LES NOURRITURES TERRESTRES -André Gide

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hridaya
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LES NOURRITURES TERRESTRES -André Gide

Message par hridaya » 14 janv. 2022, 11:23

un petit extrait qui m'a bien parlé, bonne journée a vous.

J’ai vu le ciel frémir de l’attente de l’aube. Une à une les
étoiles se fanaient. Les prés étaient inondés de rosée ; l’air
n’avait que des caresses glaciales. Il sembla quelque temps que
l’indistincte vie voulût s’attarder au sommeil, et ma tête encore
lassée s’emplissait de torpeur. Je montai jusqu’à la lisière du
bois ; je m’assis ; chaque bête reprit son travail et sa joie dans la
certitude que le jour va venir, et le mystère de la vie recommença de s’ébruiter par chaque échancrure des feuilles. – Puis le
jour vint.
J’ai vu d’autres aurores encore. – J’ai vu l’attente de la
nuit…
Nathanaël, que chaque attente, en toi, ne soit même pas un
désir, mais simplement une disposition à l’accueil. Attends tout
ce qui vient à toi ; mais ne désire que ce qui vient à toi. Ne désire que ce que tu as. Comprends qu’à chaque instant du jour tu
peux posséder Dieu dans sa totalité. Que ton désir soit de
l’amour, et que ta possession soit amoureuse. Car qu’est-ce
qu’un désir qui n’est pas efficace ?
Eh quoi ! Nathanaël, tu possèdes Dieu et tu ne t’en étais
pas aperçu ! Posséder Dieu, c’est le voir ; mais on ne le regarde
pas. Au détour d’aucun sentier, Balaam, n’as-tu vu Dieu, devant
qui s’arrêtait ton âne ? parce que toi tu te l’imaginais autrement.
Nathanaël, il n’y a que Dieu que l’on ne puisse pas attendre. Attendre Dieu, Nathanaël, c’est ne comprendre pas que tu le possèdes déjà. Ne distingue pas Dieu du bonheur et place tout
ton bonheur dans l’instant.
J’ai porté tout mon bien en moi, comme les femmes de
l’Orient pâle, sur elles, leur complète fortune. À chaque petit
instant de ma vie, j’ai pu sentir en moi la totalité de mon bien. Il
était fait, non par l’addition de beaucoup de choses particulières, mais par mon unique adoration. J’ai constamment tenu tout mon bien en tout mon pouvoir.
Regarde le soir comme si le jour y devait mourir ; et le matin comme si toute chose y naissait.
Que ta vision soit à chaque instant nouvelle.
Le sage est celui qui s’étonne de tout.
chevauche la monture du silence, afin de rejoindre le Guru Kabir
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