Samadhi Pada - Sutra 18 : Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mentale...

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Denis
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Samadhi Pada - Sutra 18 : Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mentale...

Message par Denis » 08 févr. 2025, 13:18

Nous voila revenu de vacances, on continue !

Yoga Sutra de Patanjali : Sutra 18 a écrit : Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mentale et où subsistent seulement les impressions résiduelles.
virāma-pratyaya-abhyāsa-pūrvaḥ saṁskāra-śeṣo-‘nyaḥ
viraama = arrêter, bloquer
pratyaya = Objet de concentration en méditation, impressions conscientes, graines internes.
abhyaasa = pratique cohérente
poorvah = passé
samskaara = impressions
sesa = rester, restes
anyah = autre

L'arrêt total de l'activité du mental...
Si Manas s'arrête, alors il ne reste plus qu'Ahamkara (l'ego) et Buddhi (l'intelligence) et surtout la Présence...
Bien sûr, l'arrêt total du mental n'est pas simple à réaliser, si on parle d'arrêter le mental pour un long moment, voir pour sa vie.
Sinon, il est possible d'arrêter son mental pour quelques instants, mais est-ce que cela aura un effet profondément transformateur, j'en doute.
Certes, tout est question de nuances, et savoir déjà partir dans la vacuité est une bonne chose, puis après la vacuité, où il ne faut pas rester, il y a anakhya, le vide vibrant, bien plus positif que la simple vacuité qui devient morne au bout d'un certain temps...
Une pratique continue, pleine de ferveur et de connexion avec l'absolu, peut nous amener à cet arrêt du mental pour un long moment, voir pour notre vie.
Dans cet état, de l'Asamprajnaata Samaadhis, seules les impressions résiduelles, c'est-à-dire les impressions énergétiques du passé, avec celles des vies précédentes, restent présentent dans nos corps d'énergie, mais si le mental est arrêté, elles resteront sous forme de semence qui ne pourront pas se manifester.

Le terme pratyaya est vaste et se retrouve par exemple dans le Yoga Nidra. Il prend la forme d'une pensée unique, positive (qui n'utilise pas de négation), affirmative, comme par exemple : "Je suis en pleine santé ! ". On doit le répéter 3 fois au moment où on plonge dans la zone alpha, afin de venir ensemencer notre seconde attention et que ce pratyaya devienne une injonction pour notre vie.
Dans le sutra 18, il nous parle des impressions du passé, des graines karmiques qui attendent le bon moment, l'instant propice pour se développer et engendrer des actions (karma) que nous maitrisons mal...
Pour arrêter le mental, paradoxalement, on peut prendre un pratyaya, sorte d'ekagrata, c'est-à-dire plus qu'une seule pensée, qui devient obnubilante. Cette focalisation parfaite sur une seule pensée pourra bloquer toutes les autres pensées, et ainsi si on médite sur un objet ou un concept, il deviendra la dernière chose présente dans le mental avant, elle aussi, de disparaitre et de laisser place au Samadhi...
La ferveur, l'amour pour le divin la saveur de ces états peuvent vraiment nous permettre d'arrêter le mental et de connaitre l'Asamprajnaata Samaadhi.
Mithuna
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Re: Samadhi Pada - Sutra 18 : 18. Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mental

Message par Mithuna » 11 févr. 2025, 11:17

Dés lors que nous passons d'une aspiration sincère à une volonté de nous mettre en route vers le but, quelle que soit notre vision de ce but, il y a à un certain moment une prise de conscience que pour passer d'une représentation "divine"- sans dénier l'importance inspiratrice, la beauté et l'effusion qu'elle procure – à une forme "d'union" ou "d'installation" (YS 1.3), il est nécessaire d'évoluer dans notre relation avec cette représentation. Si nous persévérons et que notre désir d'Union ou de Délivrance s'encre plus profondément il arrive fatalement un stade où nous comprenons que ce n'est plus cette représentation mais nous en tant que sujet qui devons changer, pour que la "vision" devienne "fusion" et que "l'inhibition" devienne "libération". Ce qui nous sépare de cette plénitude entre aperçue est bel et bien ce que nous sommes, dans notre profondeur et notre rapport à nous-même, aux autres, au Divin.
Lorsque Mircea Eliade proposera le néologisme "Enstase" pour Samadhi, il exprimera deux choses, d'abord avec "En" une notion de "Retournement" de la "Conscience - sujet" vers elle-même en se détournant des phénomènes qui animent son extériorité et une notion d'arrêt, de Stase. Là où toute extase est encore "transport" vers une externalité si noble soit elle, l'enstase se détourne du "spectacle" (YS 1.4) pour contempler sa "propre forme" (YS 1.3). Vient ensuite le mot "stase" : en latin sto est un verbe intransitif donc sans objet (ce qui caractérise bien le Samadhi sans support), comme l'est la vision du Drastr – installé dans sa propre forme – (YS 1.3) avec trois significations : se tenir debout, se tenir immobile et enfin se tenir solidement ferme.
Ainsi la première notion de verticalité évoquera une transcendance, une différence de nature radicale avec toutes les formes et les trains de conscience constitutifs de notre externalité. La seconde notion d'Immobilité répondra sur un plan supérieur à l'arrêt des modifications de la conscience (YS 1.2).
Enfin la troisième notion "se tenir solidement ferme" nous amène à nous rapprocher de l'étymologie du mot Samadhi qui signifie rassembler (Sama ensemble- dha placer). Il y a donc ici l'idée de "rassembler ce qui est épars" dira la Maçonnerie Occidentale, de reconstituer une forme d'unité fragmentée. Si nous avons suivi la cohérence des YS nous comprendrons que ce qui est épars c'est "la demeure du Drastr" (YS 1.3) fragmentée par les projections de conscience (YS 1.4). Il est bien question ici de résoudre les dynamiques opposées des deux flux d'énergie évoqués au Sutra 12, l'un centrifuge vers la multiplicité foisonnante de la manifestation, l'autre centripète vers la pure Conscience du Drastr. Dans l'expérience spirituelle chrétienne Plotin évoquera quant à lui la "Procession " fragmentation de l'Un qui sera résorbée par la "Conversion" ramenant vers la réintégration dans l" Un, non l'Un indifférencié des origines mais un "Un" recomposé et conscient au sein même de la dynamique Divine, recomposition faisant écho au terme Samadhi "rassembler".
Ainsi ces sutras 17 et 18 marquent dans ce premier chapitre (le Samadhi Pada) un point de bascule. Si les sutras précédents décrivent des phases préparatoires, un inventaire de nos strates de conscience, des entités qui les peuplent et les animent, ainsi que des moyens d'en résorber les transformations, ici avec les Samadhis nous abordons non plus la transformation du spectacle mais celle du spectateur lui-même.
Les différentes "enstases" constituent donc des étapes d'une transformation continue de ce que nous sommes dans notre intégralité à travers des phases successives de "dissolution" des couches perceptives qui nous constituent et de "coagulation" de formes spirituelles de plus en plus subtiles que sont les enstases avec et sans support. Le processus de transformation décrit dans cette nouvelle phase des Ys concerne donc moins nos représentations, nos "formes de conscience" que notre façon "d'être dans ces représentations". Si la finalité de ces "enstases" successives est de nous changer profondément dans notre conscience et au-delà dans nos pensées, nos émotions et notre façon d'habiter notre corps, nous comprenons à la fois pourquoi son origine ne peut se situer dans un des trains de conscience qui sont partie prenante du spectacle (y compris nos efforts), mais aussi combien il est important de respecter les phases préliminaires décrites dans les sutras précédents, pour éviter que des "rémanences" persistantes, des "contenus de mémoire" réactifs contrarient cette métamorphose.
Lorsque nous nous efforçons de décrire ou de lire la description de telles enstases, il demeure essentiel de distinguer l'enstase elle-même qui est "absence de pensées" de notre appréhension formelle et de sa mémorisation. Un autre risque sera de faire de cet état "d'absence de pensée" un nouveau contenu de conscience, une représentation du "Vide" ou du "rien" (dont l'étymologie latine res la chose est éloquente).
Ainsi dans mon vécu une enstase "sans support" se manifeste d'abord par une forme de résorption profonde de repères avérés jusqu'alors. Ce stade est un épisode "nocturne" : je perçois une Présence intense "au-delà du voile" à la fois étrangère et familière qui répond à une dissolution de contenus mentaux par un sentiment profond de plénitude. Il s'agit bien de la continuité de "l'intuition du Soi" du Sutra précédent YS 1.16 qui est une forme de préparation, un passage par le "Pronaos" avant d'accéder au "Naos" qui est "la Forme du Drastr" Ys 1.3. Ma conscience actuelle ne peut encore recevoir cette Présence, ces nouvelles formes de conscience qui en forment l'apparence, mais elle pressent ce qu'elles annoncent et se "retire" pour les accueillir. Cet épisode est "bouleversant" et "enthousiasmant" : une immense reconnaissance (à la fois gratitude et reconnaissance de ce qui avait été fragmenté, oublié) s'accompagne d'une humilité profonde dans le ressenti de cette Présence qui me contient en m'engendrant. En réalité reconnaissance et humilité sont deux aspects conjoints d'un sentiment unique.
Reconnaissance de la gratuité de ce "Don", Gratitude, qui si dans un premier temps peut concerner telle ou telle forme d'un aspect du Divin, Mon Maitre spirituel, devient rapidement globale, sans objet car elle m'emplit complétement, sa gratuité même la différenciant de la pénibilité/non pénibilité des contenus "personnels" de conscience (YS 1.5).
Humilité parce que je sais que ce que je vis ne dépend pas de moi, de mes "mérites" ou même de mon "travail spirituel" car sa Nature est Autre. Humilité à la fois par la proximité, l'intimité de la Présence que par la prise de conscience du chemin que je pressens moins devant moi, qu'en moi, moins dans mon temps personnel que dans un temps spirituel.
Car un tel état s'accompagne d'une émergence d'un "Temps" nouveau, d'une forme de "solution" du temps projeté, mécanique, représentation enfantée par mes désirs personnels ou spirituels, ruban perforé sur lequel se gravent mes trains de conscience, temps qui est à l'évidence un contenu de conscience dans lequel je cherche à canaliser le fleuve irrésistible du Devenir. Dans la Présence je ressens le Présent : il y a bien ici une "stase" intérieure au sens où mes phénomènes intérieurs sont suspendus mais simultanément le ressenti d'une dynamique intérieure inclusive qui me permet d'entrevoir un instant le chemin non extérieur à moi mais en moi. Il y a donc un "rassemblement" un "recentrage" d'un temps fragmenté, non plus comme une mécanique extérieure contraignante mais comme une impulsion libératrice.
Dans certains cas cette "enstase" n'implique aucune émergence immédiate de contenus de conscience nouveaux : si je ne perçois pas immédiatement de changements dans le paysage, je sais intimement que mon chemin se trouve renouvelé. Dans d'autres cas une deuxième phase de nouveaux contenus de conscience commence à filtrer "à travers le voile". La nuit est toujours là, je ne distingue pas encore le nouveau paysage, mais l'aube s'annonce par une multitude de signes imperceptibles. Je ressens comme un nouvel univers mais ma conscience ne peut encore le "comprendre": il s'agit d'un état enthousiasmant, une attente certaine d'un nouveau jour, une phase d'éveil avec la certitude d'un changement réel.
Ces deux phases peuvent être jointes ou disjointes, se manifester durant ma méditation ou mes activités quotidiennes, en tout cas elles n'ont rien à voir avec ma ou mes pratiques spirituelles. Je ne les appelle ni les invoque, elles s'imposent.
Mais je sais qu'un changement profond s'est opéré en moi; un nouveau paysage intérieur comme extérieur se dévoile. Parfois succédant rapidement aux phases précédentes, parfois longtemps après, me laissant dans une forme "D'attente heureuse". Je suis ainsi passé d'un état de dissolution des formes anciennes (sans support) à un nouvel état de coagulation (avec support). Autrement dit à travers ces phases successives, au fur et à mesure que les enveloppes perceptives , formes et figures personnelles se coagulent et se dissolvent comme des Matriochkas se craquelant les unes après les autres vient jour après jour la révélation de la "Demeure du Drastr" ou de la "Forme divine".
Alors que l'enstase précédente trouvait son origine dans une question, un problème, une forme de conscience qui peut être très abstraite, ce n'est pas le cas ici. Si elle comporte toujours une phase "d'obscurité" suivie d'une phase de "révélation" voisine de ce qu'a décrit Amandine, elle ne présente ni concepts ni images, elle vient, tout simplement.
Il en résulte toujours une forme de "Simplification" globale qui remet "l'Église au milieu du village" ou plus exactement "Le Drastr dans sa propre forme" (YS 1.3). Une telle simplification est une "recomposition" répondant à 'étymologie de Samadhi "rassembler". Cette "simplification" ne correspond pas à une action volontaire et ne signifie nullement simplifier le déroulement de mes actions ; elle n'impacte pas des opérations complexes auxquelles je peux me livrer, tant dans mes activités quotidiennes que dans ma discipline spirituelle, mais ma façon "d'être" dans ces activités. La souffrance spirituelle (YS 1.5) issue de ma projection hors de ma dynamique intérieure devient "enthousiasme" de ma participation à cette trajectoire spirituelle ainsi dévoilée et ce bien au-delà de toutes mes représentations personnelles. Elle m'ouvre de nouveaux chemins, me révèle ce que je peux comprendre pour suivre cet itinéraire en fortifiant en moi l'évidence du but tout autant que le cheminement qu'il implique, cheminement qui se situe dans un temps nouveau. En ce sens si elle implique tous les aspects de mon vécu, y compris mon quotidien comme l'exprimait Yo-Gui, c'est bien parce qu'il ne s'agit plus de tel ou tel contenu de conscience, mais bien de ce que je suis, ce qui m'anime.
L'immersion dans ce temps intérieur qui est celui du "rassemblement" vécu lors de la partie "sans support" va rectifier et engendrer un nouveau temps dans lequel mes contenus personnels les "mémoires accumulées" ne seront plus perçus comme des obstacles étrangers à moi me séparant de la Plénitude de la fusion mais comme un travail conjoint entre ma personnalité et la Présence ressentie dans une dynamique conjointe et enthousiasmante.
Il y a ici une évidente continuité avec la pratique des points exposés antérieurement. Si ce travail n'a pas été porté à son terme, il subsistera des "agrégats" de conscience, autant "d'énergies réactives" susceptibles de freiner cette métamorphose ; des fragments de l'ancien monde pouvant déformer ou ternir la nouvelle prise de conscience. Elle sera d'autant plus douloureuse (YS 1.5) que le travail préliminaire de prise de conscience des formes de conscience et des trains de conscience n'aura pas été effectué de façon " Persistante" et en cultivant le "non attachement" (YS 1.12), ce qui signifie simplement que je considère encore de tels contenus de conscience comme une partie de moi-même pouvant ainsi générer une tension et une identification durable et stérile (YS 1.4).
A l'inverse le résultat de cette enstase menée à terme sera de me "désolidariser" de tels contenus. Ainsi vidés de leur pouvoir aliénant ils pourront cependant demeurer à la périphérie de mon univers intérieur, non plus comme des parties intégrantes de ce que je suis mais comme des "formes de conscience" obsolètes : je sais qu'ils ne me concernent plus même s'ils apparaissent encore dans le champ de ma conscience.
Yo-guy
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Re: Samadhi Pada - Sutra 18 : 18. Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mental

Message par Yo-guy » 04 mars 2025, 11:17

Bonjour à toutes et à tous,
J’ai l’impression qu’à partir déjà du sutra précédent, Patanjali aborde des éléments très éloignés de mes expériences. L’arrêt total de l’activité du mental… Il n’y a pas si longtemps, rien que son ralentissement me paraissait de l’ordre de la science fiction… Aujourd’hui, l’appréhension de courts arrêts (de l’ordre de quelques secondes je crois) me permettent d’envisager les choses de manière plus optimiste me concernant mais on est encore loin du compte à ce niveau (et ce n’est pas dramatique, je tiens à la préciser). Quoi qu’il en soit, cet état de fait ne provoque pas de rejet de l’ensemble de ma part. Au contraire, je suis heureux de découvrir ces descriptions des différents samadhis qui offrent autant d’éléments à une discrimination bien menée pour autant, j’imagine, que la volonté ne soit pas trop forte, créant ainsi un système d’attentes qui empècherait l’advenue de ces étapes.
Et une fois de plus, mais nous commençons à en avoir l’habitude, nous sommes à la frontière des paradoxes : tenir fermement une pensée pour quitter toute pensée… Cela m’évoque à chaque fois aussi qu’en tant qu’individu, une part nous revient peut-être, s’approcher, autant que possible de l’arrêt du mental (par une pensée persistante) mais qu’en fin de compte, l’arrêt total ne sera pas de notre ressort (en tant qu’individu encore une fois) car ce saut dans le vide ne peut être le résultat du mental. Le mental ne peut souhaiter sincèrement sa propre mort. C’est le moment où intervient la grâce au sujet de laquelle nous n’avons plus aucun pouvoir.
Un élément retient encore mon attention, il est souvent cité par Denis, il s’agit de la ferveur, de l’amour pour le divin. Cela ne se décrète pas, en tout cas me concernant. C’est peut-être encore paradoxal, mais « engagé dans cette voie », je garde en moi un fond de scepticisme qui, à la fois me sert et me dessert. Il retient pour l’instant, sauf en de brefs instants, ce que j’associerai à de la ferveur et que je constate parfois chez mes congénères (et qui s’apparente à l’extase décrite par Mithuna), partagé entre l’envie et le rejet.
Ce qui est étonnant, c’est que de se pencher sur cet aspect, suscite pourtant chez moi, un sentiment de cet ordre, situé entre une forme de nostalgie et de désir de changement.
Décidément, ce chemin est semé d’embûches, de culs-de-sac et autant d’ouvertures. Chaque étape donne lieu à la joie d’avoir compris suivie immédiatement de la tristesse d’avoir déjà conceptualisé et donc perdu. Mais la réalisation de cela, source de « souffrance » est aussi source de « joie », car je trouve ici des repères (qui seront à abandonner), des indices qui sont de plus des indices non pas d’une d’une direction à prendre, mais à être. Ce présentiment me remplit à la fois d’un sentiment d’humilité et de joie qui se déploie. Je retrouve au fond, de manière bien moins nette que ne le décrit Mithuna, des éléments s’en rapprochant, même si c’est encore très lointain. Je me retrouve parfaitement, toutes proportions gardées, en cet instant, dans cette phrase de Mithuna : « En réalité reconnaissance et humilité sont deux aspects conjoints d’un sentiment unique. »
Merci infiniment pour ce partage qui me donne autant de pistes de lecture pour mon propre vécu, qui me donne des pointeurs pour m’orienter dans le brouillard.
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Re: Samadhi Pada - Sutra 18 : Il existe une autre sorte « d’enstase » obtenue par l’arrêt total de l’activité mentale...

Message par Denis » 09 mars 2025, 19:17

Ha la ferveur... :D
Dans un monde si matérialité que le nôtre, i froid, la "fièvre" a du mal à apparaitre...
Comment se laisser aller à aimer quelque chose qui nous dépasse, nous transcende, on voudrait tellement diviniser Bibi...
On aimerait tellement croire que Bibi est immortel, éternel.
Aujourd'hui beaucoup pratiquent du Yoga dans une orientation de faire du bien à Bibi, de lui permettre d'aller bien, de croire en lui, de penser qu'il va évoluer, se transcender et peu comprennent que Bibi n'évolue que très peu, voir pas du tout, qu'il a été scellé ans le ventre de notre mère et que cet agglomérat de sang, de chère, de muscles, de neurones, de ..., a dès le départ une trajectoire et qu'elle s'arrêtera un jour, finalement assez rapidement...

Nous avons à réfléchir, prendre le temps de percevoir ce que nous sommes réellement...
Cette démarche se nomme Tarka, elle est parfaitement exposée dans la YogaTattvaUpanishad.
YogaTattvaUpanishad a écrit :14. Je vais donc te dire comment délivrer l’âme de ses liens. Sans la pratique du Yoga comment la connaissance pourrait-elle assurer la libération de l’âme ?
Inversement, comment la pratique seule non étayée de connaissance assurerait-elle cette libération ?
15. L’adepte avisé, s’il désire la libération, doit s’efforcer à la fois d’acquérir la connaissance et de pratiquer le Yoga comme il convient, car la source du malheur est dans l’ignorance.
16. Le savoir au contraire délivre. On l’acquiert en s’exerçant d’abord au raisonnement logique par lui, on distingue tout ce qu’il convient vraiment de connaître.
Par le raisonnement, on se rend compte que l’objet de la connaissance est le brahman suprême et sans second.
17. D’évidence, on le perçoit comme Seigneur, indivis et sans tache, Être, Conscience, Béatitude, qui transcende les trois moments cosmiques création, conservation, dissolution et toute manifestation et toute connaissance.
Savoir cela mérite seul le nom de connaissance.
Par le raisonnement logique, on se rend compte que l'objet de la connaissance est le Brahman suprême et sans second...
Cette phrase nous invite à comprendre, à nous poser la question, de quelle est la plus grande, la plus cohérente des connaissances ?
Est-ce que la connaissance des maths, de physiques, des plantes, des étoiles, ... à une importance capitale dans notre chemin de vie ?
J'aime Don Juan (livre de Castaneda) qui dit à Castaneda, tu sais, j'ai rencontré un vieil homme politique qui était sur le point de mourir et il m'a dit qu'il ne se rappelait plus ce qu'il défendait quand il était un homme politique, qu'il n'avait plus aucune idée de quoi la politique concernait...

Prenons conscience de notre misérabilité, mais voyons en même temps que nous sommes tout, que cet univers infini est en nous et non nous dedans...
Prenons aussi conscience que cet univers est fantastique, que cette création est incroyable et donc que l'artisan de cela est incroyable...
Bien sûr, cet artisan n'est pas un homme, ou n'a pas une forme anthropomorphique, les hommes aimeraient tellement lui donner une forme humaine tout en se divinisant eux-mêmes...
Non, Il reste insondable, sans forme et avec toutes les puissances, toute la Présence.
Alors peut-être en lisant cela, on peut d'un coup percevoir de la gratitude pour cette chose hors de tout, qui transcende tout et gère à la perfection cette manifestation.

Voila la ferveur qui pointe ! :wink:
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