Bhava

Un forum pour échanger et partager librement sur notre recherche spirituelle.

Modérateur : Modérateurs

Répondre
Avatar du membre
prajnaPat
Messages : 815
Enregistré le : 21 oct. 2008, 21:17

Bhava

Message par prajnaPat » 16 mai 2009, 01:19

Je voulais vous faire part d'un extrait de l'ouvrage "la folle et le saint" recommandé par Nadir (merci à lui !) et que je suis en train de lire. Il concerne les états mentaux appelés Bhava qui, dans leurs aspects traditionnels vaishnavites me semblent une bonne description du bhakti yoga. L'auteur du passage qui suit est un psychanaliste indien, Sudhir Kakar.



Traduit littéralement par « sensation », « humeur », bhava dans la pensée mystique vaishnavite signifie un état de l’esprit (et du corps) envahi d’une émotion particulière. D’après les idéaux hindous, la série des bhavas par rapport à Dieu sont décrits comme
  • shanta, la sérénité de la dévotion d’une épouse envers son époux ;
    dasya, la soumission fervente du serviteur ;
    sakhya, l’émotion de l’amitié ;
    vatsalya, le sentiment d’une mère envers son enfant, et
    madhurya, les sentiments passionnés et romantiques d’une femme envers son amant.
Ramakrishna pensait que ce dernier stade, comprenait tous les autres bhava. Parfois, l’idéalisation de l’amant me fait voir l’aimé comme un être infiniment supérieur, qui m’est extérieurement nécessaire comme telos, et à qui je puisse m’abandonner ou obéir dans le dasya.
A d’autres moments, on rencontre l’union satisfaite dans le vatsalya, l’amant comme un bébé au sein, non pas dans l’inertie et le plaisir tranquille du cœur, mais dans la paix d’une voluptueuse absorption. Et à d’autres moments, c’est la tranquillité sereine du shanta, la paix des époux dans l’intimité ineffable, état que le poète sanscrit du VIIIème siècle Bhavabhuti décrit ainsi, quand il évoque Rama et son épouse Sita endormie dans ses bras :

« Cet état où, fondu en une seule personne, on éprouve la joie ou le chagrin, / où le cœur trouve le repos ; où le sentiment ne se dessèche pas avec l’âge / où les dissimulations finissent par disparaître et où l’amour essentiel a mûri. » A côté des contraintes du désir possessif, tous ces bhavas habitent le cœur de l’être érotique de l’homme.

Le mysticisme vaishnavite, parce qu’il est un mysticisme de l’amour, ne considère pas la crainte de Dieu comme un bhava légitime. Aussi ne comporte–t-il pas de sentiment de vénération, d’étrangeté ou de mystère, non plus que des degrés de peur et de crainte gagnés par la terreur et l’effroi. La crainte est peut-être le bhava central de ce que Fromm appelle une religion autoritaire. Mieux, le courant dévotionnel vaishnavite verrait dans la crainte un obstacle à l’effort mystique. La crainte sépare et crée des distances ; elle ne soude ni ne lie.

[…]

J’ai dit que mahabhava et prema sont les états supérieurs, les plus intenses, du bhava, ceux que la plupart des aspirants n’atteignent jamais. Le mahabhava ébranle le corps et l’esprit dans ses fondements mêmes ; Ramakrishna comparait cet état à un immense éléphant qui entrerait dans une petite cabane. A propos de prema, qui autorise les visions du Divin, il utilisait l’analogie d’une corde avec laquelle on est attaché à Dieu. Toutes les fois que l’on désirait un darshan, il suffisait de tirer la corde et Il apparaissait.

En terme psychologique, j’aurais tendance à considérer les bhavas davantage comme des « détendeurs » psychiques qui dégagent l’âme du fourreau narcissique de la routine quotidienne, normale, limitative. Il existe des expériences d’états émotionnels extrêmes qui ont une qualité d’irradiation, où temps et espace ont une tendance à disparaître. Tous autant que nous sommes, nous connaissons ces états à travers notre expérience de l’amour-passion où, à son faîte, la beauté de l’être aimé est toute la beauté, l’amour ne peut être conçu autrement qu’éternel, et où les souvenirs de toutes les amours passées s’obscurcissent avec une telle rapidité qu’on croirait les voir se fondre dans la nuit. Nous connaissons aussi le bhava par notre expérience de la douleur qui, commençant avec une perte définie et partielle, devient à son apogée la perte du monde entier. Le monde devient vide et on a le sentiment d’avoir perdu pour toujours le goût du plaisir. Nous connaissons même la qualité de bhava dans les états de peur extrême quand le plus petit son, le plus petit changement de lumière ou d’ombre, les formes tremblantes des objets dans le noir, tout prend une allure d’extrême menace. La menace devient éternelle, et s’accompagne de la pensée que tout pourrait bien finir.

Le bhava est donc une forme d’expérience faite « avec tout son cœur, toute son âme et toute sa force ». Le bhava emplit totalement le mystique extatique, comme il le fit pour Ramakrishna. Le mystique ne s’y épuise pas ; point n’est besoin de décrire cet état en termes d’illusion ou d’hallucination, travail essentiel de la folie. Dans le bhava, Ramakrishna ravive au contraire le monde en une nouvelle vision, lui découvrant ou plutôt lui conférant de nouvelles beautés et de nouvelles harmonies. Les bhavas animent sa relation avec la nature et les êtres humains, et renforcent son empathie sensible et métaphysique.

Le bhava est donc une expérience créatrice, ou plutôt le fondement de toute créativité - mystique, artistique ou scientifique.


Que dire après ces merveilleuses paroles ? Les idées me viennent en vrac :
  • - Ces descriptions de l'amour sont merveilleuses. J'aurais bien aimé qu'on m'apprenne cela à l'école... mais c'est un autre débat. J'imagine le mystique dans le temple ressentant son amour pour la divinité Mère.
    - Je savais que le sanskrit était une langue dont le vocabulaire décrivant les états mentaux était très riche. En voici une belle illustration
    - L'hindouisme est un océan de nectar
    - Ce que j'ai appelé pendant longtemps spiritualité, c'est la recherche de ces beaux bhava, avec le travail de "nettoyage" du psychisme préalable. Maintenant, j'imagine que le sujet est bien vaste, mais brûler mon Karma et sortir du samsara ne m'attire pas pour l'instant. :mefie:
    - Je ne trouve pas de meilleur description que celle ci-dessus pour décrire mon expérience de la musique. Quand je joue - voir quand j'écoute un disque si je suis dans un état énergétique particulier (en forme, plein de chaleur et d'énergie mais serein, la sensibilité ouverte, et peut-être un verre de vin dans le nez).
l'Immensité
Avatar du membre
Nadir
Messages : 454
Enregistré le : 13 juin 2008, 09:55

Re: Bhava

Message par Nadir » 16 mai 2009, 10:41

Bonjour prajnaPat,

Belle et pure émotion, sentiment intense de Joie partagée, dans la luminosité de cette très belle matinée ensoleillée ...
A la lecture de ton post :D :coeur: MERCI pour Tes Merveilleuses (vapus) Paroles (Vak) ... :roi:

" Si un yogin se fond dans le bonheur incomparable éprouvé à jouir des chants et autres plaisirs sensibles, parce qu'il n'est plus que ce bonheur, (une fois) sa pensée stabilisée, il s'identifiera (complètement) à lui.
VBT. Sl.73 - Abhinavagupta - Traduction Lilian SILBURN.

Abhinavagupta dit encore : " A l'aide de poèmes ou de danses (musiques, théatre, peintures), etc...,l'on s'absorbe dans la saveur esthétique (rasa), et l'on appelle la jouissance esthétique qui en résulte ' plaisir esthétique, félicité, repos dans l'essence su sujet connaissant ' ( rasanâ, carvanâ, nirvriti, pramâtritâvishrânti). Le coeur, ou prise de conscience de Soi (parâmarsha), en est le facteur prépondérant.
Si la conscience de soi (vimarsha) y brille clairement, par contre la lumière consciente (prakâsha) n'y paraît pas en évidence; en effet bien qu'on supprime l'écran qui obscurcit la vision de la Réalité, néanmoins les tendances résiduelles inconscientes (samskara) font (encore) obstacle à la manifestation de cette Lumière. C'est pourquoi la jouissance artistique nous donne un aperçu de la joie propre au sujet conscient mais ne la révèle pas dans tout son éclat (tejas) comme le fait la félicité mystique (sukha).
:smile: :smile:



Je viens donc de rechercher sur un autre site ( Glossaire - 108 Upanishad ) la/les propositions de définition pour ce terme : Bhava

BHAVA = " En devenir ", de la racine 'bhu' ou 'bhvah' , exister, devenir.

1) La manière d'être, le mode d'existence, le devenir, le développement;

2) Subjectivité, sentiment, disposition intérieure;

3) Vie affective, émotions, le plus haut degré de la 'Bhakti' où état de réalisation par la voie de l'émotion et du sentiment;

4) Sensibilité esthétique, en poétique : sentiment, humeur, ambiance ;

5) Aspect bienveillant de SHIVA .


BHAVANI = " La Dispensatrice de l' Existence " :
L'un des noms de la Grande Déesse, en tant qu'épouse de Shiva-Bhava. On la nomme aussi " Karunawarupini " -> Emplie de Compassion, elle assure le Bien-être de ses fidèles.
Dans le Tantrisme, Bhavani est synonyme de " Parashakti " ou " Mahashakti " , la Puissance Suprême .
Dans le Kundalini Yoga, elle tient un rôle central et on trouve dans le Rudrâyamala Tantra, une Litanie-mantra des 1 000 noms de la Déesse Bhavani .
Comme toutes les divinités du Panthéon hindou, elle présente également un aspect terrible, mentionné dans un but propitiatoire.



" Qui dit SHIVA, dit TANTRA "

Bhâva, Bhâvani, Bhâvanâ, Bhâvanam ...

Traduction de Lilian SILBURN dans " Le Vijñâna Bhairava "
dans l'index Sanskrit ( p 214) :


-> Bhâva = modalité du devenir, objet sl. 61-62. Modalité suprême, réalité universelle dévoilée par bhâvanâ
Bhâva est une chose réalisée, une actualité que réalise un Acte éminemment réalisateur
(bhâvanâ) Sl. 124, 145.

-> Bhâvanâ = réalisation mystique, contemplation Sl. 20, 39, 62,145, 151. ( Explication du terme p.29 à 35,51,57 )
Conviction. Evocation puissante de l'imagination, son élan Sl. 47


" La réalité bhairavienne à partout (son) domaine y compris chez les gens du commun. Et l'homme qui prend conscience (de ceci) :" rien n'existe qui en soit distinct ", accède à la condition Sans-second.
VBT Sl. 124.

Bonne journée, très bonnes lectures et je te souhaite plein de réalisations dans la ' voie de l'énergie ' (shaktopâya)... :wink:
Celui qui pratique connait. Il devient respecté de moi. Cette connaissance impénétrable à la parole et à la pensée est à obtenir seulement par la pratique.
~ Shiva Samhita ~
Avatar du membre
prajnaPat
Messages : 815
Enregistré le : 21 oct. 2008, 21:17

Re: Bhava

Message par prajnaPat » 18 mai 2009, 20:40

Nadir a écrit :Belle et pure émotion, sentiment intense de Joie partagée
Oui, c'est le but ! Je suis content que cela ait pu "toucher" quelqu'un.
C'est mieux de partager cela que de le vivre seul.
Mais je trouve ce terme de Bhava vraiment puissant, il n'y a pas d'équivalent en français...

Tu t'es mis au sanskrit ou je me trompe ?

Nadir a écrit : la jouissance artistique nous donne un aperçu de la joie propre au sujet conscient mais ne la révèle pas dans tout son éclat (tejas) comme le fait la félicité mystique (sukha).
Sans doute, sans doute, voilà une bonne mise au point.
Mais pour l'instant c'est ce que je connais de mieux, et j'ai d'autres préoccupations que d'essayer d'aller plus haut.
D'ailleurs, j'aurais un peu peur pour ma santé mentale, Ramakrishna est passé par des périodes qu'il décrit lui-même comme des périodes de folie, avant d'apprendre à se canaliser avec des pratiques issues du yoga. Donc, tant mieux si le bhava de la jouissance esthétique ne permet d'aller aussi haut que le bhava du bhakti yoga. Bhakti que je ne suis pour rien au monde. Donc, en quelques sortes, me voilà rassuré !

Mais toi qui doit connaître la félicité mystique et sans doute aussi la jouissance artistique, je te fais confiance si tu me dis que le premier est plus fort que le second.



Nadir a écrit :Abhinavagupta dit encore : "A l'aide de poèmes ou de danses (musiques, théatre, peintures), etc..., l'on s'absorbe dans la saveur esthétique (rasa), et l'on appelle la jouissance esthétique qui en résulte ' plaisir esthétique, félicité, repos dans l'essence du sujet connaissant ' ( rasanâ, carvanâ, nirvriti, pramâtritâvishrânti).
Je ne comprends pas trop, nirvriti, cela veut dire "sans vriti", sans fluctuation du mental. Ca peut correspondre au plaisir de la vue d'une sculpture, d'un tableau, d'un paysage, d'un visage, puisqu'il y a absorption dans une forme donnée, mais la musique, la danse, ou la poésie... c'est dynamique. Quoiqu'il y ait un "mood" lié au style, au morceau, qui perdure et dans lequel on s'immerge effectivement...

Il y a une autre nuance, c'est que le sentiment intérieur est généralement beaucoup plus fort quand on joue de la musique que lorsqu'on en écoute. Tout ceux qui ont écrit des poèmes un jour ont dû s'en rendre compte ; on essaie de mettre sur le papier une intensité intérieure, ce qui en même temps, donne forme à cette intensité - mais il arrive souvent qu'à la relecture, ce sentiment ne puisse revenir. Avec la musique, il suffit de commencer à jouer pour que l'intensité revienne, c'est la magie du son :)
Enfin, tout ça pour dire qu'il y a jouissance esthétique et jouissance esthétique, différent degrés d'intensité


Nadir a écrit :Le coeur, ou prise de conscience de Soi (parâmarsha), en est le facteur prépondérant.
Cette dernière phrase est assez reversante...
Ca me rappelle mes premières grandes émotions avec la musique, mes goûts ont un peu évolués depuis, mais à l'époque quand j'avais écouté des morceaux des vieux albums de Pat Metheny, genre "icefire" (écoutable sous deezer), j'y avais trouvé une telle adéquation entre l'esthétique du morceau et ma propre sensibilité (je sais pas, le son, l'atmosphère, le phrasé, l'harmonie), que j'avais été vraiment submergé par l'émotion ; et j'avais l'impression d'y retrouver comme une partie de moi-même que je cherchais, comme si je retournais sur ma terre natale. Et comme si ce plaisir là était une sorte d'expression de ce qu'il y avait de plus personnel, de plus profond, en moi-même. Je sais pas si c'est que veux dire Abhinavagupta ici...

Ou alors, il veut dire qu'il faut reconnaître cette émotion comme étant le Soi lui-même, je veux dire Shiva uni à Shakti. Il me semble pourtant qu'on est loin de paramShiva dans le cas présent...

Comment comprends-tu le terme parâmarsha ?
l'Immensité
Avatar du membre
Denis
Site Admin
Site Admin
Messages : 14368
Enregistré le : 23 juil. 2004, 19:19

Re: Bhava

Message par Denis » 19 mai 2009, 08:57

Mais je trouve ce terme de Bhava vraiment puissant, il n'y a pas d'équivalent en français...
Si, il y a un mot qui porte loin, très loin, c'est : "invocation"...
Bhavana, qui est la clé de la voie Shaktopayadu tantrisme cachemirien.
On trouve aussi l'idée de subjugation, sublimation ... :wink:
Je ne comprends pas trop, nirvriti, cela veut dire "sans vriti", sans fluctuation du mental. Ca peut correspondre au plaisir de la vue d'une sculpture, d'un tableau, d'un paysage, d'un visage, puisqu'il y a absorption dans une forme donnée, mais la musique, la danse, ou la poésie... c'est dynamique. Quoiqu'il y ait un "mood" lié au style, au morceau, qui perdure et dans lequel on s'immerge effectivement...
Il y a vritti car le mental est en mouvement, tu restes alors celle qui écoute un son grâce au sens de l'ouïe...
Les trois objets sont là, tu réagis avec tes connaissances, tes mémoires, te sensibilités, tout ce qui fait ton égo, ton personnage dans son histoire...
Et alors tu arrives à cela :
Ca me rappelle mes premières grandes émotions avec la musique, mes goûts ont un peu évolués depuis...
Voila la notion d'évolution en place, elle est bien liée au temps, à l'espace, à ton histoire...
Une autre personne au même endroit ne vivra pas la même chose...
Ou alors, il veut dire qu'il faut reconnaître cette émotion comme étant le Soi lui-même, je veux dire Shiva uni à Shakti. Il me semble pourtant qu'on est loin de paramShiva dans le cas présent...
Le Soi, est bien au-delà de notre personnage, de nos émotions, de notre histoire, culture, réactions...
Alors oui, le sentiment esthétique à une fonction spirituelle, celle d'être un tremplin, comme finalement toute chose qui met en place en nous des énergies fortes (amour, haine, violence, plaisir, souffrance, humilité, adversité,...) et là au lieu de partir dans l'émotions ou un comportement X ou Y lié au type d'énergie mise en place, il faut que la conscience "indivise" apparaisse et prenne tout, car elle ne peut que régner en maitre absolu, sinon elle n'apparait pas...
Alors l'immobilité totale apparait, le vide se crée et ....
La suite est dans le premier post de cette discussion : Saktopaya
Dieu nous donne ce dont il veut qu'on se serve, pour aller vers lui.
Cours de Yoga en live et étude de textes en live avec zoom
Avatar du membre
prajnaPat
Messages : 815
Enregistré le : 21 oct. 2008, 21:17

Re: Bhava

Message par prajnaPat » 19 mai 2009, 10:12

Denis a écrit :Si, il y a un mot qui porte loin, très loin, c'est : "invocation"...
Oui, je m'étais fait la réflexion, en pensant aux bouddhistes tibétains qui décrivent la conscience comme un prisme qui prend la couleur du tissu sur lequel on le pose. Alors la concentration (yidam) sur une divinité ou sur un bodhisattva, permet d'identifier la conscience avec cette divinité. En gros, une divinité est vue comme une forme de conscience et d'énergie particulière que nous pouvons expérimenter directement. Comme ce n'est pas un simple reflet de la divinité qui apparait en nous mais bien la divinité elle-même, on peut parler d'invocation.

Dans le texte du Sâktopâya, on décrit cela ainsi :
Le yogin ne s’ancre plus dans le concret immédiat, mais travaille sur un concept ou une image (vikalpa) qu’il purifie en le portant à son paroxysme jusqu’à ce qu’un seul vikalpa finisse par absorber exclusivement son attention
Par contre, à moins d'être mystique ou né en Inde, je ne vois pas comment il est possible d'éprouver des énergies fortes, je veux dire au niveau du coeur, en pensant à une divinité. En tout cas, pour moi, c'est complètement impossible. Si je contemple une image de Siva ou de Kali, voir même Sarasvati, je ne vais rien ressentir du tout, je crois que le décalage culturel est trop grand. Par contre, les objets artistiques, ou... certaines jeunes femmes...
Enfin, voilà pourquoi ce terme de bhava et surtout la description très claire donnée au-dessus m'a beaucoup plus parlé que celui d'invocation.



Denis a écrit :Il y a vritti car le mental est en mouvement, tu restes alors celle qui écoute un son grâce au sens de l'ouïe...
Oui, je suis d'accord avec toi, mais le texte d'Abhinavagupta parle de nirvriti :
Abhivanagupta a écrit :On appelle la jouissance esthétique qui en résulte ' plaisir esthétique, félicité, repos dans l'essence su sujet connaissant ' ( rasanâ, carvanâ, nirvriti, pramâtritâvishrânti). Le coeur, ou prise de conscience de Soi (parâmarsha), en est le facteur prépondérant.
Mais peut-être qu'il parle de l'étape suivante du Sâktopâya :
Puis le yogin s’absorbe dans l’énergie prise à sa source qu’il vient de susciter de manières diverses, tandis que les limites et structures de sa personnalité s’effondrent brusquement (seconde étape, absorption, laya).
Ou encore des suivantes, il y en a 5 au total si j'ai bien compté.




Denis a écrit :Le Soi, est bien au-delà de notre personnage, de nos émotions, de notre histoire, culture, réactions...
Oui bien sûr, mais il y a quelque chose d'universel dans l'émotion elle-même. C'est je pense ce qui est dit ici (un autre extrait du texte décrivant le Sâktopâya) :
L’énergie dont il fait preuve n’est autre que l’énergie à la forme primitive, saisie en la nudité de son acte, encore profondément immergée dans la félicité et dans la conscience indivises, celles du pur sujet illimité [...] Ainsi, à l’aide de la seule énergie que son évocation éveille et sans effort corporel ou mental, le yogin entre en contact avec l’énergie très pure et indifférenciée de sa conscience..


Denis a écrit :Alors oui, le sentiment esthétique à une fonction spirituelle, celle d'être un tremplin, comme finalement toute chose qui met en place en nous des énergies fortes (amour, haine, violence, plaisir, souffrance, humilité, adversité,...)
Là encore, il y a quelques subtilités.

Je crois que de tous les sentiments que tu as listés, le plaisir esthétique est peut-être le seul qui conduit naturellement à l'immobilité et à l'intériorité, les autres conduisent plutôt à l'action et vers l'extérieur - mise à part l'humilité, mais je n'associe pas beaucoup d'énergie à ce sentiment là.

Et c'est le sentiment qui provoque le plus de plénitude, le plaisir le plus beau. Les autres sont plus "agressifs", il n'épuise pas, il nourrit. Enfin, c'est sans doute une affaire de personnalité.

Un autre aspect du sentiment esthétique, c'est qu'on peut travailler dessus et le faire grandir, les autres me paraissent plus liés aux hasards de la vie et font naître des réactions assez animales.
l'Immensité
Avatar du membre
Denis
Site Admin
Site Admin
Messages : 14368
Enregistré le : 23 juil. 2004, 19:19

Re: Bhava

Message par Denis » 19 mai 2009, 21:56

Je crois que de tous les sentiments que tu as listés, le plaisir esthétique est peut-être le seul qui conduit naturellement à l'immobilité et à l'intériorité, les autres conduisent plutôt à l'action et vers l'extérieur - mise à part l'humilité, mais je n'associe pas beaucoup d'énergie à ce sentiment là.
Non, je ne crois pas, chaque source d'energie emporte la conscience vers un exutoire et seul celui qui sait orienter son énergie vers la conscience peut arriver à quelque chose de l'ordre de la méditation.
La violence (énergie de type feu) pousse à la cruauté et aux actes violents
L'amour à l'amour de la vie, à la complaisance
L'humilité à un comportement renfermé, timide
Le Plaisir à la jouissance
La souffrance à la douleur...

La relation avec l'ethétisme pousse vers une sorte de jouissance....

Il faut donc bien avoir une démarche particulière pour réorienter ses énergies vers la conscience et cela est bien vimarsha, la prise de consience en acte, c'est elle qui conduit à Prakasha (la lumière, la conscience), sinon l'énergie va trouver un exutoire "physique", manifesté...



Denis a écrit : Le Soi, est bien au-delà de notre personnage, de nos émotions, de notre histoire, culture, réactions...
Oui bien sûr, mais il y a quelque chose d'universel dans l'émotion elle-même. C'est je pense ce qui est dit ici (un autre extrait du texte décrivant le Sâktopâya) :
Citer:
L’énergie dont il fait preuve n’est autre que l’énergie à la forme primitive, saisie en la nudité de son acte, encore profondément immergée dans la félicité et dans la conscience indivises, celles du pur sujet illimité [...] Ainsi, à l’aide de la seule énergie que son évocation éveille et sans effort corporel ou mental, le yogin entre en contact avec l’énergie très pure et indifférenciée de sa conscience..
Oui, c'est bien cela !
L'énergie prise en sa nudité, bien avant qu'elle ne prenne une forme et se manifeste et pour réaliser cela, c'est bien une prise de conscience intense dans l'instant même où née cette énergie, suscité par n'importe quoi ! :wink:
Dieu nous donne ce dont il veut qu'on se serve, pour aller vers lui.
Cours de Yoga en live et étude de textes en live avec zoom
Avatar du membre
Miche
Messages : 208
Enregistré le : 30 avr. 2008, 07:22

Re: Bhava

Message par Miche » 20 mai 2009, 05:27

Denis a écrit :
La violence (énergie de type feu) pousse à la cruauté et aux actes violents
L'amour à l'amour de la vie, à la complaisance
L'humilité à un comportement renfermé, timide
Le Plaisir à la jouissance
La souffrance à la douleur...

La relation avec l'ethétisme pousse vers une sorte de jouissance....
Je pense que tu parles là, de l’amour, l’humilité, la souffrance, etc. comme l’humain en proie aux incohérences les pratique.
Les mots ne font que désigner du doigt, ils ne sont pas la chose, pour autant on ne saurait limiter ceux là à ce que tu en dis.
Par exemple, l’humilité non revendiquée est à mon sens, la marque d’un esprit qui a dépassé l’arrogance égotique.
La souffrance fait parti du processus de la vie, qu’elle soit physique ou psychique.
L'esthétisme n'est autre que l'harmonie du vivant.

/
Avatar du membre
Denis
Site Admin
Site Admin
Messages : 14368
Enregistré le : 23 juil. 2004, 19:19

Re: Bhava

Message par Denis » 20 mai 2009, 08:07

Les mots ne font que désigner du doigt, ils ne sont pas la chose, pour autant on ne saurait limiter ceux là à ce que tu en dis.
Par exemple, l’humilité non revendiquée est à mon sens, la marque d’un esprit qui a dépassé l’arrogance égotique.
La souffrance fait parti du processus de la vie, qu’elle soit physique ou psychique.
L'esthétisme n'est autre que l'harmonie du vivant.
Oui et alors ? :?

"la souffrance fait partie du processus de la vie", je suis totalement d'accord avec toi...
Pour qu'elle se manifeste il faut une énergie, par exemple celle d'une blessure, ou celle psychologique, mais il y a bien une énergie...
Cette énergie très particulière va engendrer par culture et habitude la souffrance...
Mais on peut en faire autre chose.
Certains on la capacité de bloquer la souffrance et la douleur n'apparait pas.
Mais le Yogi lui va tenter de prendre cette énergie à sa source indivise et saisir là (par la prise de conscience) une chance d'entrer en contact avec l’énergie très pure et indifférenciée de sa conscience... Alors le plaisir ou la douleur n'auront certainement plus la possibilité de se manifester et d'ailleurs cela n'a plus aucune importance pour celui qui s'est abimé dans la conscience indivise...
Dieu nous donne ce dont il veut qu'on se serve, pour aller vers lui.
Cours de Yoga en live et étude de textes en live avec zoom
Répondre