- dans le fameux article de Pierre Feuga sur le Coeur dans le Shivaïsme Tantrique du Cachemire
- dans les messages de Denis qui rapproche la bhavana de : émerveillement, subjugation, invocation
- dans un texte sur la peur écrit par un certain Aliboron, que voici :
Enfin, m'étant procuré le "Petit Manuel d'Emerveillement" d'Erik Sablé (que je conseille) - je vous livre quelques passages :Aliboron a écrit :Dans le Vijnana Bhairava tantra :
"...dans la terreur et l'anxiété ou quand on surplombe un précipice, lorsqu'on fuit le champ de bataille, (...), la condition faite d'existence brahmique se révèle".
Approche tantrique donc, avec le sens "pragmatique" qui caractérise cette adaptation de sagesses antérieures à notre époque tourmentée mais riche en opportunités si l'on s'affranchit des "morales", garde-fous plutôt nécessaires aux "contrats-social", mais facheusement hors-sujet dès qu'on aspire aux noces du ciel et de l'enfer, comme disait William Blake.
Pour celle du champ de bataille, par exemple, voir ce qu'en éprouva Ernst Junger et qu'il relate dans "orages d'acier". Il ne s'agit plus d'une maîtrise "héroïque", mais d'un déchirement des apparences, mise à nu de l'au-dedans par la terreur... révélant au "patient" que le monde est identique à l'essence.
Le tantra, d'où j'extrais cette "technique" en rapport avec ce fil, la décline sur bien d'autres modes que la seule peur, nous proposant "d'outrepasser à chaque instant tout ce que nous sommes, tout ce que nous faisons". Ce, sans aucune considération morale plus ou moins "spiritualisante". On fait, ici, feu de tout bois. Comme y invitait Saint Augustin par exemple : "A l'instant-même où au mot de vérité tu es comme saisi par un éclair... demeures-y si tu peux !"
M. Bruno de préciser : "L'effet de l'instant dépend de la capacité de celui qui l'éprouve à se détacher de l'impression qui l'a suscité et à rompre avec la pensée dualisante. S'il tourne court chez la plupart, c'est qu'ils ne savent pas 'intérioriser, se jeter tout entiers dans l'étroite brèche, porte du nirvikalpa".
On n'est pas dans la méditation (qui n'en est pas pour autant à rejeter), mais dans un usage "violent", ardent, de l'intention, de l'intuition intellectuelle "pure".
L. Silburn, sur cette "faculté" nommée bhavana par nos tantrikas, rapporte qu'elle
" n'est au fond qu'une forme de la pure énergie considérée en son indétermination; c'est pourquoi elle réside dans les aspects les plus variés de cette énergie : sur le plan de la connaissance elle se manifeste comme la saisie intuitive globale et non développée qui annonce l'illumination;
ou à un niveau inférieur, comme une représentation dynamique et vague de l'acte à accomplir.
Sur le plan de la volonté, elle est intention première, ébauche de l'acte, "propension vers";
sur le plan de l'imagination, conscience imaginante dans l'exercice de son acte, alors que l'image va surgir."
Aussi, je ne crois pas vos points de vue sur la peur et sa "maitrise" suffisants d'un point de vue à visée "initiatique". Rien de commun avec une thérapie, aussi nécessaire puisse t'elle s'avérer parfois. Un égo en bonne santé (aussi "farfelu" puisse t'il sembler par rapport à la norme) est un préalable en cette voie.
Car, pour en revenir aux énoncés hermétiques appliquant cette intuition musclée à leur niveau, ainsi que Zozime le rappelle : "Il faut comprendre que nous avons un travail terrible en voulant réduire à une essence commune les Natures, l'individuelle et l'universelle".
Soit comme le prolonge J. Boehme : "l'être se libère de la mort par une agonie qui s'accomplit dans la grande angoisse de l'impression qu'est la vie mercurielle".
Il s'agit du contact avec le "venin", force dissolvante qui brise les essences finies. Pour ressusciter le vivant, il faut que la mort meure.
Ainsi l'opération nécessaire, pour abstraite qu'elle paraisse, s'effectue via le corps ; ce dernier malgrè les apparences (et le Védenta) n'a rien à voir avec le vilain égo.
La racine du problème se trouve à un niveau beaucoup plus "viscéral", il s'agit "d'exalter la puissance divine que possède la nature humaine, analogue disaient les Orphiques, à celles des Titans. Mauvaise, comme celle de leurs ancètres fabuleux, mais, qui n'en gardait pas moins, dans ses profondeurs, un peu de la substance surhumaine absorbée par ces êtres fabuleux". (R. Alleau).
Boehme encore, affirme : "Dans cet ange défaillant qu'est l'homme, le corps engendre l'âme. Et la chair, même si elle n'est pas esprit, est la mère de l'esprit".
Développement : "C'était le corps lui-même qui devait, en quelque sorte réinventer complètement son image, comme la conscience son langage, ce à travers les épreuves de cette nouvelle naissance". (R.A.)
"C'est donc le sens de l'éternité qui est l'enjeu du combat, car la Vie elle-même, dans toute la plénitude de son rayonnement, demeure inaccessible à l'être enchainé par l'angoisse aux terreurs primordiales et comme cellulaires de son corps". (R.A.)
"Terribles et sombres retentissent les nuages d'Anahata sur ces trois planches.
La conscience, assoiffée, tournoie dans le ciel,
sans cesse". (poème tantrique)
Et pour finir, en relation avec cette "ligne de doute" :La vie écoule sa ronde d'habitudes et d'évidences. Brusquement, il y a un arrêt, une rupture.
Un poisson de lune se glisse derrière notre regard
Une fêlure
Un décalage
Une minuscule révolution de conscience presque imperceptible et pourtant radicale
L'espace d'un instant, la porte de l'émerveillement s'ouvre...
Nous réalisons que nous sommes "là", et ce simple fait nous bouleverse
Nous touchons du doigt le grand mystère originel
*
Certains récitent des mantras, font des rituels, se concentrent sur leur nombril.
Ils ne voient pas qu'ils suivent encore le mouvement de la roue qui tourne sans relâche, même s'ils se promènent dans les états les plus subtils de cette roue.
Seule l'interrogation ouvre le regard et rend présente la merveille
*
Là, je suis face à l'incroyable merveille du temps, qui n'est pas et qui est.
Le passé est un souvenir, le futur inexistant
Seul l'instant est là
Mais l'instant s'évanouit entre mes doigts lorsque j'essaye de le saisir...
Alors ?...
Alors reste avec ta question, Qu'elle descende jusqu'au fond de toi,
te décape,
te brûle,
et que seules demeurent les cendres transfigurées de l'émerveillement.
"Dans le Zen, il importe avant tout de provoquer "I Chin", c'est-à-dire une profonde sensation de doute. Qu'est-ce-que la sensation de doute ? C'est quand on se demande : "où étais-je avant ma naissance ?", "où irais-je après ma mort" , on ne peut y répondre et cette ignorance est génératrice d'une puissante "sensation de doute" dans l'esprit. Installez-y solidement ce doute jusqu'à qu'il devienne une obsession dont vous ne pourrez plus vous débarrasser" (in Pratique du Zen)
*
Bon finalement j'ai mis un peu de tout dans ce sujet... Mais j'ai l'impression que cette notion est essentielle, alors n'hésitez pas à développer !