Bonne et heureuse année 2025 !Yoga Sutra de Patanjali a écrit :16. Le degré ultime, c’est l’intuition directe du Soi par le rejet des fonctions inhérentes de la manifestations.
Voici le sutra 16...
Pour saisir ce sutra, il nous faut revenir à la version sanskrite...
tatparaṁ purusa-khyāteḥ guna-vaitr̥ṣṇyam
tat = que, le
param = suprême
purusa = purusa, le voyant
khyati = réalisation
guna = qualités (sattva, rajo et tamo)
vaitrsnyam = absence de désir
La notion de Purusha appartient au Samkhya, qui nous expose les 25 éléments qui nous composent.
Le Purusa dans le Samkhya veut dire "l'homme dans la cité".
Pour le Samkhya le Purusa est multiple, il y a autant de Purusa que d'homme, il est non unique comme dans une vision moniste. Le Purusa est non créé ni créateur de Prakrti, la manifestation (Prakrti) en opposée est, elle aussi, non créée ni créateur du Purusa. Le Purusa et la Prakrti se comportent comme le couple mythique de l’aveugle et du paralytique. Le paralytique est porté par l’aveugle, le paralytique guide l’aveugle…
Le Samkhya, pose dès le départ cette condition de dualité entre Purusa et Prakrti pour donner la possibilité de mieux distinguer cette polarité.
Le Shivaïsme, comme bien d'autres visions, acceptent la description précise est scientifique de la manifestation et des 25 éléments qui la compose et rajoute 11 éléments pour arriver à une vision moniste où Shiva devient Purusa dans la manifestation.
Il est impossible de séparer le Samkhya des YS, ils se retrouvent dans les Darshan.
On trouve aussi le mot Guna, lui aussi dans le Samkhya, qui sont les qualités de l’énergie au nombre de 3 (Rajas, Tamas, Sattva).
On peut comprendre les gunas par la vision de l’eau.
L’eau gelée est soumise à la qualité de l’énergie Tamas, inertie, apathie, ignorance, obscurité, force centripète…
L’eau sous forme de vapeur est soumise à la qualité Rajas, action, mouvements, passion, force centrifuge, douleur…
L’eau liquide est sattvique, équilibre, force orbitante, pureté, lumineux, propice à l’apparition de la Présence et de la lumière.
J’aime cette idée de « degré ultime », le mot khyati propose la « réalisation », l'expérience ultime…
La réalisation est un état auquel on appartient totalement ou pas du tout, comme toute réalisation.
Par exemple, je travaille sur un exercice de math, je ne comprends pas…
D’un coup vient la compréhension de l’exercice et cela devient évident.
La seconde avant la prise de conscience, je n’avais pas l’idée de la chose, la seconde après la chose est là, indélébile à jamais…
Le plus fou dans cette « réalisation » c’est que rien n’y mène en ligne droite, rien !
On pourrait croire que de prier, méditer, devenir gentil, fervent, « spirituel » aiderait à la réalisation, mais non, rien de tout cela ne permet la réalisation et des centaines de textes parlent clairement de cela. Je pense par exemple au VijnanaBhairava tantra, qui débute par la Shakti qui énumère des dizaines de qualités qu’elle possède et qu’elle a comprise pour finir par dire qu’elle n’y est pas.
Et Shiva qui dit que tout cela ne sert à rien, que tout est dans la finesse de l’instant décisif…
Je vous engage aussi à écouter ce que dit Stephen Jourdain, sur la réalisation :
« Curé, plombier, député, esprit aigu, vivant, âme cartonneuse, esprit cultivé, homme en friche, homme de rigueur, tricheur, tous dormants, tous évanouis au même degré, tous persuadés de veiller et privés de conscience de la même façon exactement.
Car ce sommeil métaphysique est sans graduation, sans nuances, est un unique niveau auquel on appartient tout à fait ou pas du tout.
Comment leur faire comprendre qu'ils dorment ?
Ils admettraient volontiers que le degré de conscience qu'ils ont d'eux-mêmes n'est pas ultime, que cette saisie de soi pourrait, quantitativement, être améliorée.
Comme on rendrait plus clair, plus intense un jour qui serait déjà levé. Mais comment leur faire croire.
Comment simplement leur faire poser l'hypothèse que précisément, ici, le jour n'est pas encore levé.
Que la question se pose réellement de savoir si la lueur qu'ils connaissent participe du fait diurne.
Comment leur faire savoir qu'en cette vigilance extrême qu'est la conscience de soi habituelle, ils dorment !
Qu'en son essence le phénomène, appelé état de veille, dort."
Oui, en son essence le phénomène appelé état de veille dort !!
Que cette vigilance extrême de la conscience dans l’état de veille dort !
Assurément, cela est très dur à entendre, à comprendre, à accepter…
Nous faisons tous tant d’efforts, nous pensons tous tant avoir de maitrise sur ceci ou cela, nous aimons tellement toutes nos pratiques, nos démarches, mais tout cela ne permet pas d’aller à la réalisation…
J’entends Nisargadatta nous dire que nous n’avons pas besoin de guru, qu’il est en nous et que la seule chose que nous avons à faire est de chercher en nous, d’aller vers la chose qui dit : "je suis" pour sortir de toutes les illusions de la manifestation et accéder à un état au-delà de l’univers, où justement tout l’univers est contenu en nous dans une infime partie de ce que nous sommes réellement. Mais cet état demande un long travail dans l'immobilité et le silence de soi.
Rejeter les fonctions inhérentes de la manifestation, c’est s’éloigner des gunas, de toute la manifestation, ce n’est pas une démarche volontaire, psychologique, intellectuelle, ni un état graduel, c’est un État, celui d’accéder à tout, d'être hors tout.
Abhinavagupta nous dit :
S’il manifeste l’univers, il cache sa nature.
S’il manifeste sa nature, l’univers disparait.
Un peu plus loin, Patanjali nous dit que ceux qui n’ont pas atteint cet état ultime, deviendront éventuellement des Dieux…
Les Dieux eux-mêmes sont subjugués par celui qui s’est réalisé…
Le réalisé est celui qui a réalisé Dieu en lui, et en lui il n’y plus que Lui…