Bonsoir...
Le sens de la vue est assurément le sens qui prend le plus d'énergie, il n'est pas le plus subtil, ni le plus puissant, puisque dans l'ordre des chakras, l'ouïe se place au-dessus...
Le son porte en lui le moins d'élément et nous devenons totalement ce que nous écoutons...
Alors pourquoi "le voyant ?"
Pour moi la vue est le niveau "incarnée" du voyant et donc nous devons nous placer sur le niveau de l'esprit et comprendre que l'esprit est "vision", donc bien plus que la vue...
Cela me fait penser à une chose amusante...
Ingénieur commercial pendant 9 ans, quand j'étais dans mon bureau, en train de faire tout autre chose que travailler sur mon ordinateur, je n'avais "qu'une seule peur", celle d'être
vu par mon chef d'agence...
La vue de celui qui est au-dessus de nous est ce qui nous met en marche et le Samkhya nous met bien en scène cela en parlant de la danseuse et du spectateur...
La danseuse danse pour le spectateur, mais dès que le spectateur sort de l'illusion et donc de la scène, la danseuse (prakrti) s'arrête de produire, le spectacle disparait, et le spectateur n'est plus là non plus...
Lors de mes plongées en Samadhi, la trinité "voyant, vue, objet" n'est plus, il ne reste que la lumière et rien d'autre...
Tant que cette trinité est là, nous ne sommes pas encore fondus dans l'absolu...
Cette idée d'arrêter le mental évoqué au deuxième sutra est très spécifique, il y a effectivement mort de nous, de notre personnage...
Cet arrêt arrive avec l'arrêt de la respiration, car mental et respiration sont totalement liés...
Alors dans un moment de paix absolue, d'enstase parfaite, le souffle se suspend de lui-même, sans effort, sans volonté et dans un sentiment de plénitude et de ferveur totale.
Mais...
Mais...
La chose doit aller plus loin...
Plus loin, c'est la fin des process mentaux, la fin du personnage, il nous faut mourir à soi pour ressusciter dans ce corps de gloire...
Oui, le Yoga est mourir, mourir à soi pour rencontrer le Soi...
Je suis heureux de lire que Yogi Lakshminath Maharaj dit aussi cela, c'est une chose que je dis et vis depuis l'âge de 18 ans...
Mais...
Mais...
Quel est ce Soi où nous devons nous abandonner, quel est sa nature ??
Le Soi se manifeste par la Lumière que le Shivaïsme nomme Mahaprakasha, les hébreux "Aur", claire lumière chez les Tibétains...
La lumière intérieure est ce qui nous permet de voir, sentir, percevoir...
Elle "éclaire" la réalité et permet la prise de conscience.
Le Shivahisme parle de Mahaprakasha, la Grande Lumière, et de Vimarsa, la Prise de conscience de la lumière...
C'est-à-dire qu'en regardant un nuage passé dans un ciel bleu azur, éclairé par un beau soleil, d'un seul coup, nous pourrions être subjugués au point d'arrêter le souffle, donc le mental, et si tous mouvements du mental cessent, alors la prise de conscience de la source derrière toute la manifestation apparaitra et Mahaprakasha se révélera dans le silence et l'immobilité de notre être...
Goraksa dans LA MAHARTHAMANJARI, mon texte préféré, commence son texte par :
MAHARTHAMANJARI a écrit :1 S’étant incliné devant les pieds éternellement purs du maître Mahaprakasa (Grande Lumière), Mahesvarananda composa cette gerbe odorante dont grande est la signification.
2 Resplendissant de l’éclat immuable et vibrant de la conscience de soi, puisse Mahaprakasa prospérer. Les traités ne s’emploient qu’à examiner l’excellence de son nom.
Mahesvarananda est Goraksa et "gerbe odorante" est, ce que veut dire Mahartamanjari, le monde est comme une gerbe odorante de fleurs sortant du coeur...
C'est à 18 ans que la lumière est venue comme ça, pendant un cours de Yoga Nidra, suite à des nuits de "décorporations"...
J'ai passé toute la nuit après le cours à me perdre dans la lumière dès que je fermais les yeux et grande fut ma joie et ma surprise de lire des années après la "Petite philocalie de la prière du cœur" où j'ai retrouvé mon expérience vécue par un moine orthodoxe du fond de sa cellule :
Petite philocalie de la prière du cœur a écrit :"Comme il était donc en oraison, une nuit, l'esprit purifié uni au premier Esprit, il vit une lumière d'en haut jetant tout d'un coup du haut des cieux, clartés sur lui, lumière authentique et immense, éclairant tout et rendant tout pur comme le jour.
Illuminé lui aussi par elle, il lui sembla que la maison tout entière, avec la cellule où il se tenait, s'était évanouie et avait passé en un clin d'œil au néant, que lui-même se trouvait ravi en l'air et avait oublié entièrement son corps. Dans cet état, comme il disait et écrivait à ses confidents, il fut alors rempli d'une grande joie et inondée de chaudes larmes, et ce qu'il y a d'étrange dans ce merveilleux événement, c'est que, non initié encore à de pareilles révélations, dans son étonnement, il criait à haute voix sans se lasser : "Seigneur, ayez pitié de moi".
Très tard enfin, cette lumière s'étant peu à peu retirée, il se revit dans son corps et à l'intérieur de sa cellule, et il trouva con cœur rempli d'une joie ineffable.
Cette phrase est magnifique, notamment cela :
"Comme il était donc en oraison, une nuit,
l'esprit purifié uni au premier Esprit", oui, c'est bien cela, nous devons mourir à nous-mêmes dans un moment d'abandon et de détente total pour unir notre esprit au premier esprit...
Alors la lumière est là et nous revenons à notre source, la lumière...
Un commentaire de La Mahartamanjari nous propose cela :
Mahesvarananda a écrit :« En vérité les cygnes étendent largement les ailes et volent partout dans le ciel. O Cygne du lac sacré, O (ma Pensée! Ton vol merveilleux (s’élève) au plus lointain du ciel lorsque tu déploies tes deux ailes : ‘vacuité’ et ‘élan’ ». Pour s ‘envoler dans le firmament, deux choses sont nécessaires à l’oiseau : l'espace ouvert à l'infini, firmament d’une pure conscience ou vide sans obstacle, et aussi l’élan, l'impulsion susceptible de le lancer dans toutes les directions en écartant les limites imaginaires, ce qui lui permet d’atteindre le Tout, la Splendeur qui a l'éclat du firmament.
Merci à vous tous pour cet échange, c'est vraiment lumineux !
