Le kulaka Ghatakarpara

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lorkan739
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Le kulaka Ghatakarpara

Message par lorkan739 » 08 mars 2013, 18:17

Le Ghatakarpara est une courte composition sur le thème de l'absence. Au début de la saison des pluies, une jeune femme s'inquiète de ne pas voir revenir son mari qu'un voyage retient au loin. Elle demande à un nuage de se faire le messager de son amour et de ses prières. Mais les doutes se mêlent à son angoisse. L'exubérance de la nature exaspère en elle le sentiment de son abandon. Elle se plaint des objets qui l'entourent et se plaint à eux. A peine accepte-t-elle d'entendre une amie qui veut lui rendre espoir. Ce sujet très proche de la réalité de l'Inde est cher à la poésie sanscrite ; il permet l'expression de l'amour dans l'état de séparation et se prête à l'évocation des aspects grandioses et gracieux d'une saison qui parle vivement aux sens et à l'imagination. Par ce côté le Ghatakarpara se situe dans la tradition - magnifiquement illustrée par le Meghadūta -
d'une poésie amoureuse dans laquelle se fondent les éléments descriptifs. Pourtant sa réputation est aujourd'hui celle d'une oeuvre hautement artificielle. Elle vient de l'usage répété d'une figure de style, le yamaka, qui en fait un poême entièrement rimé. Cette prouesse semble avoir été le but principale de l'auteur, puisque dans l'épilogue il promet plaisamment au poête qui le surpassera en yamaka de lui porter à boire dans un pot cassé(ghatakarpara).


"Quelle est sur ta tête, ô toi qui exauces les prières, ce diadème d'espèce nouvelle ?
Je crois reconnaître Smara,
A l'aspect duquel l'Amour aux flèches impaires éclate avec force dans le monde."
Puisse celui qui, à ces mots de la déesse, oublia son ascèse, puisse Shambhu nous être favorable.



Le poète :
A l'heure où les rayons du soleil sont cachés,
Où la pluie tombe du ciel en infusant la tristesse,
Où l'Amour dans le coeur se prépare à frapper,
Une femme esseulé dit ces mots.

L'héroïne :
Vous avez laissé tout ce temps s'écouler, ô nuages,
Et vous arrivez quand mon bien-aimé est parti ;
Le cruel séjourne en terre étrangère ;
Vous me ferez donc mourir loin de lui.

Dites au plus volage des voyageurs, denses nuées,
Qui franchissez rapidement les chemins :
"Renonce maintenant à ton amour du pays lointain...
Ou bien ton épouse que voici...nous n'en dirons pas plus."

A présent, Seigneur, en longues files, les cygnes
S'élancent dans l'espace vers le lac Mānasa ;
Le cātaka altéré se tourne vers l'eau du ciel,
Et ta malheureuse amie, ô voyageur, vers toi.

L'herbe shaspa aux reflets sombres brille douce à l'entour ;
Le cātaka trouve une eau pure ;
Les nuages font pousser des cris aux paons ;
Quel plaisir, mon bien aimé, peux tu connaître aujourd'hui sans moi ?

(Une messagère à l'époux :)....
Mis en joie par la voix des nuées, les paons
Dans le coeur des femmes esseulées font parler leurs tristesse ;
Le visage creusé à l'approche des nuages,
Celle qui t'aime maintenant succombe à un amour trop fort.

N'es-tu pas au moins attendri par ta bien-aimé,
Dont les boucles, à leur pointe, effleurent la joue palie ?
Dans les flots de chagrin où elle est précipitée
Le souvenir de tes qualités est son seul salut.

Dans les forêts où fleurissent les kutajas,
Devant les visages anxieux qu'ont délaissés leurs amants,
Les rivières roulent en eau trouble ;
Pourquoi n'as-tu pas même un regard pour ma détresse ?

Sur les chemins effacés par les averses,
L'Amour, me voyant sans lui, touche son arc aux flèches acérées ;
Je tremble aux grondements profonds des nuages ; quand donc, mon amie,
Serai-je délivrée du chagrin dont je brûle, séparée de mon bien-aimé ?

(L'héroïne à l'amie, dans un jardin :)
Insurpassés dans la forêt pour la force de leurs parfum,
Éventés par le souffle des nuages sonores,
Pavillon marqués par le dieu de l'Amour,
Resplendissent à présent les bois de ketanas.

Prajāpati peut être fière d'avoir créé un si bel arbre,
O Sarja, demeure de l'amour ;
Avec tes grappes de fleurs, tu es le prince des forêts,
Une fête pour les yeux des jeunes femmes.

Jeune Kadamba, je courbe le front devant toi ;
L'Amour habite le sourire de vos fleurs ;
Pourquoi, kutaja, te ris-tu de moi avec tes fleurs ?
A toi aussi, l'irrésistible, j'adresse mon hommage.

Devant toi, le plus beau des arbres, je me tiens toujours inclinée ;
Pourquoi porte tu le feu dans mon coeur ?
Puisse, ô Nīpa, un regard de tes fleurs
Soudain m'affranchir de ce corps misérable.

Voyant venue la saison du miel,
L'abeille embrasse la plante du jasmin
Embellie de ses fleurs encore closes,
Qui s'entreouvrent sous les gouttes de pluie échappées des nuages.

La messagère envoyé par l'époux :
Le ciel est couvert de nuages accourus,
Qui labourent le champ des coeurs privé de leur amour ;
Sur le sol la poussière est rabattue par les eaux ;
Le soleil et la lune mêmes sont invisibles.

Les cygnes effrayés par le tonerre s'enfuient ;
Le début des nuits n'est plus éclairé par la lune ;
Ivres de l'eau nouvelle les paons jettent leurs cris ;
C'est la saisons des pluies, ô femme dont les dents sont pareilles au jasmin.

Le ciel voilé, sans étoiles, la nuit, ne brille plus
Et le sommeil s'approche de Hari, le dieu juste ;
Armé de l'arc d'Indra, le nuage grondant
Répand maintenant la fureur entre les éléphants pareils aux montagnes.

Au milieu des éclairs les nuages jettent la pluie sur les collines,
Où le fracas des nuées fait peur aux serpents ;
Avec un bruit profond, dans les grottes, elle tombe
Sur les femmes d'une beauté merveilleuse.

A présent quelqu'un apaise bien vite
Le visage des belles enflammé par une querelle d'amour ;
La rumeur des nuages fait languir les voyageurs
Et le chagrin croît infini dans le coeur de leurs femmes.

Le poête :
Par les plaisirs que j'ai goutés dans l'attachement d'une tendre maîtresse,
Levant, assoiffé, dans la coupe de mes mains, ce que d'eau j'y puis boire,
Je veux faire ce serment : si un autre poête me surpasse en rimes,
Je lui porte de l'eau dans un tesson de pot.



Le ciel de la logique, de la grammaire et de la Mīmāmsā resplendit,
A son contact la mer de nectar de la littérature se soulève ;
Puissent les rayons de ton savoir, ô Indurāja, qui est comme une lune entre les poêtes,
Eux qui qui ouvrent mon esprit, pénétrer dans les trois mondes de la terre, des espaces intermédiaires et du ciel !

-Abhinavagupta-
Afin de guider l'âme, hors de cette prison, vers l'Unique...
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