Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Avec Mithuna nous nous proposons de faire une étide des Yoga Sutra de Patanjali.
Ce forum pourra être lu par tout le monde, mais vous devrez vous y inscrire pour poster.
Merci de faire une demande en message privé pour être inscrit.

Om ! Puisse-t-Il nous protéger tous deux; Puisse-t-Il nous nourrir tous deux;
Puissions-nous travailler conjointement avec une grande énergie,
Que notre étude soit vigoureuse et porte fruit;
Que nous ne nous disputions pas, et que nous ne haïssions personne.
Om ! Que la Paix soit en moi !
Que la Paix gagne mon environnement !
Que la Paix soit en les forces qui agissent sur moi !

Modérateur : Modérateurs

Règles du forum
Nous sommes ici pour faire une étude, merci de faire preuve de volonté et d'envie de travailler ensemble en adoptant une d"émarche positive et constructive.
Pas de style SMS !
Répondre
Avatar du membre
Denis
Site Admin
Site Admin
Messages : 14454
Enregistré le : 23 juil. 2004, 19:19

Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par Denis » 14 janv. 2025, 10:41

Yoga Sutra de Patanjali a écrit :Sutra 17
17. L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de l’argumentation sur les éléments grossiers, de la discrimination sur les éléments subtils, de la félicité et de l’abandon de la notion d’ego.
Pour comprendre ce Sutra il nous faut impérativement faire un tour dans le Samkhya et comprendre ce mot "Enstase".
Le mot "enstase" qui correspond à Samadhi a été créé par Mircea Eliade, il est l'opposé d'Extase...
Extase nous propose un état d'exaltation qui s'installe par un événement extérieur (ext => tase), par exemple voir un beau paysage, entendre une belle chanson.
La personne dans l'extase est subjuguée…
L'enstase ou le samadhi est un état hors de la manifestation, qui ne s'inscrit ni dans un monde intérieur ni extérieur, mais dans l'esprit, hors du temps et de l'espace.

Il y a deux sortes de samadhi, Samprajnata (avec support) ou Asamprajnata (sans support).
Samprajnata se décline en quatre sortes.
  • vitarka samādhi : Forme de concentration discriminante sur les éléments grossiers (Mahābhūta)
    vicāra samādhi : Forme de concentration discriminante sur les éléments denses et subtils (Tanmatra)
    ānanda samādhi : La paix ou la félicité en Soi
    asmitā samādhi : L'auto-réalisation, où l'on distingue Puruṣa de Prakṛti. On peut entrevoir la notion d'éveil ici.
Les Mahābhūta sont les 5 éléments grossiers (terre, eau, feu, air, éther). On retrouve ces éléments dans notre corps physique et notre corps d'énergie.
Dans le vitarka samādhi on travaille sur la prise de conscience des éléments grossiers, en premier dans notre corps physique :
Ainsi, la terre se perçoit comme quelque chose d’opaque, de stable, de sucré, carré, jaune, le souffle devient court et ne va pas au-delà de 12 doigts au bout des narines, Ouest.
L’eau est liquide, froide, humide, elle se répand, fade, demi-lune, blanc, 16 doigts, Est.
Le feu est brûlant, éclairant, transmute la matière, pimenté, triangulaire, rouge, 4 doigts, Sud.
L’air est léger, se déploie, acide, circulaire, bleu sombre ou gris, 8 doigts, Nord…
L’éther est le contenant, vide, amer, un point, multicolore, sans souffle, au centre…
Puis sur notre corps d’énergie, ainsi, on perçoit les chakras en relation avec les Mahābhūta.
Mûlâdhâra : Terre => odorat => Marche
Svâdhisthâna : Eau => gout => Préhension avec la main
Manipûra : Feu => vue => élimination
Anâhata : Air => touché => reproduction
Vishuddha : Ether => ouie => parole
Âjñâ et Sahasrâra n’ont pas d’éléments associés, pas de sens (Jñānendriya) ni moyen d’action (karmendrya).
Pour autant, Âjñâ se perçoit par un point lumineux d’une très belle couleur, et Sahasrâra se décompose en 12 étages (dvadachanta) qui permettent la rencontre des archétypes et des Dieux…

Les éléments subtils sont les tanmatras…
Il y a bien sûr 5 tanmatras, en relation avec les 5 éléments grossiers (Mahābhūta), les 5 sens (Jñānendriya), les 5 moyens d’action (karmendrya).
Les 5 tanmatras sont les capacités potentielles de perception. Le terme matra, dans tanmatra nous indique que ces capacités sont limitées, métrées, mesurables… "Tan" se traduit par tanner, tissé…
Les tanmatra créent un monde cohérent, percevable par les sens.
Śabdatanmātra => Le principe du son, qui permet la possibilité d’entendre et donne l’oreille dans le corps.
Sparśatanmātra => Le tangible et le thermique.
Rûpatanmatra => la couleur et la forme
Rasatanmatra => la saveur
Gandhatanmatra => L’odeur.

Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ces 20 éléments (Mahābhūta, Jñānendriya, karmendrya, Tanmatra) liés ensemble…

En utilisant les sens, nous ne pouvons que percevoir les éléments grossiers (Mahābhūta) et donc simplement les examiner par l’extérieur et nous sommes dans vitarka samādhi.
En utilisant les tanmatra, nous pouvons séparer nos perceptions subtiles

Le vicāra samādhi utilise les tanmatra pour percevoir des choses subtiles, que nos sens ne peuvent percevoir directement.
Ainsi, en suspendant le souffle, en se concentrant sur un élément ou un objet précis, on peut percevoir dans sa forme des aspects que la simple vue ne peut voir.
Les tanmatra permettent de devenir voyant, clairaudiant, kinesthésique…

ānanda samādhi permet d’atteindre une paix ou la félicité en Soi, nous nous éloignons de la manifestation, même si le pratiquant en a encore conscience de lui et du monde. La paix nivèle toutes les perceptions.

asmitā samādhi nous plonge dans une simple conscience de notre individualité avec la saveur incroyable de l'Esprit...

Nous devons percevoir que ces quatre samadhi sont des samadhi et pas des états psychologiques plus ou moins vagues…
Dans ces quatre samadhi, le mental se tait, du moins la partie discursive qui fait que nous utilisons des mots pour nous parler sans cesse, s'est arrêtée…
Notre cerveau étant monotâche, soit il pense, soit il perçoit.
Le mental est en paix et l’objet perçu (physique, concept, psychologique) règne totalement dans le mental, ne laissant aucune place à autre chose.
La méditation est arriver à faire une longue concentration sur une perception.

Pour autant, ces quatre états n’ont rien de comparable à l’Asamprajnata Samadhi…
Dans ce samadhi, les murs de la personnalité disparaissent brusquement pour plonger la conscience dans la Présence, sans forme, sans temps, sans support, sans repère.
L’état est si transcendant que le Yogin qui éprouve cet état n’est plus conscient de rien.
C’est à son retour, des heures ou des jours après, qu’il se rend compte que des heures, des jours, des mois ont disparu.
L’expérience laisse un état intérieur incroyable de subtilité, de paix indescriptible.
Si cette expérience se réalise pendant un long moment, le Yogin plonge dans Turiya : « le quatrième » état transcendantal qui, à la fois, combine et outrepasse veille, rêve et sommeil profond (jagrat, svapna et sushupti) et constitue le substrat de ces 3 états. C'est donc un état d'unité avec la Divinité, un état de pure conscience, qui transcende les trois états de veille, de sommeil profond et de rêve, et qui est caractéristique du samadhi absolu.

Là où dans les états de Samprajnata la conscience de l’individu est encore liée à son histoire, à son personnage et simplement liée à des objets plus ou moins subtils, dans l’Asamprajnata Samadhi, l’union se fait avec Dieu où toute notion d’ego a disparu.

La traduction de Jean Papin, qui parle d’abandon, pourrait nous induire en erreur sur l’idée d’un acte volontaire d’abandonner quelque chose… Cet abandon existe au début du chemin, on doit chercher l’abandon de soi au Soi pour trouver l’Asamprajnata Samadhi, puis une fois réalisé, l’état porte en lui la transcendance du moi et sa disparition dans le Soi absolu.

On parle aussi de savikalpa samadhi (Samprajnata) où le Yogi garde le sentiment de dualité et du nirvikalpa samadhi (Asamprajnata), où toute différenciation est exclue.
Fichiers joints
tattvas.gif
tattvas.gif (49.58 Kio) Vu 507 fois
element.jpg
element.jpg (102.37 Kio) Vu 507 fois
Mithuna
Messages : 39
Enregistré le : 28 mars 2024, 10:28

Re: Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par Mithuna » 17 janv. 2025, 09:36

Merci Denis pour ces explications très complètes qui décrivent un cheminement depuis l'enracinement dans le Samkya jusqu'à une description aussi précise que peuvent le faire les mots de ton vécu intense de ces états.

Je retiendrai plusieurs points importants :
- Le Samadhi n'est pas une "forme de conscience " au sens défini par les sutras 7 à 11 et n'appartient donc à aucun des registres perceptifs associés à ces plans de conscience, par exemple un concept, une émotion ou un ressenti somatique ou énergétique, même s'il s'accompagne à posteriori de telles "expressions", correspondants à ces plans de conscience. Je retiens ici encore la binarité du cerveau comme organe qui pense ou perçoit.
- Le Samadhi ne peut être le résultat d'un effort conscient, ni même (tu insistes là-dessus) d'un "relâchement" qui est encore une forme d'effort volontaire. A ce titre nous comprenons la différence entre l'état de Yoga (YS 1.2) "inhibition des modifications du mental" entrainant "l'installation du voyant dans sa propre forme" (YS 1.3) et la "spontanéité" du Samadhi dans laquelle la forme du Voyant se "révèle" dans les Samadhi avec support et finit même pas se résorber dans le Samadhi sans support dans une absence complète d'objet perçu.
- Je rajouterai pour ma part que chaque Samadhi est "transformateur" il y a un avant et un après. J'ai connu beaucoup de pratiquants qui traversaient des expériences intenses, mystiques comme des visions ou chamaniques comme des "transports" mais une fois revenus dans leur conscience habituelle, s'il y avait une "empreinte", une "impression" elle ne changeait pas profondément leur façon d'être à eux même et au monde. On ne peut qu'apprécier le terme d'enstase de Mircea Eliade évoquant bien cet aspect impactant non seulement l'objet mais le sujet lui-même que je suis dans mes pensées, mes émotions et mon corps et au-delà ma relation avec mon monde intérieur et extérieur.
-
  • A ce titre je retiendrai la graduation suivante :
    o Les sutras précédents 1-15 ne peuvent être la cause de ce "saut" qu'est le Samadhi, par contre ils ne peuvent que le préparer en amont par une forme "d'hygiène", de "déconditionnement" spirituelle et vraisemblablement en aval par la manière dont cette expérience s'intègre dans notre conscience en la modifiant profondément.
    o Nous avons ainsi
     la pratique de l'inhibition des modifications du mental, (YS 1.2)
     puis le ou les Samadhi (YS 1.17 et suivants)
     Turya qui est une "rémanence" profondément enracinée dans notre conscience de ces Samadhis qui même si cette notion est étrangère au texte des YS constitue une "note fondamentale" sous-jacente à notre évolution, le "véhicule" qui nous conduira vers le but final.
     Enfin Kaivalya qui est la fin du Yoga, l'état d'illumination évoqué dans le dernier Sutra dans lequel le Purusha est définitivement établi dans sa propre Nature (YS 4.34) encore différent des Samadhis transitoires.
Maintenant quelle est ma compréhension des Samadhis ? Décrivent-ils des expériences ou mieux encore des dynamiques de ma transformation spirituelle ou dois-je considérer qu'ils me sont étrangers et par conséquent, plutôt que les étudier de façon intellectuelle, ce qui ne m'intéresse pas, je doive m'arrêter ici en appréciant l'acquis des sutras précédents ?

Je rappelle ici ce que j'avais exposé au Sutra 1 à savoir que si j'entreprenais cette étude des YS c'est que je considérais qu'ils possédaient en eux-mêmes une valeur universelle, même si leur enracinement dans le système du Samkya était incontestable, et que je les interprétais non seulement dans l'exposé de chaque sutra mais dans leur dynamique comme une "grille de lecture" de mon cheminement intérieur, au risque de m'écarter sensiblement des commentaires habituels. Il n'est donc pas question pour moi d'en référer tant en l'enracinement spirituel de Denis ni au contenu de ces expériences, ce qui ne serait qu'une approche intellectuelle et peu honnête car laissant supposer que je possède une connaissance intime de telles expériences. Par ailleurs chercher à obtenir de tels "états" serait contradictoire même avec leur caractère spontané et, pire encore contribuerait à créer des contenus de conscience, des représentations sans rapport avec "l'intuition du Soi".

Par conséquent je préfère exposer ce que sont pour moi ces Samadhis en insistant toujours sur la continuité de la pratique du premier chapitre, même si cette continuité s'accompagne de la discontinuité radicale soulignée par Denis.

Pour prendre l'exemple de la rédaction de mes commentaires.
J'effectue d'abord un travail de lecture de la translitération du Sutra que je préfère aux traductions et aux commentaires pour sa concision, ce qui constitue pour moi une " argumentation sur les éléments grossiers" que sont les mots, les signifiants du texte. J'effectue ensuite une sorte de tri, qui cherche à replacer ce sens à la fois dans sa dynamique globale des YS, et aussi à le confronter à ma dynamique personnelle, ce qui opère la "discrimination sur les éléments subtils" la signification profonde du texte.
A ce niveau vient une première phase de rédaction où j'écris plutôt dans le désordre ce qui me vient à l'esprit, mais c'est en général peu satisfaisant et je passe par une phase "d'oubli" de ma recherche.
C'est alors que soit pendant la méditation mais tout autant dans mes activités quotidiennes ou une promenade dans la forêt, qu'un tout autre sens émerge "quand il veut", qui retisse une logique nouvelle qui m'interpelle mais aussi me remplit de joie car elle n'est plus issue de ma logique personnelle, c'est "la félicité et l'abandon d'ego". Se révèle ainsi une cohérence spirituelle bien différente qui très souvent me fait supprimer toute ma rédaction antérieure. Telle est ma vision de " l’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support »"

Nous voici bien loin des états de conscience tels que les décrit Denis, ou même des commentaires de la plupart des traducteurs ou des écoles de pensées. Certainement, mais pour moi ce que je vis ainsi s'inscrit déjà dans la continuité du Sutra précédent avec une intuition qui "dissout" ma cohérence personnelle au profit d'une vision claire. Cette "inspiration" est bien spontanée, je ne la recherche pas, elle émerge tout simplement, comme une "évidence". Elle constitue une rupture radicale avec "ma pensée" personnelle éminemment centrifuge comme le soulignait Denis.
Au-delà de cet exemple précis de rédaction, un tel processus provoque en moi, dans ma conscience mais aussi ma relation avec mon intériorité comme mon entourage un changement continu, une forme de basculement qui même si elle remet en question ce qui me semblait acquis procure un enthousiasme profond dans ce qui est pour moi une mise en mouvement dynamique du Soi dans la réalité concrète de mon existence.
Je suis certain que de nombreux pratiquants sincères refuseront catégoriquement de classer un tel processus comme une enstase en considérant que je "tords" la signification des YS. Ils ont peut-être raison mais je ne cherche rien à prouver et si je peux admettre une telle rectitude, je constate simplement que ce qui m'arrive est conforme tant à la définition du texte qu'à la dynamique qu'il instaure, en refusant de me plier à une interprétation que je respecte profondément mais qui s'inscrit dans un contexte qui n'est pas le mien.
Shaman
Messages : 129
Enregistré le : 31 août 2019, 16:01

Re: Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par Shaman » 25 janv. 2025, 03:05

Ce Sutra est complexe à appréhender.
Je vais poser ici, différentes interprétations :

Sutra I.17
वितर्कविचारानन्दास्मितारूपानुगमात् संप्रज्ञातः॥१७॥
vitarka-vicāra-ānanda-asmitā-rūpa-anugamāt-saṁprajñātaḥ ॥17॥

[HA] : Hariharananda Aranya
[IT] : I. K. Taimni
[VH] : Vyasa Houston
[BM] : Barbara Miller
[SS] : Swami Satchidananda
[SP] : Swami Prabhavananda
[SV] : Swami Vivekananda
[JP] : Jean Papin
[NS] : Nāth School of Yoga

[HA] : Lorsque La Concentration Est Atteinte Avec L'Aide De Vitarka, Vichara, Ananda Et Asmita, On L'Appelle Samprajnata-Samadhi.
[IT] : Samprajnata Samadhi est ce qui est accompagné de raisonnement, de réflexion, de bonheur et d'être pur.
[VH] : (Nirodha, le processus de fin de vrrtis est) samprajnata-cognitif, lorsqu'il se connecte à des formes qui sont perçues ou subtiles, ayant un sentiment de bonheur ou le sens (individuel) de "je suis".
[BM] : La cessation consciente de la pensée peut provenir de diverses formes de conjecture, de réflexion, de plaisir et d'égoïsme.
[SS] : Samprajnata Samadhi (contemplation distinguée) est accompagnée de raisonnement, de réflexion, de joie et de pur I-am-ness
La réflexion, la réflexion, la joie ou le moi-mens.
[SP] : La concentration sur un seul objet peut atteindre quatre étapes : l'examen, la discrimination, la paix joyeuse et la simple conscience de l'individualité.
[SV] : La concentration appelée connaissance juste est celle qui est suivie par le raisonnement, la discrimination, le bonheur, l'égoïsme non qualifié.
[JP] : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de l’argumentation sur les éléments grossiers, de la discrimination sur les éléments subtils, de la félicité et de l’abandon de la notion d’ego.
[NS] : Samprajñāta [samādhi] est accompagné des formes suivantes [d'expérience] - compréhension (vitarka), réflexion (vichara), félicité (ananda), sens du soi (asmita).
Vitarka - raisonnement, délibération, réflexion, analyse, argumentation (lié aux objets bruts perçus par les sens, forme grossière de la pensée).
Vicāra - réflexion, réflexion subtile, recherche, réflexion (en rapport avec les objets subtils, une forme subtile de pensée).
Ānanda - bonheur, félicité, joie.
Asmitā - conscience du je suis, du soi, de l'individualisation.
Rūpa - forme, nature, image.
Anugamāt - (1) suivre, accompagner.
Saṁprajñāta, cognition parfaite, réalisation ; lié à la cognition, à la réalisation ; un état accompagné d'une connaissance complète et intuitive de l'objet de la contemplation (se référant à la contemplation cognitive, samprajñāta-samādhi, l'état contemplatif dans lequel l'activité cognitive est préservée).
(1) Equanimité à l'égard des gunas.

J’avoue que même avec ces traductions, je ne suis pas certain de bien saisir ce Sutra.
En le basant sur les explications de Denis et sur mon expérience, je dirais que cela nous expose le chemin qui amène à Saṁprajñāta.
Tout d’abord, afin de fixer l’attention, la méditation se fait sur un plan grossier. Par exemple, on utilise les chakras en tant que zones géographiques, des images, des mantras pour fixer l’esprit.
Ensuite, on perçoit un niveau plus subtil comme une circulation du prana.
Cet équilibre amène à ānanda.
Les mantras sont dits, mais ne sont plus l’objet de l’attention, comme observé et dissous dans sushumna.
Voilà un exemple concret qui reflète ma compréhension de ce Sutra.
Avatar du membre
amandine
Messages : 1029
Enregistré le : 05 nov. 2011, 12:13

Re: Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par amandine » 26 janv. 2025, 14:39

Merci à vous . C’est passionnant de vous lire et de voir les différentes façons d’exprimer les différentes étapes qu’on traverse dans la méditation. J’ai vraiment aimé les différentes descriptions précises et vécues, ce qui leur donne une dimension forte à la lecture.
J’étais venue lire vos messages la semaine dernière Denis et Mithuna,et je n’avais que survolé car je restais extérieure. Et ce matin,j’y reviens pour les lire ainsi que le nouveau message de Shaman, et je suis rentrée complètement dedans, tout était très clair, comme si la semaine dernière la porte m’était fermée et aujourd’hui elle était ouverte.

Description précise et puissante Denis, super et merci de si bien dessiner un chemin avec des indications précises, car vécues.
Mithuna je sens à tes mots comme tu cherches à exprimer de manière juste .Je suis sensible à ça aux mots justes dits sur une réalité vécue. Merci pour ta recherche d’exactitude.Ta démarche est inspirante.
Shaman, merci pour les différentes traductions et le partage du vécu aussi.

Voici ma recherche livresque , si ça vous dit:
-La première étape est celle que Vyasa qualifie de grossière. Elle se situe au niveau des ]5 éléments selon Vacaspati Misra. Pour Vijnana Bhiksu, c ‘est le niveau des éléments et des organes (indriya).

-La seconde étape est subtile et se situe au niveau des tanmatra et leur cause subtile.

-La troisième est celle de la joie éprouvée à la suite de vicara (la seconde étape). Le vicara a procuré une abondance de sattva cause de cette joie . Vacaspati Misra dit que l’ananda est l’expérience des organes(indriya) et que les indriyas sont issus de l’ahamkara abondant en sattva.

-La 4eme est celle de la pure conscience du « je suis ». Le Soi est seul.
Le mental n’a pas disparu. Dans l’absorption, le mental ne conserve que les empreintes, les impressions, les traces de toutes les opérations effectuées. Le sentiment d’exister disparaît du mental. »Le mental se trouve sans support, comme s’il n’existait pas. »

Ma petite expérience maintenant. Au début, lorsque la concentration s’est faite pendant une certaine durée, je glisse dans un état où je perçois le son intérieur. C’est souvent ma clé intérieure le nada perçu par les sens . Comme happée, je me laisse guider par le son, il conduit vers des profondeurs Je sais intérieurement que je suis en contact avec une dimension plus grande et que le son est celui de dieu et qu'il m'emmène. Je suis alors complètement tranquille et sereine. Parfois ça s'arrête là. Parfois ça continue il y a comme une source jaillissante intérieure, avec ce son qui n’est pas moi, qui est mystère, qui est divin ; là je rentre dans un état de paix, de félicité, sattva. Parfois ça s’arrête là, parfois ça continue et je déconnecte vraiment, mais ce sont de très courts instants. Je ne saurais rien dire sur cette quatrième étape. Mis à part que je pense que parfois cet état de yoga était là, mais que j’en reviens .Est ce que je suis transformée comme tu le dis Mithuna, je pense que seulement un petit peu, ces "plongeons" apportant au quotidien de la paix, ils permettent de garder la tête hors de l'eau quant aux difficultés de la vie; mais je ne sais pas dire plus, étant donné que c'est trop court, et que j'en reviens.
L’Asamprajnata Samadhi reste bien loin.
Shaman
Messages : 129
Enregistré le : 31 août 2019, 16:01

Re: Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par Shaman » 28 janv. 2025, 18:11

Je ne sais pas si l’asamprājnāta est si loin lorsque Nada apparaît.
Anāhata Nāda est la manifestation de Shakti qui va faire Shiva et donc vers l’union de Prakriti et de Purusha.

Au début j’avais du mal à positionner buddhi et je me suis posé la question de savoir si avec le sutra 1.17 nous nous trouvions au niveau d’ahamkāra ou au niveau de buddhi.
En fait buddhi est sous-jacent derrière ahamkāra, puisque c’est ce qui permet de discriminer.
On ne peut dissocier ahamkāra de buddhi.

Par contre dans le 1.18, ahamkāra disparaît et c’est alors que l’on voit Purusha avec buddhi qui reflète l’univers en nous.

Je ne sais pas si l’on peut parler de transformation à ce niveau.
Une évolution, c’est certain, mais un peu comme cela arrive tout au long du chemin.
Je n’ai évidemment pas eu l’expérience qui me permettrait d’être affirmatif. Les témoignages de Yogī indiquent, alors que cela peu déjà être un but pour certains, que ce n’est que là que tout commence.
Avatar du membre
Denis
Site Admin
Site Admin
Messages : 14454
Enregistré le : 23 juil. 2004, 19:19

Re: Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par Denis » 28 janv. 2025, 22:18

Mithuna a écrit :- Je rajouterai pour ma part que chaque Samadhi est "transformateur" il y a un avant et un après.
Oui !
Tous les samadhi transforment lentement le personnage. Ils le font devenir plus sattvique.
Ceci dit, je perçois que malgré toutes mes pratiques, j'avance lentement, très lentement et souvent cette phrase de Don Juan, dans les livres de Carlos Castaneda, me touche : « Aurai-je le temps dans cette existence d'accéder à la réalisation ?"
"Aurai-je le temps ?"
La vie nous prend tout, ne nous laisse pas grand-chose en temps, en espace...
Il y a une autre phrase qui a toujours été un aiguillon dans mon existence, cette phrase me touche aujourd'hui encore :
Don Juan de Castaneda a écrit :"Nous n’avons jamais l’occasion de dépasser le niveau de la simple préoccupation, parce que depuis des temps immémoriaux les affaires quotidiennes nous ont assoupis comme une berceuse.
C’est seulement quand nos vies sont presque à leur terme que notre préoccupation héréditaire à propos du destin commence à prendre une tournure différente.
Elle commence à nous faire traverser le brouillard des affaires quotidiennes.
Malheureusement, cet éveil est toujours étroitement accompagné par la perte d’énergie due à l’âge, au moment où nous n’avons plus de force pour transformer notre préoccupation en une découverte pragmatique et positive.
Alors, tout ce qui reste est une angoisse amorphe, glaciale, un désir de quelque chose d’indescriptible et une simple colère de ne l’avoir pas obtenu.
Bien sûr que les affaires quotidiennes nous prennent beaucoup et que je suis dedans aussi, même si mon mental est calme, même si la présence du Divin est toujours là, mais...
Oui, bien sûr, on devient Sattvique en pratiquant, mais est-ce suffisant ?
Pour ma part, NON !
J'espère vraiment accéder encore et encore à ce Samadhi absolu et arriver à m'y établir totalement avant mon dernier souffle...
Attention, ce que j'écris là n'est en rien dépressif ou je ne sais quoi d'une psychologie à deux balles, c'est une simple intention farouche qui Cherche à sortir de cette illusion du monde...
Mithuna a écrit :Maintenant quelle est ma compréhension des Samadhis ? Décrivent-ils des expériences ou mieux encore des dynamiques de ma transformation spirituelle ou dois-je considérer qu'ils me sont étrangers et par conséquent, plutôt que les étudier de façon intellectuelle, ce qui ne m'intéresse pas, je doive m'arrêter ici en appréciant l'acquis des sutras précédents ?
Merci Mithuna pour ta vision très sincère, très belle sur le fait de dire que tu ne veux pas d'une étude intellectuelle.
Je la respecte complétement !
Ceci dit, je crois que nous devons entrevoir que nous évoluons à travers la compréhension intellectuelle, que nous ne pouvons pas nous en séparer.
Une fois, elle précède l'expérience, car elle nous plonge dans un nouveau questionnement, une autre fois, elle arrive après l'expérience pour que nous puissions l'incorporer à ce que nous sommes sur tous les plans.
Impossible de dire qui sera là avant, ce serait bien trop beau, trop facile.
Je sais que des phrases ont eu des effets révélateurs sur mon chemin et des phrases encore sont venues éclairer des expériences qui parfois ont été trop fortes.
Le travail que nous faisons ici est énorme :
- En premier, j'apprends beaucoup de vous. Je suis obligé de me poser de nouvelles questions, de remettre en cause certaines "croyances", certaines choses mal comprises, mal interprétées, c'est énorme !
- L'exigence de ce forum et de cette étude m'oblige à affiner un maximum ce que j'écris. Je cherche dans des textes la justesse de ce que je vis et écris. Je reviens sur ce que j'écris, laisse un temps de réflexion, où les choses prennent d'autres tournures, comme tu dis aussi, et même une fois que la chose me semble aboutie, au bout que quelques heures ou jours, je me dis que j'aurai dû écrire cela autrement et cela est de l'intellectualisme, oui, mais en lien avec la profondeur qui reste, quoi que nous fassions ou écrivons présente !
- Je sais que beaucoup de gens passent par là et lisent cela, je les remercie !
- Je sais que ce travail que nous faisons servira, peut-être, à un petit groupe de quelques personnes qui trouveront ici un écho à leurs expériences, à leurs questionnements, à leurs doutes...
Alors, il nous faut aller au bout tout en sachant que parfois, on sera maladroit, intellectuel et qu'on reviendra sur des choses écrites avec notre compréhension en constante évolution.
Bien sûr que nous ne sommes pas là pour critiquer ou acquiescer ce que l'autres dit, nous partons du principe que nous sommes adultes et honnêtes et que ce que nous écrivons est lié à ce que nous vivons, mais comprenons aussi et que tout cela peut être amélioré, sublimé par l'autre et vraiment cela me touche beaucoup, je vous en remercie infiniment, de faire ce travail ensemble !

Merci Shaman pour ce que tu as écris là :
Shaman a écrit :En le basant sur les explications de Denis et sur mon expérience, je dirais que cela nous expose le chemin qui amène à Saṁprajñāta.
Tout d’abord, afin de fixer l’attention, la méditation se fait sur un plan grossier. Par exemple, on utilise les chakras en tant que zones géographiques, des images, des mantras pour fixer l’esprit.
Ensuite, on perçoit un niveau plus subtil comme une circulation du prana.
Cet équilibre amène à ānanda.
Les mantras sont dits, mais ne sont plus l’objet de l’attention, comme observé et dissous dans sushumna.
Oui, merci à Patanjali de dégrossir le chemin, il y aura toujours des choses qui nous sont inaccessibles et d'autres accessibles. Ce qui est merveilleux, c'est que nos expériences sont toutes différentes et là aussi l'autre dans ses explications nous fait entrevoir des choses qu'on aurait jamais pu imaginer et cela portera des fruits plus tard, alors merci à ce travail, merci à nos expériences et merci à notre réflexion intellectuelle !
Shaman a écrit :Par contre dans le 1.18, ahamkāra disparaît et c’est alors que l’on voit Purusha avec buddhi qui reflète l’univers en nous.
Oui !!!
Amandine a écrit :Ma petite expérience maintenant. Au début, lorsque la concentration s’est faite pendant une certaine durée, je glisse dans un état où je perçois le son intérieur. C’est souvent ma clé intérieure le nada perçu par les sens . Comme happée, je me laisse guider par le son, il conduit vers des profondeurs Je sais intérieurement que je suis en contact avec une dimension plus grande et que le son est celui de dieu et qu'il m'emmène. Je suis alors complètement tranquille et sereine. Parfois ça s'arrête là. Parfois ça continue il y a comme une source jaillissante intérieure, avec ce son qui n’est pas moi, qui est mystère, qui est divin ; là je rentre dans un état de paix, de félicité, sattva. Parfois ça s’arrête là, parfois ça continue et je déconnecte vraiment, mais ce sont de très courts instants. Je ne saurais rien dire sur cette quatrième étape. Mis à part que je pense que parfois cet état de yoga était là, mais que j’en reviens .Est ce que je suis transformée comme tu le dis Mithuna, je pense que seulement un petit peu, ces "plongeons" apportant au quotidien de la paix, ils permettent de garder la tête hors de l'eau quant aux difficultés de la vie; mais je ne sais pas dire plus, étant donné que c'est trop court, et que j'en reviens.
C'est magnifique, Amandine, merci !
Yo-guy
Messages : 23
Enregistré le : 29 avr. 2024, 14:47

Re: Samadhi Pada - Sutra 17 : L’enstase appelée « connaissance différenciée ou avec support » est celle de ...

Message par Yo-guy » 06 févr. 2025, 18:47

Bonjour à toutes et à tous,
Complexe ce sutra…
Merci Denis pour ces ressources sur le Samkhya. Cet amour des indiens pour les catégories est assez fascinant je trouve. Il restitue bien cette volonté de discriminer même si elle est ici conceptuelle (sauf si on l’éprouve ensuite). Merci aussi pour cette référence à Don Juan (c’est un des aspects qui m’a plu il y a quelques années lorsque j’ai commencé à lire ce forum : tiens, lui aussi…).
Merci à tous pour ces distinctions et descriptions subtiles des différents Samadhi et de leurs effets transformateurs, de vos vécus.
Merci Mithuna pour cette description "chirurgicale" de l’acte d’écriture soutenu par les catégories des YS. Le surgissement du sens, de l’idée « juste », est un phénomène incroyable dont nous ne pouvons, si nous observons honnêtement ce qui se joue, nous prétendre en être les auteurs… Et je trouve ta "démonstration" en suivant les premiers Sutras plutôt convaincante. Comme le Samadhi sans doute, nous ne pouvons que préparer le terrain… Je dois dire apprécier beaucoup ces descriptions issues du « quotidien », c’est à la fois très instructif et cela dédramatise certains termes dont on ne peut, dans un premier temps, que trouver tellement inaccessibles : Samadhi, félicité, etc. Cela me rappelle aussi les écrits de Jean-François Billeter et plus particulièrement « Un paradigme » où il décrit sa manière d'écrire, c'est magnifique aussi de justesse et de finesse. Cela ne dénature pas ces « grandes expériences » mais cela montre aussi que l’Enseignement se révèle aussi au détour des choses les plus "insignifiantes", pour peu que l’on sache regarder…
Je ne me lancerai pas vraiment pour l’instant dans une description d’états méditatifs personnels vécus que je considère assez éloignés du Samadhi. Bien sûr, je retrouve des éléments de discriminations de ma pensée dans ces instants, un éclairage sur mon agitation, l’espace grandissant entre les pensées, sur l’effet apaisant du mantra (merci encore Mithuna pour ce « conseil » issu de nos derniers échanges, je m’étais pour l’instant toujours refusé à pratiquer la répétition d’un mantra), ce sentiment de perte de repères corporels, de passage à travers différentes strates de conscience, ce noir qui devient plus noir et plus lumineux, laissant paraître tant de « phosphènes » ( ?) parfois, etc. Non, j’aimerai parler ici d’un élément qui est peut-être hors-sujet (vis-à-vis de ce Sutra) mais qu’évoque Amandine (alors j’en profite) et qui est l’objet d’une attention fréquente de ma part depuis quelques années : le Nada. Je n’ai pas cette ferveur malheureusement pour le considérer comme tu le décris, Amandine. Peut-être un jour cette grâce me sera faite. Je doute toujours : acouphènes pathologiques, phénomène « mystique »… Je ne sais pas. En tout cas, ce son m’habite de plus en plus, parfois je vais le chercher, parfois il s’impose, parfois très fort. Il se module, lointain au début (un bruissement, une pluie lointaine de fragments métalliques), il devient plus aiguë, plus présent, plus vif, parfois sifflant, changeant de côté, insaisissable, complexe, etc. Il me parait important, il me semble avoir un sens particulier sur ce « chemin », Je serai assez intéressé d’avoir votre point de vue sur cette question, sur la manière dont vous l’appréhendez si vous connaissez cela. Je me demande si je ne devrais pas plutôt ouvrir un sujet spécifique sur le forum plutôt qu’ici.

Il y a déjà pas mal d'éléments au sujet du Nada ici :
viewtopic.php?f=16&t=3633&hilit=bruit+blanc
J’ai ouvert un nouveau fil de discussion sur ce thème ici :
viewtopic.php?f=4&p=81578&sid=c4f7ea4f0 ... b92#p81578
Répondre