Maison

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kavi
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Maison

Message par kavi » 30 mars 2006, 10:09

C’est une drôle de maison que j’habite.
Elle est flanquée de neuf portes qui saisissent le multiple, plus une, dérobée, pour rejoindre l’unité.
Drôle de maison, oui ; les yeux ouverts, elle me paraît si petite, mais il me suffit de les fermer pour m’apercevoir que je suis loin de l’avoir toute explorée.
Tournée vers le dehors la vue est courte et n’embrasse qu’un point de vue limitée ;
Mais vers l’intérieur, on ne peut distinguer aucun fond, aucune butée.

Nombreux sont les sages qui ont déclarés qu’un trésor se trouve au sein de la maison ; et que celui-ci s’évanouit lorsqu’on veut s’en saisir.
Drôle de jeu que de goûter le sans saveur qui est toute saveur.

Nombre de fois, je me suis perdu dans ma maison, à la recherche d’un silence que vient troubler l’écho sonore des mutations perpétuelles. Parfois, entre deux plis de ce monde froissé jaillit un étonnement sans durée d’où coule la tranquillité.
Je me souviens de l’avoir entendu dire : la maison est la source et le retour.
Parfois je m’y perds, parfois je m’y trouve.


Salut aux promeneurs immobiles !

Kavi

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Yog

Message par Yog » 30 mars 2006, 13:25

Merci pour ce partage. :)
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Denis
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Message par Denis » 31 mars 2006, 22:26

Yep !!, Kavi est de retour :ivre:

Merci pour cette belle metaphore, bien inspirée.

Les volumes intérieurs sont immense, les découvrir est une merveille...

Veux tu nous en parler un peu plus ? :wink:
Dieu nous donne ce dont il veut qu'on se serve, pour aller vers lui.
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Message par Denis » 31 mars 2006, 22:37

Ton texte Kavi, m'a fait penser à une strophe du VijnanaBhairava Tantra que je vous donne. En fait il y en a 3...
43 - Qu’on évoque l’espace vide en son propre corps dans toutes les directions à la fois. (Alors) pour qui jouit d’une pensée libre de dualité, tout devient espace vide.

Les directions de l’espace sont au nombre de dix. Celui qui fixe sa pensée sur l’une d’elles seulement emprunte la voie de l’individu mais qui se concentre sur toutes en même temps parcourt la voie de l’énergie. Ces deux voies aboutissent néanmoins à la voie de Siva puisqu’elles permettent également d’atteindre le vide.
L’accent de ce verset porte sur yugapal, une parfaite simultanéité. Notons qu’il est très difficile de se concentrer sur l’espace vide à l’intérieur du corps dans toutes les directions à la fois et sans la moindre séquence. Si l’on réussit cette prouesse, la suspension de toute localisation entraîne la suppression des limites de l’objectivité et de la subjectivité. Le corps perd son support habituel, il baigne dans un vide infini et le yogin a l’impression de devenir aussi vaste que l’espace avec lequel il se confond. Puis, utilisant la vacuité spatiale à laquelle il est parvenu, il se libère de su tendance innée à la dichotomie (vikalpa) et s’immerge dans la vacuité éthérée de la Conscience que uertains tantra désignent par l’expression ~finyô1i~finga, vide absolu’.

44-45 - On doit évoquer en même temps le vide du sommet et le vide à la base. Du fait que l’énergie est indépendante du corps, la pensée deviendra vide (44).
Qu’on évoque avec fermeté et de façon simultanée le vide du sommet, le vide à la base et le vide du cœur. Grâce à l’absence de toute pensée dualisante, alors se lève (la Conscience) non-dualisante (45).


Ces deux versets relevant de la voie de l’énergie insistent sur la simultanéité, l’acte de contemplation impliquant une attention rigoureuse et stable sur deux ou trois vides à la fois.
Le vide à la base, en mùlâdhâra, et le vide au sommet, en brahmarandhra, sont situés aux deux extrémités du canal médian (susumnanadi) que le souffle emprunte au cours de son ascension. Bien absorbé en ces deux roues ou centres, indifférent aux autres énergies corporelles, le yogin fixe son attention uniquement sur le vide intermédiaire (madhya) qui mène de l’un à l’autre centre ; il le creuse à l’intérieur de la susumnâ en adhérant à lui de tout son être. La pure énergie propre à ce vide s’éveille alors en remplissant à elle seule le champ de la conscience et, après avoir brisé ses attaches avec le corps, elle atteint la vacuité de la conscience qui met un terme au fonctionnement de la pensée dualisante. Alors ayant pris contact avec la Conscience illimitée, le yogin s’efforce au 45 d’unifier entre eux les trois vides habituellement séparés, c’est-à-dire le vide de la roue du cœur à ceux des roues inférieure et supérieure déjà unifiés au sloka précédent. Lorsqu’ils ne forment qu’un vide unique, seule subsiste la Roue de la conscience sans dualité, le Je suprême où l’énergie s’identifie à Siva.
Le vide du cœur introduit ici une nouvelle dimension en méditant sans flancher sur ces trois vides à la fois, la pensée perd sa tendance naturelle à la bifurcation ; la vacance de tout vikalpa s’établit de façon durable (état nirvikalpa) ; puis à force de se pénétrer de cette vacance, se révèle alors, non plus seulement l’état indifférencié auquel on est déjà parvenu, mais l’essence indivise elle-même ; en sorte que nirvikalpavastha est remplacé par nirvikalpapramatr, Sujet absolu ou Conscience en soi (ciddhâma) universelle et ininterrompue.
Considérées de façon discursive, ces vacuités paraissent distinctes les unes des autres et extérieures au Sujet ; mais si on les saisit d’un seul regard, toutes à la fois, elles se confondent car l’acte intuitif ne peut s’en emparer qu’en les dépouillant de leurs supports différenciés (cœur, etc.) et en les voyant reposer dans l’unité indifférenciée de la Conscience un vide unique se substitue alors soudain aux multiples vacuités contemplées.
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Message par kavi » 01 avr. 2006, 18:44

C'est gentil, Denis, d'offrir le champ', faisons donc sauter le bouchon Image.

Oui, la métaphore est belle, mais je m'empresse d'ajouter - comme tu dois le savoir - que je ne suis pas le premier à la proposer, elle est même plutôt habituelle. Ici, les ouvertures correspondent aux orifices du corps humain, d'autres fois on parle de puryashtaka, l'octuple forteresse, pour parler de l'ensemble sensoriel interne et externes.
Voici des chants Baûls au langage cypté :

"Merci, je vous le dis,
Pour cette maison construite en l'air
Sans aucun support.

La maison est là
sans terre en-dessous,
Comment va-t-elle se tenir ?
Elle a toutes les chances d'être emportée
par les tempêtes et les cyclones.

Elle a neuf pièces
Et tout en haut une tourelle.
Là s'accroche le fou.

Neuf chambres se suivent
De l'étage le plus haut
Jusqu'en bas. Il y a neuf portes...
Le fou se dit : "comment entrer ?
Par quelle porte puis-je entrer ?"

Lalân Fakir

"Ce corps comprend
Huit chambres sans serrures,
Le tout sur neuf étages.
Mais ce corps nous dit
Les choses de trois façons.

Un tribunal siège au second étage.
Le premier est envahi par les marchands,
A l'entresol vivent les soldats
et des employés de bureau.
Tous méditent avec leur chapelet en verroterie.
Les marchands cherchent à s'introduire partout
pour voler ce qu'ils peuvent dans les chambres.

Tiens fermée seulement la porte de la Tourelle
Et dors-y à ton aise.
Là tu n'as rien à craindre des six ahuris !
Ô mon esprit, dors tranquille !"

Lalân Fakir

Certes, il peut nous manquer des clefs traditionnelles pour interpréter ces textes, mais cela n'empêche pas de les goûter et de voir ce qu'ils évoquent pour nous.

Les stances du Vijñanabhairava que tu cites sont très belles, Denis. Tu as peut-être remarqué que l'on trouve dans d'autres traditions des propositions qui entrent en résonance avec ce texte.
Par exemple les descriptions de Khecari mudrâ qui se trouvent dans Hathayogapradîpika ou gherandasamhitâ.

"Place le soi au milieu de l'espace et place l'espace au milieu du soi. Réalisant que tout n'est qu'espace, il ne faut penser à absolument rien.

Vide à l'intérieur et vide à l'extérieur, comme une jarre vide dans l'espace.
Plénitude à l'intérieur et plénitude à l'extérieur, comme une jarre immergée dans l'océan."
H.Y.P. IV. 55-56

Il se trouve d'autres passages qui te plairaient peut-être dans le tantrâloka. Si cela t'intéresse et que je dispose d'un peu de temps, je pourrais aller extraire quelques gemmes...mais il n'y a pas que les textes, n'est-ce pas :)

Salut dans les dix directions !

Kavi
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