Samadhi Pada - Sutra 21-22 Ce but est très vite atteint par ceux qui s’y appliquent avec ardeur.

[Denis]

21 : तीव्रसंवेगानामासन्नः tīvra-saṁvegānām-āsannaḥ : La passion intense conduit à la proximité de l'asamprajnaata samaadhi.
22 : मृदुमध्याधिमात्रत्वात् ततोऽपि विशेषः mr̥du-madhya-adhimātratvāt-tato’pi viśeṣaḥ : La passion intense envers le détachement et la pratique est à nouveau classée en trois types : douce, modérée et forte.

[quote="Yoga Sutra de Patanjali : Sutra 21-22-23 Traduction de Jean Papin ]21. Ce but est très vite atteint par ceux qui s’y appliquent avec ardeur.
22. Donc la rapidité du succès est fonction de la mollesse, de la demi-mesure ou de l’ardeur de la pratique[/quote]

Je pense que ces strophes vont ensemble et qu'il est bien de les étudier conjointement, bien sûr, vous pouvez répondre strophe par strophe...

La notion de l'ardeur me semble une évidence, on n'arrive à rien si nous ne mettons pas une grande part de nos énergies dans ce qu'on souhaite.
L'ardeur, c'est l'intensité, le feu, sans cela rien n'arrive !
Bien sûr il faut ajouter à l'ardeur la conscience, la détermination farouche d'aller là où on doit aller.
Je pense aussi qu'une notion importante est la sincérité, le fait d'être sincère demande un réel engagement.

J'adore ce que dit Nisargadatta pour notre chemin :

Comment procédez-vous pour découvrir quoique ce soit ?
En y fixant votre esprit et votre coeur il faut de l'intérêt et ne jamais oublier se rappeler ce dont il faut se rappeler est le secret du succès, il vous faut de la ferveur pour y parvenir, rechercher un esprit clair, et un coeur limpide il vous suffit de demeurer tranquille et vigilant tout en cherchant au sein de votre véritable nature.
- - -
Tout cède devant la ferveur !

Qu'en pensez-vous ?
Avez-vous de l'ardeur à pratiquer, de la ferveur et êtes-vous dans la sincérité ?

[pashupati]

Namastay à tous

C'est plus que de l'ardeur c'est de l'entousiasme aussi,il faut de la ténacité aussi ,il faut démasquer l'origine de chaque pensée ,il faut carrément être le but qu'on se donne,il faut pas qu'il y est d'autre objectif. De toute façon les changements dans la psyché s'opère toutes seul .n'oubliez pas que l'application des yamas et nyamas sont importantes.
La véracité envers soi est importante ,on peut pas se mentir à nous même .
Namastay

[Denis]

Oui Yama et Niyama sont relativement importants...
Faut-il encore bien comprendre tout cela et ne pas coller par-dessus des codes éthiques et moraux si chers aux occidentaux...
Pour autant, je te vois souvent la cigarette à la bouche...

[pashupati]

Namastay à tous
La cigarette roulé toujours, l'art de rouler quoi
Et pour les yamas et nyamas je les applique à la lettre depuis longtemps déjà à la façon Hindou.
Bonne journée à tous..
Je vais féter mon anniversaire comme il faut avec des Chilums bien dosé 🥳🥳🥳
Namastay

[Mithuna]

Bon anniversaire, Pashupati.
Et une belle année "ardente".

L'ardeur dont il est question dans ces sutras ne doit pas être confondue avec un "feu de paille" ou un épanchement émotionnel passager, de grandes et belles intentions que les orages de la vie finiront par éteindre. Si un feu de paille est visible exhibant ses flammèches étincelantes, mais ne dure pas, un feu de braise est caché mais brule des jours durant, alimentant un feu continu. Ainsi comme l'indiquent ces deux sutras 21 et 22 une telle ardeur s'inscrit dans la durée et doit se manifester dans notre pratique et notre comportement quotidien, cette pratique et ce comportement alimentant en retour cette ardeur comme le bois alimente le feu qui à son tour consume le bois. Il s'agira bel et bien de mettre en œuvre le désir profond de parvenir au but entrevu dans "l'intuition directe du Soi". De façon plus explicite encore la translitération des deux sutras nous parle de "passion", passion intense envers quoi ? "le détachement et la pratique". Nous trouvons ainsi une insistance sur ce qu'exposait déjà le sutra 12 "Leur suppression est amenée par la pratique et le non-attachement".
Une telle ardeur se traduira d'abord par la régularité de nos séances de travail spirituel, dans un temps et un espace "protégés" du temps et de l'espace habités par nos occupations quotidiennes, non comme une routine froide et astreignante mais comme un rendez-vous "enthousiasmant" (YS 1.14) avec notre Maître Intérieur, (YS 1.3) dans le temple de notre silence intérieur (YS 1.2).
Mais si au début nous pouvons cantonner cette ardeur spirituelle à ces seuls moments, c'est bien dans le quotidien que nous pourrons juger de la qualité de nos braises, de leur chaleur et de leur présence, tout d'abord dans toutes nos activités, qu'elles soient physiques, répétitives ou créatrices. Alors qu'auparavant au sein même de ces activités s'immisçaient des trains de pensée, sans même que nous en soyons conscients, les braises de notre feu intérieur les révéleront afin que nous en désidentifions. Nous n'en serons pas moins efficaces, au contraire, les instants "dérobés" par ces flux de pensée remplacés par un recentrage fécond.
Mais un autre aspect important de notre ardeur se révélera dans les contrariétés et difficultés qui tissent le fil de notre destin.
Par exemple : en revenant de courses je me suis aperçu qu'un "gentil conducteur" a bien rayé ma voiture sur le parking, évidemment sans laisser de moyen de le contacter. Une bouffée de colère m'envahit, d'autant plus que j'avais pris soin de bien me garer. Si je "m'écoute", je peux partir dans un scénario vengeur et des ruminations prolongées sur ce que j'aurais du faire et un joli répertoire de noms d'oiseau, tout cela parfaitement stérile.
Je peux ainsi me laisser aller entrainer par un "bolide de pensées" me tirant "hors de moi" (YS 1.4) ou au contraire cette colère justifiée mais stérile, aliénante, peut renforcer mon ardeur à me libérer. Je ne gâche pas mon énergie à surenchérir sur le passé en tissant des formes de conscience qui constitueront une forme de "double peine" par l'imagination et la mémoire (sutras 9 et 11) mais ces braises vont alimenter en moi le désir de parvenir au but. L'intuition directe du Soi (YS 1.16) me fait comprendre que si je peux poser des "patches" sur les vicissitudes de la vie, la vraie solution "Solvere dissoudre comme le Yoga dissout les trains de conscience (YS 1.2)" est de fortifier mon ardeur et ma détermination pour parvenir au but comme l'enseignent ces deux sutras.
Cependant à côté des contrariétés qui peuplent notre quotidien, se dressent les "grandes" souffrances, les "épreuves" inévitables qui marquent des crises dans notre destin. Ainsi une maladie, une séparation douloureuse, la mort d'un être aimé sont des points de rupture. Dans de tels moments on ne peut se mentir, toute tricherie est impossible. Adieu les "compromis entre amis", les mille arrangements avec notre engagement. Ni les grandes et belles idées ni même les sentiments enflammés, les "feux de paille" d'antan. ne résisteront au choc des émotions qui nous assaillent, nous arrachent à nous-même.
Un tel choc sera toujours une remise en question profonde de notre "ardeur", notre fidélité à notre engagement, une "combustion" de tout ce que notre démarche pouvait avoir de superficiel. L'injustice ou l'incompréhension ressentie devant "un coup du sort" peut nous plonger dans un doute profond se manifestant de mille façons remettant en cause les fondements même de nos convictions et de notre pratique ("A quoi bon tout cela?") : qui nous en blâmera?. Mais une fois le choc passé, le deuil effectué, cette souffrance peut réveiller et alimenter les braises de notre aspiration à la délivrance ou à l'Union avec la source de toute Plénitude. De pareilles épreuves constitueront toujours une "croisée des chemins" un point critique de notre destin nous amenant vers d'autres voies ou alimentant plus profondément encore les braises qui meuvent notre "locomotive" spirituelle.
Passion provient du Grec Pathos, souffrance, cette souffrance qu'évoquait déjà le sutra 5. Or ce sutra expliquait clairement que pour tout pratiquant engagé sincèrement dans la voie décrite par les YS, la "Mère de toutes les souffrances" était celle de la séparation de notre Soi, de notre "expropriation" de la demeure du Drastr, Le Divin en nous. Sur le chemin de la transformation décrit dans les YS cette souffrance sera la perception que notre identification aux forces réactives centrifuges nous arrachait à notre devenir intérieur. Il ne s'agit ici ni de fatalisme ni d'une forme de dolorisme, faisant de la souffrance le moyen privilégié de parvenir au "salut".
Le génie des Ys est de nous faire comprendre que la perception de cette souffrance, dont nos souffrances personnelles ne sont que des manifestations, en alimentant un feu profond et inextinguible nous conduira surement au but.

[amandine]

Tres interessant de lire tout ce que vous avez écrit cela sur l'ardeur.
Denis tu as dit que Nisargadatta indiquait de : "rechercher un esprit clair, et un coeur limpide (...) demeurer tranquille et vigilant tout en cherchant au sein de votre véritable nature."
C'est vraiment beau et clair, ça donne envie de se taire et s'asseoir sur son coussin .


L'ardeur, moyen donné dans le sutra 20, parmi les autres moyens.
« Les autres (qui suivent la voie de l'effort prescrit) adoptent les moyens de la foi révérencieuse, de l'ardeur, du recueillement répété, de la concentration et de la réelle connaissance (et atteignent ainsi l'AsamprajnataSamadhi). 20. »
(Traduction du sutra par Swami Aranya Hariharananda )

Swami Aranya Hariharananda écrit en commentaire au sutra que" la foi révérencieuse soutient un yogin comme une mère aimante". Puis il explique que l’ardeur, l’enthousiasme est Virya (Virya désignant une combinaison de force, endurance, énergie).
Le pouvoir qui ramène l’esprit (qui se détourne ou est fatigué ) à la pratique dévotionnelle est Virya.
La tranquillité (avec un sentiment de révérence) de l'esprit est Sraddha. Sraddha est la connaissance accompagnée de tranquillité. Et le Swami explique que là où il y a Sraddha, il y a Virya.

[Yo-guy]

Bonjour à toutes et à tous,
Me revoilà après un petit temps de pause contraints par le travail... puis quelques congés
J'essaie de rattraper mon retard dans cette étude.
Le thème de l'ardeur revient souvent et cela n'est pas anodin.
Vos différents messages permettent d'en approcher la nature.
Ardeur, enthousiasme, passion. Je ne suis pas certain qu'il faille mettre tout au même niveau.
D'ailleurs, dans un sens, la passion me semble tout à fait contradictoire avec le détachement promu par les Yogas Sutras.
Lorsque Nisargadatta parle de : "rechercher un esprit clair, et un coeur limpide (...) demeurer tranquille et vigilant tout en cherchant au sein de votre véritable nature." cela me semble également très éloigné de la passion, qui aveugle, qui empêche de raisonner, etc.
Merci Mithuna pour ces distinctions avec le feu de paille... C'est de cela dont je parlais précédemment, que l'on présente parfois comme signe de la foi, de l'ardeur et qui se manifeste dans des débordements parfois totalement inadéquats, une absence de sens critique.
Sans avoir peur à nouveau des contradictions, l'ardeur semble davantage une passion froide, une conviction profonde (mais peu formulable, presque un vide) qui fait que nous nous asseyons par exemple sur notre tapis jours après jours, qui va ensuite, il est vrai, infuser progressivement dans notre quotidien, nous offrir des rappels face à certains comportements, dans des situations où nous nous laisserions habituellement emporter. Sans ostentation. Comme un feu qui couve. Toujours là.
Mais pour revenir à ce sutra, il nous questionne sur notre engagement (voilà un autre terme qui pourrait aussi aller avec ardeur). Il est nécessaire, il doit être présent.
Mais que veut dire très vite ? Selon quelle échelle de temps ? Patanjali veut-il motiver ses troupes ?