comme nous le savons d'après les Upanisad, tenaient leur savoir d'Isvara. Les Rsis ont proposé les Sastras ; ceux-ci ont donc été dérivés de Dieu. D'Isvara sont venus les Sastras et des Sastras la connaissance d'Isvara ; ce cycle de cause à effet se poursuit éternellement."
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par Denis » 07 juin 2025, 21:31

Ishvara a une place étrange dans beaucoup de textes et notamment dans les Upanishads...
Buttex donne cette traduction :
2 Ishvara : « Dieu ou Seigneur suprême » - Dieu personnel; aspect relatif et formel de Brahman,
par opposition à son caractère d’Absolu, hors de la manifestation. C'est alors l'aspect personnifié,
anthropomorphique du Saguna Brahman. Ishvara est le Pouvoir suprême, le Maître du
manifesté et du non-manifesté, le Régent cosmique, et il possède les pouvoirs d'omnipotence,
d'omniprésence et d'omniscience. Cf. Bhagavan.

Pour les Rishis, j'ai toujours entendu que Brahman était celui que les Rishi ont entendu...

La Varaha Upanishad dit cela :
II-10-12a. Voici Ma ferme conviction : quiconque a une certitude intime de l'Atman,
le Soi auto-luminescent qui ne repose sur nulle autre base que lui-même, est un
Connaisseur (1). L'univers tout entier, les créatures (Jivas), Ishvara, le Dieu suprême
(2), Maya, la Grande Illusionniste (3), et toutes les autres divinités n'existent pas en
réalité; seul existe Mon Atman en Sa plénitude.

II-53b-54. La création – du plan initial visualisé à la mise en œuvre – des formes
hébergeant les âmes individuelles (Jivas) ainsi que le Dieu suprême manifesté
(Ishvara), est le fait d'Ishvara lui-même; tandis que la création du Samsara, la roue
des naissances et des morts en ce monde, depuis l'état usuel de veille jusqu'à l'état de
libération, est le fait du Jiva lui-même.

II-55. De même, la voie des œuvres – depuis les rites prescrits pour le sacrifice
Trinachiketa (1) jusqu'au Yoga – est fondée par l'illusion d'Ishvara; tandis que la voie
philosophique – depuis l'athéisme du Lokayata (2) jusqu'à l'évolutionnisme du
Samkhya (3) – repose sur l'illusion du Jiva.

II-56. En conséquence, il est déconseillé aux aspirants à la libération de se laisser
prendre la tête par les controverses au sujet du Jiva et d'Ishvara. L'esprit serein,
qu'ils étudient plutôt le principe premier (Tattvas, cf. I-1) de Brahman.


J'adore cette dernière strophe !!!
Haha

Cette strophe est sans appel sur la place d'Ishvara par rapport à Brahman

II-73. En Brahman, qui est Un et sans second, dont la nature essentielle est
Conscience absolue, à qui est étrangère toute différenciation en Jiva, Ishvara (cf. II10-12) et Guru (1), il n'est nulle nescience. Dans ce cas, où donc, en Brahman, se
présenterait l'occasion d'une manifestation de l'univers ? Je suis ce Brahman de
Toute-plénitude.
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Re: Samadhi Pada - Sutra 23-24-25-26 : Le Seigneur Ishvara...

Message par amandine » 08 juin 2025, 17:00

Swami Vivekananda dans son livre Bhakti-yoga a écrit un chapitre sur Isvara. La traduction est tres moyenne (car faite rapidement par Deepl), mais on comprend tout de même bien son propos et ça m'a bien éclairée sur la question.


"QUI EST ISHVARA ? Janmādyasya yatah — « De qui proviennent la naissance, la continuité et la dissolution de l'univers », — Il est Ishvara — « l'Éternel, le Pur, le Toujours Libre, le Tout-Puissant, l'Omniscient, le Tout Miséricordieux, le Maître de tous les maîtres » ; et par-dessus tout, Sa Ishvarah anirvachaniya-premasvarupah — « Il est le Seigneur, de par sa nature même, l'Amour inexprimable ». Ce sont là certainement les définitions d'un Dieu personnel. Y a-t-il donc deux Dieux — le « Ni ceci, ni cela », le Sat-chit-ānanda, l'Existence-Connaissance-Félicité du philosophe, et ce Dieu d'Amour du Bhakta ? Non, c'est le même Sat-chit-ananda qui est aussi le Dieu d'Amour, l'impersonnel et le personnel en un. Il faut toujours comprendre que le Dieu personnel adoré par le Bhakta n'est pas séparé ou différent du Brahman. Tout est Brahman, l'Unique sans second ; seul le Brahman, en tant qu'unité ou absolu, est trop abstrait pour être aimé et adoré ; c'est pourquoi le Bhakta choisit l'aspect relatif du Brahman, c'est-à-dire Ishvara, le Souverain suprême. Pour utiliser une comparaison : Brahman est comme l'argile ou la substance à partir de laquelle une infinité d'objets sont façonnés. En tant qu'argile, ils ne font qu'un, mais leur forme ou leur manifestation les différencie. Avant que chacun d'entre eux ne soit créé, ils existaient tous potentiellement dans l'argile et, bien sûr, ils sont identiques en substance ; mais une fois formés, et tant que la forme demeure, ils sont séparés et différents ; la souris d'argile ne peut jamais devenir un éléphant d'argile, car, en tant que manifestations, seule la forme les rend ce qu'ils sont, bien qu'en tant qu'argile non formée, ils ne fassent qu'un. Ishvara est la manifestation la plus élevée de la Réalité Absolue, ou en d'autres termes, la lecture la plus élevée possible de l'Absolu par l'esprit humain. La création est éternelle, tout comme Ishvara.

Dans le quatrième Pāda du quatrième chapitre de ses Sutras, après avoir énoncé le pouvoir et la connaissance presque infinis dont jouira l'âme libérée après avoir atteint le Moksha, Vyāsa fait remarquer, dans un aphorisme, que personne, cependant, n'obtiendra le pouvoir de créer, de gouverner et de dissoudre l'univers, car ce pouvoir appartient à Dieu seul. En expliquant le Sutra, il est facile pour les commentateurs dualistes de montrer qu'il est impossible pour une âme subordonnée, Jiva, d'avoir le pouvoir infini et l'indépendance totale de Dieu. Le commentateur dualiste Madhvāchārya traite ce passage selon sa méthode habituelle de synthèse en citant un verset du Varāha Purāna.

En expliquant cet aphorisme, le commentateur Rāmānuja dit : « Cette question étant soulevée, à savoir si parmi les pouvoirs des âmes libérées figure ce pouvoir unique du Suprême, c'est-à-dire la création, etc. de l'univers et même la seigneurie de tout, ou si, sans cela, la gloire des libérés consiste uniquement dans la perception directe du Suprême, nous obtenons comme argument ce qui suit : Il est raisonnable que les libérés obtiennent la seigneurie de l'univers, car les Écritures disent : « Il atteint l'égalité extrême avec le Suprême et tous ses désirs sont réalisés. » Or, l'égalité extrême et la réalisation de tous les désirs ne peuvent être atteintes sans le pouvoir unique du Seigneur Suprême, à savoir celui de gouverner l'univers. Par conséquent, pour atteindre la réalisation de tous les désirs et l'extrême similitude avec le Suprême, nous devons tous admettre que les libérés obtiennent le pouvoir de gouverner l'univers tout entier. À cela, nous répondons que les libérés obtiennent tous les pouvoirs sauf celui de gouverner l'univers. Gouverner l'univers, c'est guider la forme, la vie et les désirs de tous les êtres sensibles et non sensibles. Les êtres libérés, dont tout ce qui voile Sa vraie nature a été retiré, ne jouissent que de la perception sans obstacle du Brahman, mais ne possèdent pas le pouvoir de régner sur l'univers. Cela est prouvé par le texte scriptural : « Demandez à Celui de qui toutes ces choses sont nées, par qui tous ceux qui sont nés vivent, vers qui ils retournent après leur départ. C'est Brahman. » Si cette qualité de régner sur l'univers était une qualité commune même aux êtres libérés, alors ce texte ne s'appliquerait pas comme définition de Brahman, le définissant par son règne sur l'univers. Seuls les attributs inhabituels définissent une chose ; c'est pourquoi dans des textes tels que « Mon fils bien-aimé, au commencement, il n'existait que l'Unique, sans second. Celui-ci vit et sentit : « Je donnerai naissance à la multitude. Cela a projeté la chaleur. » — « Brahman existait en effet seul au commencement. Celui-là a évolué. Cela a projeté une forme bénie, le Kshatra. Tous ces dieux sont des Kshatras : Varuna, Soma, Rudra, Parjanya, Yama, Mrityu, Ishāna. » — « Ātman existait seul au commencement ; rien d'autre ne vibrait ; Il pensa à projeter le monde ; Il projeta le monde après. » — « Seul Nārāyana existait ; ni Brahmā, ni Ishāna, ni Dyāvā-Prithivi, ni les étoiles, ni l'eau, ni le feu, ni Soma, ni le soleil. Il ne prenait pas plaisir seul. Après sa méditation, il eut une fille, les dix organes, etc. » — et dans d'autres, comme « Qui vit sur la terre est séparé de la terre, qui vit dans l'Ātman, etc. » — les Shrutis parlent du Suprême comme du sujet de l'œuvre de gouvernement de l'univers. ... Dans ces descriptions de la domination de l'univers, il n'y a pas non plus de place pour l'âme libérée, par laquelle une telle âme pourrait se voir attribuer la domination de l'univers. »

En expliquant le sutra suivant, Rāmānuja dit : « Si vous dites que ce n'est pas le cas, car il existe des textes directs dans les Vedas qui prouvent le contraire, ces textes font référence à la gloire des êtres libérés dans les sphères des divinités subordonnées. » C'est là aussi une solution facile à cette difficulté. Bien que le système de Rāmānuja admette l'unité du tout, il existe, selon lui, des différences éternelles au sein de cette totalité de l'existence. Par conséquent, à toutes fins pratiques, ce système étant également dualiste, il était facile pour Rāmānuja de maintenir une distinction très claire entre l'âme personnelle et le Dieu personnel.

Nous allons maintenant essayer de comprendre ce que le grand représentant de l'école Advaita a à dire à ce sujet. Nous verrons comment le système Advaita préserve intactes toutes les espérances et aspirations du dualiste, tout en proposant sa propre solution au problème, en accord avec la haute destinée de l'humanité divine. Ceux qui aspirent à conserver leur esprit individuel même après la libération et à rester distincts auront amplement l'occasion de réaliser leurs aspirations et de jouir de la bénédiction du Brahman qualifié. Ce sont ceux dont il est question dans le Bhāgavata Purāna : « Ô roi, telles sont les qualités glorieuses du Seigneur que les sages dont le seul plaisir réside dans le Soi, et dont tous les liens ont été brisés, aiment l'Omniprésent d'un amour qui est pour l'amour. » Ce sont ceux dont parlent les Sānkhyas comme se fondant dans la nature au cours de ce cycle, afin qu'après avoir atteint la perfection, ils puissent renaître dans le prochain cycle en tant que seigneurs des systèmes mondiaux. Mais aucun d'entre eux ne devient jamais l'égal de Dieu (Ishvara). Ceux qui atteignent cet état où il n'y a ni création, ni créé, ni créateur, où il n'y a ni connaisseur, ni connaissable, ni connaissance, où il n'y a ni moi, ni toi, ni lui, où il n'y a ni sujet, ni objet, ni relation, « là, qui est vu par qui ? » Ces personnes ont dépassé tout ce qui peut être atteint par les mots ou l'esprit, elles sont parvenues à ce que les Shrutis déclarent comme « ni ceci, ni cela » ; mais pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas atteindre cet état, il restera inévitablement la vision trinitaire du Brahman indifférencié comme nature, âme et soutien interpénétrant des deux — Ishvara. Ainsi, lorsque Prahlāda s'est oublié lui-même, il n'a trouvé ni l'univers ni sa cause ; tout était pour lui un Infini, indifférencié par le nom et la forme ; mais dès qu'il s'est souvenu qu'il était Prahlāda, l'univers s'est présenté devant lui, et avec lui le Seigneur de l'univers — « Le dépositaire d'un nombre infini de qualités bénies. » Il en allait de même pour les Gopis bénies. Tant qu'elles avaient perdu le sens de leur identité personnelle et de leur individualité, elles étaient toutes Krishna, et lorsqu'elles recommençaient à le considérer comme celui qu'il fallait adorer, elles redevenaient des Gopis, et immédiatement

‌तासामाविरभूच्छौरि: स्मयमानमुखाम्बुज:।
पीताम्बरधर: स्रग्वी साक्षान्मन्मथमन्मथ:॥

‌—« Krishna leur apparut, le visage souriant comme un lotus, vêtu d'une robe jaune et paré de guirlandes, incarnation du dieu de l'amour et conquérant (en beauté). »

‌(Bhāgavata)

Revenons maintenant à notre Ācharya Shankara : « Ceux », dit-il, « qui, en adorant le Brahman qualifié, atteignent l'union avec le Souverain suprême, tout en préservant leur propre esprit, leur gloire est-elle limitée ou illimitée ? Ce doute soulevé, nous obtenons comme argument : leur gloire devrait être illimitée en raison des textes scripturaires. « Ils atteignent leur propre royaume », « Tous les dieux lui rendent hommage », « Leurs désirs sont comblés dans tous les mondes ». En réponse à cela, Vyāsa écrit : « Sans le pouvoir de régner sur l'univers. » À l'exception du pouvoir de création, etc. de l'univers, les autres pouvoirs tels que Animā, etc. sont acquis par les libérés. Quant au pouvoir de régner sur l'univers, il appartient à Ishvara, éternellement parfait. Pourquoi ? Parce qu'Il est le sujet de tous les textes scripturaires en ce qui concerne la création, etc., et que les âmes libérées n'y sont mentionnées en aucune façon. Le Seigneur Suprême est en effet le seul à régner sur l'univers. Les textes relatifs à la création, etc. font tous référence à Lui. En outre, l'adjectif « éternellement parfait » est utilisé. Les Écritures disent également que les pouvoirs Animā, etc. des autres proviennent de la recherche et de l'adoration de Dieu. Ils n'ont donc pas leur place dans la gouvernance de l'univers. De plus, comme ils possèdent leur propre esprit, il est possible que leurs volontés diffèrent et que, tandis que l'un désire la création, un autre puisse désirer la destruction. La seule façon d'éviter ce conflit est de subordonner toutes les volontés à une seule volonté. La conclusion est donc que les volontés des êtres libérés dépendent de la volonté du Souverain suprême. »

La bhakti ne peut donc être dirigée vers Brahman que dans son aspect personnel. क्लेशोऽधिकतरस्तेषामव्यक्तासक्तचे तसाम् — « Le chemin est plus difficile pour ceux dont l'esprit est attaché à l'Absolu ! » La bhakti doit suivre sans heurts le courant de notre nature. Il est vrai que nous ne pouvons avoir aucune idée du Brahman qui ne soit anthropomorphique, mais n'en va-t-il pas de même pour tout ce que nous connaissons ? Le plus grand psychologue que le monde ait jamais connu, Bhagavān Kapila, a démontré il y a bien longtemps que la conscience humaine est l'un des éléments qui composent tous les objets de notre perception et de notre conception, tant internes qu'externes. En commençant par notre corps et en remontant jusqu'à Ishvara, nous pouvons voir que chaque objet de notre perception est cette conscience plus quelque chose d'autre, quoi que ce soit ; et ce mélange inévitable est ce que nous considérons habituellement comme la réalité. En effet, c'est et ce sera toujours toute la réalité que l'esprit humain peut connaître. Par conséquent, dire qu'Ishvara est irréel parce qu'il est anthropomorphique est un pur non-sens. Cela ressemble beaucoup à la querelle occidentale sur l'idéalisme et le réalisme, une querelle effrayante qui repose sur un simple jeu de mots autour du mot « réel ». L'idée d'Ishvara couvre tout ce que le mot « réel » a jamais signifié et connoté, et Ishvara est aussi réel que tout autre chose dans l'univers ; après tout, le mot « réel » ne signifie rien de plus que ce qui vient d'être souligné. Telle est notre conception philosophique d'Ishvara. (Swami Vivekananda, Bhakti-yoga, chapitre II, The philosophy of Isvara)
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