Ether... et Terre !

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kavi
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Ether... et Terre !

Message par kavi » 16 déc. 2006, 01:27

Je me permets de répondre à sur un autre fil par pur souci d'intelligibilité, l'autre topic devenant un peu "fouillis" ;-)

a écrit :Kavi peux-tu expliquer (euh, sans trop de jargon indouiste), vraiment concrètement, comme une histoire, ce qui est dit sur le son dans la création de la matière. As-tu l'expérience toi-même de quelque chose affirmant l'importance des sons dans les processus vitaux (autre que des mantras), ou dans le langage symbolique de la nature ?

Je vais faire de mon mieux, et éviter le "jargon" ;-)
Tout d'abord, tu as raison de souligner les échanges culturels entre le bassin méditerrannéen et l'Inde, ceux-ci ayant été féconds. Si cela t'intéresse, puisque tu parles du caducée, je me souviens qu'une certain Boulnois a consacré une étude au rapport de ce symbolisme avec l'Inde dravidienne (donc l'Inde du sud non védique).

Maintenant, et j'espère ne pas m'avancer trop en écrivant cela, je crois qu'en ce qui concerne les conceptions grecques sur la matière, que ce soit dans les écrits d'Aristote ou dans l'atomisme de Démocrite, on doit trouver plus de liens avec un des six darshana (littéralement : point de vue) le vaisheshika. Il y est en effet question d'analyser la nature matérielle du monde dans ses constituants, d'une manière sensiblement différente de celle du samkhyâ qui pour sa part opère un dénombrement, une mise en catégorie du monde.
On trouve l'idée d'une Parole source de la manifestation dès l'époque védique. Elle apparaît à la fois comme fille des dieux et origine de ceux-ci. C'est le serpent qui se mord la queue.
A côté de cela il y a donc toute une spéculation sur la Parole qui s'est bâtie, devenue une architecture fort complexe et cardinale dans le tantrisme - particulièrement celui du Cachemire.
Mais ces spéculations concernent le dynamisme responsable du déploiement de l'Univers et non une analyse de la nature matérielle de celui-ci.
En voici les grandes lignes.
Fidèle à la quadripartition que l'on retrouve à l'oeuvre dans d'autres domaines, la Parole se révèle quadruple. Celle que nous proférons, qui existe en tant que vibration matérielle, est la plus dense, la plus "grossière". Les trois autres états vont dans le sens d'une plus grande subtilité. La parole avant d'être proférée est une intention, plus ou moins définie, une "vibration" de la Conscience. Cet ébranlement, appelé spanda (pardon pour le jargon !) en tant que geste de la Conscience qui observe son propre éclat est premier moment du déploiement. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'un "son" matériel qui précéderait l'espace et le ferait advenir, mais d'une vibration subtile qui fissure un certain silence. Bien entendu, celui qui s'occupe de mantra cherche à parcourir le chemin dans l'autre sens.

En ce qui concerne la deuxième partie de ta question, je ne suis pas certain de la saisir. Il est clair que certaines fréquences influent sur l'organisme mais je suppose qu'il ne s'agit pas de ce que tu vises. Si tu veux bien compléter ta formulation, peut-être y verrai-je plus clair... peut-être pas ;-)

Kavi
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Message par kavi » 19 déc. 2006, 21:07

a écrit :Voici le lien trouvé sur internet :

http://www.maisonneuve-adrien.com/descr ... aducee.htm

Il est écrit notamment dans la présentation que : "L'Inde pré-aryenne était un centre de culture qui avait essaimé sur une grande partie de l'Univers."

Pour manipuler nos propres croyances et concepts, il est important de chercher d'où ils viennent...
Je n'ai jamais ouvert ce livre mais l'ai souvent trouvé cité. Il s'y trouve probablement des idées intéressantes, toutefois attention au matériel historique qu'il utilise et qui a été renouvelé depuis. Notamment, l'Inde pré-aryenne mériterait certainement un pluriel. En tout cas, j'entendais encore tout récemment parler à la radio des échanges culturels et commerciaux entre le(s) civilisations de l'Indus et le monde mésopotamien. Un très riche champ d'investigation à n'en pas douter.
a écrit :Il serait très intéressant d'établir cette relation (si elle existe !), même pour aujourd'hui, dans la mesure où l'atomisme était extraordinairement "moderne" (comparé surtout aux idée qui vont prédominer par la suite).
TU veux dire qu'il serait intéressant de savoir si l'atomisme de Démocrite et les théories du Vaishshika se sont construites parallèlement sans interférences ou bien, si des transferts de connaissance ont eu lieu d'est en ouest ?
Je n'ai plus les dates en tête pour le vaisheshika, mais si cela t'intéressen je pense qu'on doit pouvoir trouver du matériau sur cette question. Tout comme certains chercheurs avaient crû pouvoir déceler une influence de la pensée des upanishad sur certaines doctrines des grecs, comme l'encratisme (excuse-moi pour ce mot barbare dont je peinerais à te donner la définition exacte :-)). Il semblerait toutefois qu'en ce qui concerne ce dernier fait, il n'y ait pas eu de contact direct entre les intéressés. Je pense qu'il doit être très difficile de reconstituer le mouvement des idées à des époques aussi lointaines et dont les écrits ne s'embarassaient pas des préoccupations épistémologiques qui 'ils ignoraient devoir les suivre. :-)

aloutte a écrit :
On trouve l'idée d'une Parole source de la manifestation dès l'époque védique. Elle apparaît à la fois comme fille des dieux et origine de ceux-ci. C'est le serpent qui se mord la queue.
Ouroboros ! "Au commencement était le verbe".:wink:
Tout juste ! ;-)
aloutte a écrit :Je vais relire plus attentivement la suite de ton message pour être sûre de bien le comprendre. Mais il semble que l'on revienne toujours à la "vibration" (certains plongeront dans un grand débat sur la théorie des cordes mais je me méfie de la vulgarisation de la physique quantique).
Tu as bien raison de te méfier. La vulgarisation est une tâche noble et extrêmement difficile à accomplir de manière juste. Il est vrai qu'il est tentant parfois de se livrer à des comparaisons et des rêveries métaphysiques convoquant sagesses anciennes et sciences contemporaines. Certains s'en sont fait les champions, comme Capra. Dans le domaine du tantra, Papin a suivi un autre chemin. Il a donné un livre exploitant principalement des données sur le shivaïsme du Cachemire (tel que Silburn l'a traduit et annoté) et a tenter d'intégrer un regard sur la physique contemporaine qui y fasse écho. Je ne m'en souviens guère, si ce n'est que je n'avais pas été vraiment convaincu du bien fondé de la démarche, mais cela me donne envie d'y retourner voir, dès fois que j'aurai été injuste et trop prompt dans mon jugement.
a écrit :La deuxième partie de la question visait le "langage symbolique" ou si on veut "le langage des dieux". Jung en s'intéressant aux mandalas avait compris qu'ils étaient le résultats de millénaires d'observation d'images mentales collectives. Il est probable que le mantra soit la même chose pour le son.

Mais si le son correspond à une vibration, les images (comme celles reçues lors de méditations) sont elles aussi issues de vibrations ?

Puisque tu fais tu yoga (enfin, je crois) as-tu creusé la question ?

:wink:
Je ne connais Jung que par quelques concepts vagues, pêchés dans des articles ou ouvrages destinés à introduire à sa pensée. Je n'ai donc malheureusement pas une idée précise de la manière dont il a traité le problème des mandalas et yantras (il y a consacré un ouvrage, c'est bien cela ?)
Je ne suis pas certain de saisir le parallèle que tu induis, mais il est juste que les pandits pensent que la sanskrit est une langue parfaite (c'est même le sens littéral de sanskrit = achevé), et que les bijâ mantra sont autant de syllabes au potentiel créateur qui tirent leur force de ce côté "originel". A ce propos, voici un post tiré du blog d'anargala avec quelques considérations intéressantes sur la parole (il faut faire le tri dans les commentaires, comme d'habitude dans ce genre de format, on trouve des petits plaisantins)
http://shivaisme-du-cachemire.skynetblo ... angage-ou-

Pour le fond de ta question, à savoir la réception de "vibrations" sonores ou lumineuses, je me réserve un délai supplémentaire pour te répondre, car je dois m'interrompre maintenant pas plus tard que tout de suite incessamment ;-)

Kavi
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Message par kavi » 24 mars 2007, 19:41

Puisqu'il semble qu' soit de retour, et que moi-même je passe dans le coin, relançons un peu la discussion.
Je ne suis pas très enclin à tenir les bijâ mantras (dont le plus connu est le fameux Om) pour des données naturelles qui existeraient sur un plan archétypal. Pour être plus précis, je pense qu'il entre une part culturelle non négligeable dans la forme de ces bijâs. Je ne saurais dire à quel moment la spéculation pure l'emporte sur le ressenti intuitif. Ce qui est certain, c'est que d'anciennes syllabes rituelles védiques sont réinvesties dans le rituel tantrique, et que des significations nouvelles leurs sont données. Il y a une formidable et séduisante volonté de cohérence dans les exposés des philosophes de la trempe d'Abhinavagupta qui décodent les bijâs en fonction des lettres constitutives en donnant des valeurs métaphysiques et cosmogoniques à chacune d'elle.
Sur un plan plus pratique, qu'ai-je pu constater ? Tout d'abord l'importance de l'énonciation (qu'elle soit proférée à voix haute ou intériorisée) qui prime peut-être sur ce qui est énoncé (en ce qui me concerne, en tout cas). En d'autres termes, se rendre disponible à l'émergence et à l'évanescence d'un son conduit assez naturellement l'esprit conscient à goûter à la sensation que d'aucuns nomment spatialité (ou vacuité ou bien d'autres choses, selon les "racines" des uns et des autres). Maintenant, il me semble aussi, mais j'aurais du mal à expliquer le "comment" du phénomène, que les mantras associés à certains points du corps contribuent à "configurer" d'une certaine manière l'espace intérieur du pratiquant. Ils se font un chemin, un lit à la manière d'une rivière, qui devient au fil du temps plus manifeste et accessible à celui qui les accueillent, et qui permet de réorienter certaines énergies (émotions, pulsions etc.).
A côté de cela, il y a aussi le pouvoir du "chanter ensemble", le renforcement vibratoire mêlé au nécessaire attelage du souffle qui permet de goûter une certaine ivresse et l'état pacifié qui la suit ou s'y conjugue. Mais il ne s'agit pas à proprement parler de travail sur le mantra.

J'ai vu ailleurs que tu parlais des mudrâs. C'est un sujet que je trouve assez complexe du fait que les définitions changent considérablement en fonction du contexte, des écoles et parfois au sein même d'un seul discours.
Il m'est arrivé aussi de laisser des gestes s'accomplir "spontanément", au cours de méditations, concentrations etc., mais pour une certaine part, il s'agissait aussi de données culturelles (iconographies, enseignements) qui s'actualisaient de la sorte. Cela n'enlève rien au fait qu'il y a une efficience qui est plus ou moins consciemment recherchée ainsi. Je serais curieux de savoir quel type d'effet est induit de la sorte au niveau de l'activation de certaines zones cérébrales.
Toutefois, l'aspect purement gestuel des mudrâs semblent ne les circonscrire que très imparfaitement ; il y est souvent fait allusion en effet en tant qu'attitude mystique nécessitant ou non une pratique corporelle (sans parler des mudrâs hatha yoguiques qui travaillent encore sur un autre plan).
work in progress...

(tu as bien raison de rechercher dans ton vécu le plus immédiat le sens de mots ou d'idées qui sans cela risquent toujours de dormir dans le grenier des rêveries béates ;-))
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