Oliver
, c’est difficile de répondre à des questions (très intéressantes) quand la réponse ne doit surgir que par soi-même, c’est-à-dire par l’expérience personnelle, c’est la connaissance directe qui peut répondre à toutes les questions, mais à double tranchant : soit dans la clarté, soit dans l’illusion…comme par exemple lorsque tu te trouves dans ta maison, et que tu entends un bruissement d’eau suivi d’un grondement, tu sais que c’est une pluie orageuse qui vient de s’abattre sans même ressentir le besoin de sortir dehors pour le constater…ceci est une connaissance juste qui s’est manifestée par l’ensemble de tes instruments de perceptions corporelles, sensorielles et mentaux (Antahkarana), donc sattvique (clarté)...dans le cas d’une connaissance erronée (tamasique), si tu entends une personne marcher derrière toi en pensant, sans même te retourner, que c’est ton père, alors qu’il s’agit de ton frère, là aussi il n’y avait aucun doute sur la validité de cette connaissance au moment de la perception (comme pour la pluie), et pourtant tu étais dans l’illusion…
Ou se trouve la faille lorsque nos moyens de perceptions ne peuvent pas faire le tri entre le vrai et le faux ? Elle vient de la validité d’Ahamkara qui prend pour vrai ce qui ne l’est pas…qu’il s’agisse d’une connaissance juste ou erronée, c’est la notion "Je suis", cette pseudo-conscience qui est toujours concernée…
Une connaissance est réalisée à partir d’une transformation de certains éléments de l’individu et en particulier par ses fluctuations mentales : l’information arrive par l’extérieur, dans le cas d’une fleur, la vue subie une transformation en recevant l’impression d’une fleur : "il y a devant moi un objet qui a la forme d’une fleur"(Manas), immédiatement Buddhi, la discriminatrice : "son odeur, sa couleur, sa texture et sa forme ressemblent à une rose rouge", donc, aussitôt que cette image s’impose à notre esprit, Ahamkara l’ego, rejoint Buddhi : "oui, c’est une belle rose rouge et parfumée"…et idem dans le cas d’une connaissance erronée comme celui de prendre la corde pour le serpent…
Buddhi, Ahamkara et Manas formant ce tissu mental (Antahkarana) ne peuvent pas se passer l’un de l’autre…si on peut résumer en quelques mots cet organe interne, cela reviendrait à : "je sais que je vois une belle rose rouge et parfumée" dans le cas d’une connaissance juste mais aussi dans le cas d’une connaissance erronée…il est en quelque sorte le grand Mental avec un grand M…
Cette notion du "Je" qui est prise pour la vraie Conscience est une entité matérielle à cause de sa transformation : tout ce qui est transformable et perceptible représente une entité matérielle…et une entité matérielle ne peut pas affirmer sa propre existence puisqu’elle n’a pas de conscience…
Dans le cas de la perception d’une fleur, c’est un changement de la notion du "Je" par rapport à son état précédent lorsqu’elle ne percevait pas cette fleur…et c’est pour cette raison que la notion du "Je" a besoin d’un révélateur (la lumière de Purusa se reflétant dans Buddhi qui devient un réverbère, une faculté subtile de conscience) pour affirmer l’existence de la notion du "Je" avec son aspect spécifique : "je suis un homme", "je vois une fleur" etc…mais si Buddhi est voilée par la confusion, l’erreur, par des fluctuations émotionnelles et mentales alimentées de désirs, de croyances et d’expériences de toutes sortes, elle devient terne et ne peut plus refléter la clarté et la plénitude de Purusa…mais seulement en apparence…car ce qu’on nomme "inconscience" n’existe pas vraiment, elle est seulement voilée par l’ignorance mais la Conscience est toujours présente, car l’absence de connaissance, de conscience, d’un état d’être, d’une chose, d’un phénomène ou quoi que ce soit d’autre est impossible : pour constater l’absence d’une chose, il faut d’abord la connaitre…Si nous n’avions aucune connaissance ni conscience de la joie, par exemple, on ne pourrait pas constater son absence…la constatation d’un manque de joie ne signifie pas qu’elle est inexistante, elle est seulement absente de sa manifestation apparente…tout comme l’absence de pensées n’est pas un "vide" ou une inconscience, car il faut bien "quelque chose" pour constater cette absence de pensées : c’est une conscience de la non apparence de phénomènes relatifs et impermanents…toute constatation ou révélation exige une Présence révélatrice…
Dans un état de méditation profonde ou de sommeil profond, la "conscience de soi", c'est-à-dire notre ego, ainsi que les diverses manifestations physiques et mentales perçues habituellement par cette "conscience" sont en "inertie"...ce n'est pas une inconscience proprement dite mais un état d'inertie rendant impossible la notion du "je" et ses manifestations de manière apparente...et lorsqu'on "revient à soi" (méditation) ou qu'on se réveille (sommeil), on a conscience d'avoir vécu personnellement "quelque chose de fort, sublime et sans mot", ou bien un sommeil de plomb !
Ce souvenir résultant de l'absence de la personnalité et de ses manifestations est pour moi la preuve incontestée d'une Conscience, d'un Soi révélateur et présent, une Conscience-Témoin coexistant simultanément avec la réalisation de ces états...