musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

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prajnaPat
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musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par prajnaPat » 24 oct. 2008, 12:19

Un second post (après celui sur Girija Devi) pour présenter un des plus grands sitaristes du XXème, Nikhil Banerjee. Musicien spirituel s'il en est. Dans un traité canonique de la musique indienne, on trouve la définition suivante d'une note : ce qui brille de sa propre lumière. Et chaque note de Nikhil Banerjee correspond bien à cette définition. Je suis particulièrement touché par la douceur de son jeu, son son lumineux et par son sens du temps (comme un flot d'énergie ininterrompu, une sérénité totale). Et surtout, par son abscence d'égo ; il ne se sert pas de la musique pour impressionner et briller, mais se place en retrait, comme un médium, au service de la musique.

Voici une vidéo de l'alap du raga Bhimpalasi. (Un alap est la première partie d'un raga, sans pulsation rythmique, sans thème mélodique, qui sert à exposer la couleur du raga, en faisant ressortir une à une les notes qui composent la gamme sur lequel il repose).



Sous google, en tapant "Bhimpalasi", on trouve un site dans lequel l'auteur écrit à propos de ce raga : "Raga Bhimpalasi has the penetrating power to infect the human mind and control it for days and weeks on end. There is as yet no known antidote to the Bhimpalasi contagion. Fortunately, it strikes only those with a mind and so the damage is restricted to a very small fraction of humanity". Alors joué par le grand Nikhil...

N'étant pas un gnostique, immerger mon esprit dans le courant de la musique de Nikhil banerjee est sans doute ce qui m'amène au plus près d'une expérience du divin.

Une autre vidéo du même personnage :


Je l'aime bien car elle montre comment se fait l'enseignement : le guru chante une mélodie et le disciple doit la rejouer et l'apprendre par coeur. Dès les premières notes du maître (après la courte interview), je suis téléporté dans la 4ème dimension, pas besoin de voyage astral, lol ! Si ce bonhomme n'est pas un avatar de Sarasvati, je veux bien être pendu.

Une interview intéressante de Nikhil Banerjee se trouve ici :
http://www.raga.com/interviews/207int1.html

Voir les traductions ci-dessous...

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Un autre morceau "immense" sous youtube :
Modifié en dernier par prajnaPat le 19 août 2009, 15:23, modifié 1 fois.
Ganesh
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par Ganesh » 09 nov. 2008, 17:24

Merci prajnapat,

vraiment on se laisse transporté par ce que joue Nikhil Barnherji, je ne le connaissais pas, je connaissais plutôt Ravi shankar...
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par prajnaPat » 09 nov. 2008, 21:25

:D
Ah ! content que ça te plaise. Ravi Shankar est un musicien qui a eu très jeune une grosse exposition médiatique et j'ai l'impression qu'il a cherché toute sa vie à plaire aux foules. Pour ma part, je trouve que ça se ressent dans sa musique... Nikhil Banerjee était quelqu'un de beaucoup plus humble et sa musique et très spirituelle je trouve, enfin, on dirait que tu as senti ça aussi.

Il y a beaucoup de disques de lui. Sinon, en sitar, tu peux notamment écouter :
balaram pathak
Rais khan
amar nath mishra

Mais Nikhil Banerjee reste le top à mon humble avis. Par contre, :evil: essaye de ne pas massacrer l'orthographe de son nom...
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par Ganesh » 10 nov. 2008, 09:40

Excuse moi pour l'orthographe :wink: par rapport à Ravi Shankar Nikhil Banerjee, c'est exactement celà qui me plaît, et durant mes massages ayurvédique je pense que celà conviendrait parfaitement car, au delà du toucher j'ai envie de transmettre une dimension spirituelle. Et un grand merci pour les autres références :)
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par prajnaPat » 29 avr. 2009, 21:14

Je viens de découvrir un sitariste français (Auvergne) qui joue un peu dans le style du grand Nikhil Banerjee. Il a vraiment réussi à s'approprier l'esthétique de la musique classique indienne (pour ce que mon peu de connaissance en la matière me permette d'en juger) avec cette temporalité dilatée et cette douceur si particulière... (et ce phrasé...). J'aime beaucoup en tout cas.
C'est une chance d'avoir un musicien comme ça en France, à mon humble avis.

Une vidéo d'un alap :


Et plein de bonnes choses sur sa page myspace. :reveur:
http://www.myspace.com/nicolasdelaiguesitar
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par prajnaPat » 11 mai 2009, 22:24

Je viens de traduire quelques passages de l'interview de Nikhil Banerjee (lien ci-dessus) en rapport avec le forum. Pour pouvoir partager avec ceux qui ne lisent pas bien l'anglais :wink:

Personnellement, j'y trouve tellement d'énergie et d'intransigence !
Les commentaires sont les bienvenus :D

Voici :

le dhrupad était à l’origine un chant d’adoration dans les temples et la musique était considérée comme une voie spirituelle.


Vous savez, c’est une chose très importante à propos de la musique indienne que les occidentaux doivent comprendre : la musique indienne est basée sur la spiritualité, c’est le mot central, vous devez le garder à l’esprit. Beaucoup de gens se trompent et pensent que cela est lié à la religion, non, absolument pas ! Rien à voir avec la religion, mais avec la spiritualité – la musique était pratiquée et étudiée pour connaître la Vérité Suprême. Mirabai, Tyagaraja venant du sud, Haridas Swami, Baiju – tous ces grands compositeurs et musiciens étaient des saints errants ; ils ne participaient pas à la vie mondaine et ne se produisaient pas en société. C’est l’origine de la musique indienne, et cette musique était étudiée et jouée à la recherche de la vérité. Ce sont les racines de la musique classique indienne ; vous devez toujours garder cela à l’esprit. Dans les temples, la musique était chantée quotidiennement face aux statues, aux idoles. A Mathura-Brindaban, le foyer du dhrupad, cette musique est encore chantée. Un autre point technique dont je peux vous parler maintenant : vous savez que le dhrupad a quatre parties, asthai, antara, sanchari and abhog. Mais si vous allez à Mathura-Brindaban, ils ont 7 parties, et vous ne pouvez remettre en cause le fait que cela soit la forme authentique. Après la cérémonie du soir, ils chantent en groupe en suivant strictement les règles du raga en pur dhrupad à 7 parties. Si vous voulez vraiment entendre cela, vous devez aller là-bas dans les temples. Notre musique était pratiquée par des saints errants ou dans les temples. Ce sont les racines de la musique indienne, cela s’est passé ainsi pendant des centaines d’années.

Puis, après l’invasion de l’Inde par les musulmans au XIIème siècle, la musique fut composée et chantée devant les rois pour le divertissement. C'est à ce moment que la passion fit son apparition dans notre musique, mais cela n’était pas présent auparavant. La passion et la célébration des rois – le roi est proche de Dieu – les textes de très nombreuses anciennes compositions que vous pourrez voir sont en révérence au roi. Et le roi donnait des ordres « fait ceci, fait cela ». Alors la musique devint l’apanage du divertissement suite à l’invasion musulmane, avant cela non, absolument pas. Les vieilles compositions parlent toutes du seigneur Krishna et de Radha, de leur amour éternel, toutes sont basées sur leur histoire d’amour, mais quand l’invasion musulmane commença, alors les choses changèrent dramatiquement.

A partir du XIIème siècle, la musique classique indienne s'est scindé en deux mouvements, l'une s'est développé au nord, l'autre au sud. Le sud a présérvé l'hortodoxie rigide ; et la controverse n'est pas close, mais ils affirment avoir conservé la pureté de la musique classique indienne. Si vous préservez quelque chose de tout contact du monde extérieur, sans doute vous maintenez son caractère sacré, mais c'est comme qui dirait de l'eau stagnante : l'universalité ne peut pas apparaître et se développer dans ce cas. Alors que la musique du nord de l'Inde, après toutes ces invasions venant de Perse, de Grèce, d'Afghanistan et de tant d'autres contrées, a été enrichie de nouveaux systèmes. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette musique si ancienne a su conserver sa puissance, alors qu'au Japon, en Chine, en Corée, et dans tous les lieux où se sont développés de vieilles civilisations, elle a quasiment perdue toute vitalité.
La musique du Nord de l'Inde est toujours en mouvement, et même encore aujourd'hui elle continue d'évoluer doucement ; comme on dit, pierre qui roule n'amasse pas mousse. Elle est très cristaline, et toujours pleine d'énergie. Les musiciens indiens ont entendu beaucoup d'autres musiques et ont essayé d'emprunter à d'autres musiques, et ils continuent de chercher. C'est une très bonne chose je pense. Ca me plait. A moins de prendre des idées en provenance d'autres cultures ou de gens différents, comment pouvez-vous vraiment enrichir vos propres idées ? L'absence de progression est synonyme de mort et de stagnation. Ce qui est arrivé à notre musique du sud de l'Inde est vraiment une leçon à méditer.
A propos de l'apprentissage chez le guru
Ainsi vous êtes devenu un membre de la maisonée

Oui, c'était le vieux système, vous deviez rester à la maison comme un membre de la famille.

Comment était la vie à cette époque ?

Vous ne devez que pratiquer, oublier le reste du monde ! Cette période de formation est très très rigoureuse et très stricte. Vous n'avez du temps pour rien ! Il n'y a qu'à pratiquer, pratiquer 14 heures par jour au minimum, juste travailler ! Et pendant tout ce temps, il vous dirige. Ce n'est pas comme si vous veniez chez moi de 7 à 8, pour une heure de cours, ce n'est pas cela – vous êtes pris en main 24 heures sur 24 ! Vous savez, c'est une question très importante : qui est un guru, qu'est-ce qu'un vrai guru ? Je ne pourrais pas être un guru, parce que, vous savez il y a une vieille histoire : une personne vint auprès d'un grand maître spirituel, il souffrait de quelques maladies, et ce grand saint lui dit : « reviens me voir dans 7 jours, et je te donnerai un remède ». Après 7 jours, le disciple revint de nouveau et il lui dit : « Ne prend plus de sel. Oublie complètement le sel. Tu ne dois plus toucher au sel ». Alors le disciple lui dit : « excusez-moi si je vous pose une question, pourquoi m'avez-vous fait attendre 7 jours pour ce simple remède ? » Le maître répondit : « Pendant ces 7 jours, je n'ai pas pris de sel ». Voilà le point important : si je vous dit quelque chose, si vous ne suivez pas mon conseil – je dois savoir le résultat et la réaction. C'est cela ce qu'on appelle le maître, le guru. Le guru peut vous voir de l'intérieur. il peut vous guider – dans la voie qui est bonne pour vous.

On m'a demandé : « Vous et Ravi Shankar avaient été les disciples de la même personne, pourquoi votre style et votre approche de la musique sont-ils différents ? » C'est parce que mon maître comprenait. La première fois que je suis venu à Maihar, la première chose que mon maître me dit, « je vais te guider suivant un chemin différent, tu vas suivre une autre voie que celle de Ravi Shankar. Il n'y aura pas de ressemblance. » Bien sûr, les bases sont les mêmes, à propos du raga et la manière dont nous allons gérer le traitement du raga – c'est la même chose, mais l'exposition sera différente, le style est différent. Maintenant je peux comprendre mais à l'époque je ne pouvais pas comprendre. La première chose qu'il déclara : je vais te faire suivre une voie différente. Ta voie sera complètement différente de celle de Ravi Shankar. » Parce qu'il pouvait comprendre. Maintenant, je peux me rendre compte que mon approche de la musique est complètement différente de celle de Ravi Shankar – tout le monde a une approche différente parce que la hauteur d'esprit, la façon de penser est différente. Je peux encore me rappeler qu'il me donna ces compositions – la permière fois j'étais si étonné, je pensais qu'il serait impossible pour moi de les jouer ! Un style complètement différent, complètement différent ! Je n'étais pas habitué à ce genre de choses. Il me dit : « c'est ton style, tu dois suivre cette voie . C'est le style qu'il te faut ; cela convient à ton esprit. » Maintenant je peux comprendre, mais à l'époque j'étais si bouleversé, je dis : « qu'est-ce que c'est que ça ? C'est quelque chose de complètement différent pour moi, je ne vais pas arriver à jouer ça ! » Il me répondit juste : « Si tu ne peux pas jouer, alors laisse moi seul et retourne à Calcutta tout de suite ! » Quoi qu'il en soit, ce que je veux dire c'est qu'un guru peut vous voir, que vous le croyez ou pas, à partir de son expérience et de sa maturité. Peut-être avez-vous rencontré un bon guru, mais si ce n'est pas le cas, je vous plaint. Etre un Guru ne veut pas juste dire enseigner la musique ; un guru vous façonne, il modifie tout votre être, étape par étape, la manière dont vous vous comportez, comment vous réagissez. A chaque étape, il va vous guider, il verra, il vous regardera avec du recul. C'est un très vaste sujet, guru, qui est un guru. Je ne peux pas être un guru parce que je ne suis pas assez franc avec moi-même, ce qui veut dire que je ne fais pas toujours ce que je dis. Mais un guru c'est quelque chose d'autre ; si le guru dit : « pratique 16 heures par jour aujourd'hui », cela veut dire qu'il a pratiqué, qu'il connait le résultat. Ce que tu dois travailler, ce qui va convenir à ton tempérament, tes émotions, cela il peut le comprendre juste en te voyant, tes mouvements, ton comportement, tes réactions. Seul un guru peut savoir parce qu'il est tellement pur à l'intérieur. Oh oui, trouver un guru est une bénédiction !

[...]

Et il avait l'habitude de dire : « Tant que tu es en vie, tu dois t'entrainer ! Si tu meurs, tu seras heureux ! Ce serait mieux que tu meures, mais tant que tu es vivant tu dois travailler, tu ne dois pas t'arrêter ! » Mais maintenant, on peut voir tout l'amour qu'il y avait là. Pourquoi il faisait tout ça, pourquoi cette intransigeance était là – parce qu'il m'aimait ! Il faisait cette reflexion : « Maintenant, il faut que tu fasses quelque chose ! Puisque tu t'es engagé dans cette voie, tu ne peux pas l'abandonner, tu dois agir, tu dois laisser ta marque ! » La période d'entrainement était très très rigoureuse – et, en ce qui me concerne je pense que le monde est en train de changer, ce pays est si avancé, mais il n'y a pas d'autre voie. Vraiment, si vous voulez jouer de la musique ou faire quoi que ce soit, vous devez oublier le monde au moins pendant 4 ou 5 ans, et juste vous concentrer sur la musique. Vous jouez de la musique, vous pensez à la musique, vous rêvez à la musique, vous mangez de la musique – vous vivez en musique ! C'est tout ! Je pense qu'il n'y a pas d'autre moyen si vous voulez vraiment devenir un grand musicien. Ce n'est pas vrai uniquement pour la musique indienne, c'est vrai partout, dans le monde entier.



Jnan Prakash Ghosh a aussi écrit que vous avez passé quelques années d'études intensives avec Ali Akbar.

En fait, quand Baba est devenu vraiment vieux - Ali Akbar Khansahib avait aussi beaucoup d'affection pour moi ; je suis aussi resté avec lui environ 4 ou 5 ans à Bombay et j'ai appris de lui. Une autre chose : durant cette période de formation, c'est comme lorsqu'un petit arbre grandit, à partir de la première pouce : vous mettez une sorte de grillage autour pour ne pas l'écraser et pour éviter les mauvaises influences dues aux mauvaises herbes. Quand il grandit, vous pouvez retirer le grillage. Durant cette période de formation, vous n'êtes pas censé jouer devant vos proches, et pas non plus devant des étrangers, ou qui que ce soit si ce n'est vos parents. Vous n'avez pas le droit d'écouter aucune musique, rien, et pendant ce temps, vous serez complètement retiré du monde. Vous n'entendrez rien, vous ne jouerez en face de personnne. Cela signifie qu'il vous modèle ; toute la lumière et la concentration sur la musique, et ses conseils et son suivi sera là. En fait, il vous chapeautera pendant cette période. Avant d'aller à Maiar, je donnais de concerts ici ou là, mais dès le moment où je suis arrivé à Maiar, il me dit : « A partir d'aujourd'hui, tout cela est fini. »


A propos des occidentaux...
Pensez-vous que le public occidental ait progressé, diminué, ou qu'il soit resté constant pendant toutes ces années ?

C'est encore un point important. Il y a une chose dont je peux témoigner, de la fin des années 60 jusqu'au début des années 70, il y avait le mouvement hippy dans ce pays (USA), puis les Beatles et une sorte de période d'engouement pour les gurus. Parfois je suis vraiment sidéré ! Ce pays est si avancé, c'est le plus puissant, le pays le plus avancé du monde dans tous les domaines et en même par certain côtés il peut être tellement stupide ! Je ne comprend vraiment pas ! Les États-Unis sont une nation intelligente, mais comment peuvent-ils être impliqués avec ces gurus indiens tel que Rajneesh ? Ils se comportent de manière tellement inattendu ! Je ne veux attaquer personne en particulier, non. Je ne sais pas comment la musique indienne s'est retrouvé mélée avec le mouvement hippy, avec Mahesh Yogi, les Beatles, Mia Farrow, John Lennon et toutes ces grandes stars de la pop. Le sitar devint très populaire. « Qu'est-ce que tu fais ? » « Je médite en jouant du sitar ! » Quoi qu'il en soit, il y eu vraiment un mouvement de masse pendant quelques années puis tout à coup, les Beatles ses sont séparés, et cette mode a cessé, les Beatles, les stars de la pop et les acteurs et les actrices de cinema ont commencé à dire que la spiritualité indienne était quelque chose d'épouvantable, que tout était bidon. Et du jour au lendemain, le sitar est devenu impopulaire ! Cette mode est terminée maintenant, et c'est un très bon signe je pense. Cette folie n'est plus présente ; seuls les amateurs sincères restent présent désormais. Les vrais amateurs de musique et d'art, et ceux qui respectent les autres cultures. La musique indienne est désormais aimée et respectée par les mélomanes sincères. C'est un bon signe, cela va durer.


Pensez-vous qu'il soit possible pour les non-indiens de maîtriser le sitar ou tout autre aspect de la musique classique indienne ?

Oui, le 1er exemple est Jon Higgins. Oui mais l'amour doit être présent, l'amour et le respect. Tout le monde peut apprendre, la musique, la culture, la littérature, ils n'ont pas de pays, de caste ou de confession, c'est bien au-dessus, bien au-dessus de tout ça. Par exemple, si vous voulez devenir un bon joueur de violoncelle, vous ne pouvez pas demander "combien d'années faut-il pour devenir un bon joueur de violoncelle ?" C'est vraiment une question stupide. C'est le travail de toute une vie ! Si j'aime vraiment cet instrument, je devrai y consacrer toute ma vie, apprendre d'un bon professeur, et pratiquer toute ma vie, alors peut-être que je pourrais devenir un bon violoncelliste. C'est ainsi, tout est le travail d'une vie.


Est-ce que vous connaissez des musiciens occidentaux sérieux et talentueux qui jouent de la musique classique indienne aujourd'hui ?

Pour être franc, je crois qu'il manque une chose à tous ces gens en occident - c'est la patience. La patience signifie que si vous dites que vous voulez apprendre la musique indienne ou n'importe quelle musique, vous devez le faire en profondeur. Pendant quelques années vous l'étudiez, la pratiquez et un beau matin vous abandonnez sur un coup de tête. Non ! Dans ce cas, il n'y a rien à en attendre. Je le sais parce que j'ai eu à enseigner ici; il y avaient beaucoup de jeunes hommes et femmes vraiment doués. Ils s'en sortaient bien durant 6 ou 7 années pendant lesquelles ils pratiquaient vraiment durement, ils étaient dévoués et concentrés à 100% et ils apprenaient bien. Et un beau matin, ils venaient et disaient : "je vais étudier la musique corénne". OK, c'est comme tu veux. La persévérance et la force mental qui va me permettre d'atteindre tel niveau n'est pas là. Il y a deux ou trois approches : si vous voulez vraiment devenir un joueur professionnel, c'est une chose; "je veux avoir quelques notions à propos de la musique indienne", c'est autre chose ; "j'aimerais apprendre juste pour mon plaisir personnel", c'est encore autre chose.

Qu'est-ce que vous pensez de la musique "fusion" et de l'utilisation des instruments indiens dans le jazz et le rock ?

S'ils prennent quelques gammes ou quelques structures rythmiques de la musique indienne et les utilise, ça me va. Mais s'ils disent : "Je fais de la musique indienne", mélangeant de la musique indienne avec du rock ou du jazz, cela ne me plait pas. Ce n'est pas une bonne chose. Les bases sont différentes.
Modifié en dernier par prajnaPat le 11 mai 2009, 22:49, modifié 2 fois.
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par prajnaPat » 11 mai 2009, 22:27

Sur l'"atmosphère du monde"
Pensez-vous que la musique classique indienne soit appréciée en Inde aujourd'hui ?

Naturellement, l'Inde est un pays pauvre et la musique classique à un pourcentage limité d'auditeurs. Il en était de même autrefois, et cela reste vrai aujourd'hui. Tous les indiens n'aiment pas la musique classique ; c'est une musique très profonde, vous savez. Pour tous les indiens, la musique pop ou la musique de film sont les plus populaires, mais la musique classique n'est pas pour tout le monde.


Pensez-vous qu'il y ait un public régulier et cultivé assez important pour pouvoir affirmer que la musique classique ait un futur prometteur ?

Il existe oui, et il continuera d'être présent. Certaines personnes sont folles de musique classique, et leur enfants sont aussi comme ça. Cela s'accroit, j'en suis certain.


Y a-t-il de jeunes artistes prometteurs (chanteurs ou instrumentalistes) avec le potentiel des grands maîtres ?

Il y a beaucoup de garçons et de filles talentueux, des chanteurs et des instrumentitstes, mais de nos jours en Inde, c'est devenu une mode de ne pas consacrer trop de temps à pratiquer et à apprendre. Après avoir étudié un peu, ils veulent aller en Amériques pour gagner de l'argent, à la recherche de la gloire et de la célébrité. Cela a vraiment gâté l'astmosphère. Ce n'est plus comme à notre époque, vous savez... cette rigidité n'est plus là, ce type de guru n'existe plus, et de nos jours les jeunes gens talentueux étudient pendant 4 ou 5 ans et après, ils veulent gagner de l'argent, ils veulent être célèbres, ils veulent aller aux Etats-Unis. C'est un très mauvais signe. Pour être très franc, je ne vois personne en ce moment. Quand on se rappelle les jours anciens, ce potentiel là... non. Bien sur l'argent est nécessaire, mais en ce qui me concerne, ma musique est le plus important, tout le reste ne vient qu'après, tout est secondaire. D'abord je veux progresser, je veux aimer ma musique, je veux m'absorber dans la musique ! Cette approche là ne se trouve plus. Je ne leur reproche pas, quoi qu'il en soit, c'est l'atmosphère du monde. De nos jours, tous les jeunes hommes et les jeunes filles sont submergés de problèmes, tellement de problèmes, des problèmes économiques. Alors je comprends qu'il soit difficile de se consacrer entièrement à la musique et d'être tellement concentré, mais on trouve toujours quelques personnes qui en ont la possibilité parce qu'ils ont une aide financière quelconque, et là encore, cette atmosphère n'est pas présente. Une autre chose : la télévision est en train de tout corrompre ; parce que durant votre période de formation, il ne doit y avoir aucune source de distraction. Maintenant, il est dificile de trouver un lieu coupé du monde. Que ce soit des vidéos, la télé, la radio – toute l'atmosphère est devenu très agitée dans le monde, la situation politique et d'autres choses. Peut-être que ce n'est qu'une période momentanée, et qu'une meilleure aire viendra.


Sur la dimension spirituelle de la pratique :
Votre musique est particulièrement connue à la fois pour son approche poétique, méditative, et pour sa virtuosité technique : est-ce que vous pratiquez une quelconque forme de yoga or de méditation ?


Je fais des postures de hatha yoga ; juste pour rester en forme. La musique est ainsi faite que l'on peut vous juger à ce que vous jouez. Ce n'est pas une approche particulière, c'est mon expérience... parce que vous pouvez exprimer ce que vous êtes à travers la musique. Mon approche de la musique est très profonde. Je ne fais de compromis avec personne ni avec quoi que ce soit d'autre dans la vie. Ca m'est égal, je m'en moque si les gens apprécient ce que je fais ou non, ça m'est égal. Quand je commence à jouer, j'aime tenter de jouer le mieux possible, de la belle, de la bonne musique, de la musique divine. Je veux vraiment aller au-delà de ce monde matériel à travers l'Espace – là ; aucun compromis. Je veux vraiment savoir ; pas pour m'amuser, pour le divertissement, non. Dans la permière partie. Naturellement, avec les tabla, c'est une autre histoire, un chapitre complètement différent ; les combinaisons rythmqiues et les mathématiques sont présentes. Un musicien doit élever l'âme du public, et l'emmener dans l'espace immense.


Il y a quelques années, quand j'avais discuté avec vous après ce qui m'avez semblé être un concert mémorable, vous m'aviez dit : « Oui, mais je veux faire vibrer les cordes du coeur ! » Je fus très impressionné par votre volonté de littéralement altérer la conscience et élever l'âme du public.


En fait, cela devrait être le but, mais que suis-je ? Parfois, je pense sincèrement que je ne suis rien ! Si je dis « oui, je suis un bon musicien », alors à chaque fois, toutes les fois que je joue je devrais jouer mieux. Et je n'en suis pas capable, non ; personne n'en est capable. Vous n'avez aucun pouvoir sur ces choses là. La virtuosité technique est primordiale mais vous savez la musique est telle qu'il faut d'abord travailler la technique, puis l'oublier. Alors seulement vous pouvez briser la cage autour de vous et aller au-delà. Tant que vous n'êtes pas capable d'aller au-delà de cette barrière et vous projeter dans l'Espace, rien n'a d'utilité ! De quoi la musique retourne ? Ce n'est pas juste de jouer des notes, des combinaison, des permutations, non ! Chaque note que vous faite vibrer dans votre esprit devient vivante ! Dans ce cas là, vous avez atteint le but. Tagore a écrit un très joli poème à ce sujet ; j'aime ce poème et il me touche beaucoup : « Celui que je ne peux voir, que je ne peux toucher, mes notes de musiques peuvent toucher Tes pieds » ("Whom I cannot see I cannot touch, my musical notes can touch thy feet." ). C'est tellement vrai ! Si une vraie atmosphère musicale est présente, alors vous vous oubliez, pendant quelques instants vous êtes élevé si haut ! C'est comme si je vous donnais une bonne claque, vous pleurerez, et de bonnes notes de musiques et de bonnes phrases vont aussi vous mettre les larmes aux yeux. Pourquoi ? Que sont ces larmes ? Cela veut dire que votre corps a besoin de nourriture mais votre esprit a besoin de cette chose, cette aspect esthétique de l'art. Quand je suis allé au Louvres à Paris et que j'ai vu le fameux tableau de Léonard de Vinci, Mona Lisa, j'ai pleuré pendant plusieurs minutes ! Cela m'a tellement touché, et quand j'écoute de la bonne musique occidentale je suis très ému pendant quelques instants ; mais pas pour très longtemps? Si cela dure longtemps, alors vous au-dessus, au-dessus de tout. Cela ne dure pas longtemps, mais pendant quelques instants, la bonne musique, la bonne littérature, la bonne poésie, une bonne image, vous élève et vous oubliez votre coprs et tout votre environnement. Voilà le but de l'art ! Cela nous élève vers Dieu, vous pouvez dire, ou nous projète dans l'Espace, au-delà de toutes ces choses. Voilà le but, et là, vous n'êtes plus un musicien. Vous faites, vous essayer de faire, vous débutez ! Vous êtes un débutant ! Alors quelquechose se produit. Allauddin Khansahib n'était pas une personne instruite, c'était quelqu'un de très simple, mais il disait toujours : « Ecoute, quand tu joueras, avant de commencer, tu te remémoreras ton guru. Il viendra à l'intérieur de toi et il te poussera, alors créer de la bonne musique. » C'était ses propos, alors à chaque fois, avant de commencer à jouer, il consacrait environ une minute à se souvenir de son guru, sur scène. Avec uniquement la tanpura, avant de jouer son instrument, il fermait les yeux et se rappelait. C'est une croyance, vous savez. C'est une chose très controversée. Aujourd'hui, au 20ème siècle, vous pouvez ne pas y croire, mais vous ne pouvez pas créer cette musique – quelque chose vient peut-être de l'intérieur ou de l'extérieur. C'est cela qui crée ! Si vous dîtes : « maintenant, je vais créer », alors faite le maintenant, vous pouvez le faire à chaque fois ? Non ! Vous ne pouvez pas le faire à chaque fois. Voilà le but, et c'est tellement vaste, tellement loin dans l'Espace ! C'est une chose imprévisible !
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par amandine » 03 juin 2013, 08:53

Bonjour
je poste ici cet entretien de Michel Cazenave avec Ustad Usman Khan , car Ustad Usman Khan est sitariste
(et puis il me semble qu'il y a des liens bien interessants a explorer dans ce fil :) )
c'est un entretien qui date de 2006, vous l'avez peut être déja écouté?
cet vraiment un régal d'écouter ce monsieur parler de son art , du lien entre la musique et la méditation, de la discipline , de la répétitivité necessaire de la pratique, de l'effacement de soi derriere l'art, de la musique comme un Yoga pour les musiciens et un Yoga pour celui qui écoute et doit aller vers le son .

http://www.michelcazenave.fr/vivants_khan.html
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par prajnaPat » 03 juin 2013, 23:32

Merci Amandine :)

C'est vrai que l'effacement de l'égo est important en musique, indienne ou pas... mais finalement, je me dis que c'est vrai pour toute activité en fait... enfin s'il s'agit d'exprimer quelque chose qui nous tient à coeur... dans ce cas, c'est toujours quelque chose qui nous dépasse qui cherche à s'exprimer et l'égo n'en est pas responsable, il doit juste jouer son rôle à sa place...

Pour la méditation (ou les techniques qui agissent sur ajna, ou le pranayama aussi) c'est vraiment une aide pour la musique, la pensée est beaucoup plus claire, du coup il y a plus "d'espace" pour se concentrer sur le style, l'émotion, etc.

Pour le lien avec Shabda ou nada, je suis plus sceptique... mais je ne m'y connais pas assez...
l'Immensité
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lorkan739
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par lorkan739 » 04 juin 2013, 00:57

Oui merci.

J'ai adoré. C'est si rare d'entendre un vrai musicien parler de la virtuosité de son art.
Notamment sur le fait que la musique effaçe les dualités entre les hommes. Couleurs de peau, couleur des yeux etc...
Et puis aussi sur l'idée du chercher le Président du monde dans la musique.
Également sur l'aspect éphémère et illusoire que provoquait l'écoute de la musique populaire sur nos cordes intèrieur.
Ça m'a donné envie d'écouter le silence de la radio de ma voiture.:)

C'est bête mais c'est vrai, lorsque, par exemple, entre autres, j'écoute cette magnifique chanson de Marc LAVOINE : "J'ai vu la lumière" J'exulte ! A l'intèrieur je me dis putain ! c'est moi ! l'Amour ! :lol:
Et même si c'est vrai...Finalement je préfère rester attentif aux cordes sensibles de mon coeur.

Il parle aussi de la receptivité du public au son. Je me souviens qu'à un début de concert j'avais presque pété un cable, ça me rendait parano, lorsque les musiciens mettaient trois plombes pour s'accorder. J'avais l'impression qu'ils attendaient le silence absolu du public mais il y avait toujours quelqu'un pour faire du bruit au moment où...Un truc de dingue ! :D

Donc, merci pour cette enseignement. :)
Afin de guider l'âme, hors de cette prison, vers l'Unique...
kinaram

Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par kinaram » 04 juin 2013, 21:15

Kya baat hai!
Nikoyogi

Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par Nikoyogi » 07 juin 2013, 07:08

Energie féminine cette fois :

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amandine
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par amandine » 08 juin 2013, 12:41

merci Nikko pour cette belle découverte !
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ValerieB
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Re: musique indienne 2 - Nikhil Banerjee

Message par ValerieB » 08 juin 2013, 14:47

Merci pour les traductions, Prajnapat! C'est gentil comme tout!

j'ai beaucoup aimé cette interview

Amandine, je n'ai pas encore eu le temps d'aller écouter l’interview!


J'aime beaucoup l'idée de la spiritualité au cœur de la musique ou de la danse

effectivement au 13ème siècle, le sultanat de Delhi a changé bien des choses

la danse " Kathak" s'est modifiée dans ce contexte, devenant une danse de cour, alors qu'avant, comme l'odissi ou le Baratha c'était une danse de temple

Mohapatra, l'un de ceux qui ont redonné ses lettres de noblesse à l'odissi après que les Anglais l'eussent réduit à une danse de prostituées, disait qu'il ne dansait pas mais qu'il priait
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