La détente dont tu parles n'est finalement pas un objectif à atteindre, elle est une conséquence d'une bonne "compréhension" de l'oeuvre, au plus près des intentions musicales qu'a eu un compositeur quand il a écrit son oeuvre.
Hmm, je n'en suis pas certain. Il est tout à fait possible de bien comprendre une oeuvre, mais de ne pas parvenir physiquement à la mener. La crispation dans le jeu pianistique est une réaction naturelle. Lorsqu'on est face, dans la vie courante, à une difficulté, automatiquement on a le réflexe de se crisper, afin de solliciter le maximum de notre corps. C'est un vieux conditionnement face au danger, un héritage de l'espèce en quelque sorte.
Je pense aussi que la compréhension de l'oeuvre passe par le physique. Physiquement on ressent la musique en soi. Afin de pouvoir accueillir en soi l'inspiration, il est important de se libérer des tensions. Lizst en parle d'ailleurs déjà. Il disait qu'il fallait devenir un peu comme un canal. L'énergie viendrait donc, selon lui, par le haut de la tête pour finir dans les mains. Sans pour autant aller trop loin dans un certain mysticisme, je pense que la notion qu'évoque Liszt est intéressante. Il amène cette idée de se libérer des tensions.
Lorsqu'on est amené à jouer des passages rapides, il est important pour avoir un jeu bien fluide, de rester souple dans les mains. Laisser couler en quelque sorte. Pour aller vite, il ne s'agit pas de se dépêcher, mais d'enlever les freins. Pour réussir un trait rapide parfaitement, il est donc important d'être dans une détente dynamique, de prendre le temps de jouer chaque note (même si ça parait paradoxal, car si on se presse dans sa tête, le geste ne pourra pas se faire correctement). Le souffle est important aussi, car on a tendance, lorsqu'on fait un effort, de jouer en apnée. Ce sont autant de signes qui annoncent la crispation.
Je ne pense pas que comprendre mentalement une oeuvre permette d'atteindre la détente. La conscience corporelle est primordiale. Maintenant, on est d'accord aussi sur le fait que si on ne comprend pas une oeuvre, la détente ne va pas aider à bien la jouer.
Mais je pense que d'un autre côté tu as raison, dans le sens où lorsqu'on sent intérieurement une oeuvre, alors le geste suit l'intention. Mais là encore, je crois qu'il est important de se dire que l'intention ne peut se traduire dans le geste, uniquement si on parvient à se détendre et à laisser "couler" l'intention dans le corps. C'est parfois aller dans un jeu spontané et non-prémédité.
Au fond, lorsque le caractère d'un morceau est ressenti au départ, la technique peut "s'incarner" naturellement, parfois comme une seconde nature.
Oui. La technique doit au final être dépassée et devenir une seconde nature. Le jeu devient alors aisé. Je dis souvent aussi à mes élèves que lorsqu'on "possède" bien un morceau, on se sent physiquement bien dedans. La notion d'effort disparait. On se sent alors porté par une énergie, porté par la musique.