Il est inspiré par l'enseignement de mon prof.
Pour qu’il y ait un spectacle il faut un spectateur !
Vision de l’homme selon le Samkhya Karika
La vision dualiste du Samkhya (texte traditionnel et fondamental de la vision indienne, 6ème Darshan (vision du monde) dénombre tous les éléments (tattvas) qui nous constituent et que nous pouvons expérimenter directement, le texte propose 73 karikas (strophes) pour expliquer la relation entre tous ces éléments.
Ces éléments au nombre de 25 apportent une vision « cosmique » de l’être humain :
- A la base nous trouvons Purusa (la Conscience) et Prakrti (prononcer prakriti : la cause primordiale de la nature, la manifestation dans sa globalité)
La vision du Samkhya est duelle car Purusa et Prakrti ne se rejoignent pas, mais existent séparément.
Prakrti est au service de la Conscience pour lui permettre d’expérimenter, proche de la Conscience, elle semble elle aussi consciente mais ne l'est pas, comme toutes ses manifestations qui vont suivre.
Il faut aller dans les visions monistes pour trouver l’union de la nature et de la Conscience en une unique entité (Dieu). La Tantrisme propose 11 tattvas supplémentaires au dessus des 25 du Samkhya pour réaliser cette union.Karika 21
Raisons de la manifestation de Prakrti -cause substantielle primordiale-.
La Manifestation se réalise par l’union des deux -Purusa et Prakrti- union comparable à celle du paralytique et de l’aveugle:
-en vue d’expériences de toutes sortes de Prakrti par Purusa (1),
-en vue de l’isolement -Libération- de Purusa, la Conscience Pure (2).
Nota
(1) Purusa semble expérimenter des manifestations de Prakrti, sous forme de joie et de souffrance.
(2) Isolement - il s’agit de la dissociation d’avec la Prakrti, qui englobe tous les phénomènes physiques et mentaux. C’est la prise de conscience par Purusa, le principe spirituel, qui n’est pas de nature à être affecté par les dualités. Cette prise de conscience permet à Purusa d’être à l’abri de toutes sortes de souffrances.
D’après Gaudapâda, le boiteux c’est l’âme (qui a la vision, la clairvoyance, la perspicacité) portée par l’aveugle qui est la Nature. Arrive un moment OÙ la séparation s’impose, chacune ayant satisfait sa propre mission. Là s’arrête le périple et la collaboration est dissoute.
- Sous Prakrti nous trouvons Buddhi (ou mahat : le grand) l’esprit qui est omniprésent.
Buddhi demeure comme conscience cosmique (Mahat), capable d’être illuminé par Purusa ; D’où son essence sattvique (1 des 3 gunas) de luminosité et de pureté. Son organe d’élection est le cœur et non le cerveau qui est siège du mental.
Le Samkhya lui attribut les fonctions de mémoire permanente (smarana) et d’arrêt de la fluidité mentale (cînta) ; cette dernière opération s’obtient seulement par la concentration sur une des perceptions mémorisée.
La fonction Smarana fait de l’intelligence l’élément essentiel de corps subtil (sûsma sharîra) avec les Indriya (moyens d’action et de connaissance), le mental et les cinq énergies vitales (prâna). Mais c’est par Manas qu’elle nous est connue. On dit que Buddhi est le conducteur du char, Manas les rênes et les Indriya sont les chevaux.
Ajoutons que cette série de Tattva se manifeste toujours sous deux formes, l’une macrocosmique, l’autre microcosmique. Ainsi, il y a un ego collectif et un ego individuel, un mental cosmique et un mental particulier à chaque vivant, une mémoire collective et une mémoire individuelle, etc… tout comme la somme des êtres incarnés (Jiva) correspond à l’Homme essentiel qui est le corps d’Ishvara.
- Sous Buddhi se trouve Ahamkara.
Ahamkara est une partie de l’univers qui se sent couper du reste, c’est le principe d’individuation qui a une importance capitale, parce que, à partir de lui, la manifestation bifurque vers des phénomènes mentaux ou physiques.
Mais à ce stade, l’être créé n’est pas encore tourné vers l’extérieur, il se perçoit distinct du reste mais n’a à ce stade aucun moyen de connaissance, le sentiment d’individuation est simplement présent, c’est le « je suis ».
- Dans la suite de la cristallisation ou de manifestation de l’énergie primordiale se met en place la discrimination entre monde intérieur et extérieur.
Ici le temps et la mémoire se mettent en place, le souvenir va prendre sa place dans Manas (le mental) et l’idée de l’égo, du personnage dans son histoire, apparait ici : « Je suis cela, les choses sont cela »
Associée au temps : J’ai fais cela, je ferai ceci, j’ai fais cela…
Alors apparaissent les 5 fenêtres de la connaissance : Les 5 sens (Janendriyas : voir tableau plus bas) qui me permettent de valider ma « distinction » avec le tout et de nourrir Manas.
Les 5 sens apparaissent selon un ordre logique qui va du plus subtil (l’ouïe) au plus dense (l’odorat), ils trouvent leur siège dans les centres d’énergies (chakras).
Suivent les 5 moyens d’actions (Karmendriyas : voir tableau plus bas)
Manas fonctionne de concert avec les sens (indrya) pour l’organisation de la vie. Les Indryas sont ses pouvoirs. Avec leurs objets ils procurent les moyens d’obtenir la jouissance issue du désir (Râga) éprouvé par le mental.
On distingue :
Jnânendriya et Karmendriya ne sont pas les organes physiques, œil, oreille, bouche ou mains, mais les facultés internes de cognition ou d’action. Toutes les informations recueillies par les organes ou le système nerveux sont transmises au Manas coordinateur, par l’intermédiaire des centres (cakra) du corps subtil où convergent un maximum de lignes de circulation des énergies vitales.
L’ensemble des sensations se concentre donc en direction du mental. Ce qui explique pourquoi le yogin expérimenté peut agir par la seule puissance de son esprit et tout accomplir sans intervention des organes des sens dont il a préalablement stoppé l’activité. Nous ne devons pas en déduire pour autant que tout l’univers créé soit entièrement illusoire.
Voici maintenant l’être qui est créé, muni d’un mental (mémoire, ego) et de moyens de perceptions et d’actions mais rien à expérimenter…
Alors comme l’esprit omniprésent dans l’univers, les principes subtils des éléments grossiers qui sont les 5 Tanmatras (tan = tissu, la fibre, matra = la mesure), renferment tout le potentiel de l’univers extérieur, sous forme de noyaux énergétiques.
Chaque constituant des objets matériels a son origine dans une Tanmâtra : « le son potentiel produit une agglutination avec les particules, l’atome espace, auquel correspond dans l’ordre subjectif, le sens auditif. L’énergie lumineuse et irradiante produit l’atome irradiant et le sens visuel, etc … »
L’importance de la première, le Shabdatanmâtra est primordiale. Elle se rattache au Nâda, le son originel, dont elle constitue l’élément qui sera soumis à la sensation.
L’univers est d’abord sonore, puis substantiel et énergétique (toucher- sens thermique) formel et chromatique, sapide et aromatique. Mais ces qualités ne doivent leur cohésion qu’à la présence du son dont la vibration anime l’ensemble. Toute la force virtuelle ou agissante dans les éléments possède une racine, un germe sonore, le Bîja.
Ces 5 principes (audible, tactile, visible, sapide, odoriférant) sont indépendants et omniprésents, ils existent indépendamment de nos facultés.
Ainsi il m’est possible de me connecter au principe d’entendre et de dépasser les limites de mon oreille, comme il m’est possible de dépasser aussi les limites de mon œil en me connectant au principe de la vue.
Le tantrisme trouve sa source dans la maitrise de ces tanmatras.
Enfin viennent les 5 éléments (Mahâbhuta : l’éther, l’air, le feu, l’eau et la terre), ainsi la subtil lumière transmigre et se cristallise à la fin de sa « chute » dans l’élment le plus dense qui est la terre, scellant parfaitement tout le système.
L’homme ainsi doté de moyens de connaissance et d’action trouveras dans sa sphère limité d’expérimentation les éléments denses et limités de la manifestation.
Très rapidement ses croyances et certitudes sur la manifestation engendrées par ses expériences et sa culture, mémorisées dans le souvenir et le mental le rendra inapte à expérimenter de nouvelles choses et le poussera à dire très rapidement :
" Ceci maintenant est quelque chose que je connais intégralement " avouant ainsi, sans s’en rendre compte sa totale incapacité à aller plus loin.
Pour passer au-delà de l’emprise du cerveau et du mental, il devra alors réintégrer l’univers en réintégrant en lui les tanmatras, afin de posséder la faculté de découvrir les choses dans leur essence réelle, et non à travers les organes limités de son corps.
Ainsi seulement il pourra franchir le pont qui sépare Prakriti de Purusa et connaitre Purusa.
C’est dans l’immobilité du corps (pour transcender le mouvement), du souffle (pour transcender les dualités), du mental (pour transcender son sentiment d’individuation), que la prise de Conscience (vimarsha) arrivera pour le conduire vers la lumière (prakasha), union de tous les principes.
Albert EINSTEIN a écrit :Un être humain est une partie du tout, que nous appelons “univers”, une partie limitée par l’espace et le temps. Il expérimente lui-même ses pensées et ses sentiments comme quelque chose séparé du reste
- une sorte d’illusion optique de sa conscience.
Cette illusion est pour nous une forme de prison, nous limitant à nos désirs personnels et à l’affection pour les quelques personnes proches de nous.
Nôtre tâche doit être de nous libérer de cette prison en élargissant nôtre cercle de compassion pour embrasser, dans leur beauté, toutes les créatures vivantes et l’ensemble de la nature.
Albert EINSTEIN.