Je remet son commentaire sur le livre de Tikhomiroff "le banquet de Shiva" qui donne le ton sur ce qu'il pensait d'un Yoga "véritable" :
Le texte en entier est là : http://pierrefeuga.free.fr/critiquesdelivres.htmlPierre Feuga a écrit :Lorsqu’il passe au volet technique du hatha-yoga, Tikhomiroff se montre beaucoup plus à son aise et nous livre un excellent travail, presque unique dans la littérature contemporaine. Ce qui en fait le prix est l’absence de concessions aux modes actuelles. On entend remonter à la tradition originelle, à ce «yoga violent » des Natha-Yogin, en faisant fi des diverses préoccupations physiologiques, thérapeutiques, diététiques et morales qui encombrent les manuels de hatha-yoga modernes – y compris indiens – et masquent la véritable dimension initiatique et transformatrice (au sens étymologique) de cette discipline. « Concevoir les postures comme une simple gymnastique de bien-être, écrit avec raison l’auteur, comme un moyen de remise en forme ou comme une thérapeutique revient à limiter leur portée. » La séance de postures ne comporte ni préparation ni contre-pose, « invention occidentale imaginée par des pratiquants qui ne voyaient dans l’âsana que des interactions physiologiques et ostéo-articulaires. » Les enchaînements de postures doivent être calculés « par rapport au plan énergétique et non selon des mécanismes de compensations physiologiques. Le yogin cible le ou les cakra sur lesquels il veut ‘travailler’, puis il détermine sa séquence en partant généralement du mûlâdhâra pour remonter de centre en centre ». Dans l’analyse des souffles, des bandha et des mudrâ, sans la combinaison desquels les postures n’ont guère d’efficacité, Tikhomiroff fait preuve de la même compétence et de la même rigueur L’ensemble, mêlé d’une main sûre, et peu encline à la flatterie, donne une pratique d’une grande intensité, qui n’est certes pas à la portée de tous, qui s’affiche même, sans complexe, élitiste, mais qui a au moins le mérite du courage et de la cohérence. Un travail aussi acharné trouvera de lui-même, assurément, sa limite, ou du moins cela est à souhaiter. Poursuivre une perfection corporelle ou « subtile » peut devenir un piège redoutable, dans lequel tombent nombre de yogin : on accroît son pouvoir mais on perd son être et l’on fait payer aux autres, par une dureté soi-disant magistrale, les souffrances que l’on s’est infligées. Le but est oublié (on a pris « le doigt qui montre la Lune pour la Lune »), il ne reste plus que le moyen, la « technique » qui sert d’argument sans réplique à toute contestation… Mais Tikhomiroff ne semble pas ignorer cette déviation fréquente et lui, champion de la volonté et de l’effort, laisse finalement entrouverte la porte de l’abandon, du lâcher-prise. Tout ce que l’on pourrait lui suggérer est qu’il y a des façons plus simples, plus directes et moins harassantes, d’arriver au même résultat.
Pour ceux qu’attire la voie rude, « objective » et terriblement structurée du hatha-yoga, voici en tout cas un ouvrage utile, loin des fantaisies et des fadeurs habituelles. Il aurait encore gagné à être retravaillé, débarrassé de quelques vulgarités superflues (surtout dans la conclusion), de quelques pointes antireligieuses un peu émoussées, illustré aussi de photos plus claires et relu par quelqu’un qui soit moins brouillé avec l’orthographe.
A lire aussi sur cette page le commantaire sur le sublime livre de Jean Papin : Joyau des Tantra ou la Symphonie cosmique